La nomination de l’investisseur Sriram Krishnan au poste de conseiller à la Maison-Blanche sur l’intelligence artificielle a fait se déchaîner le courant “America First”. Isolationnistes et anti-immigration, ses partisans ont immédiatement ressorti un tweet où le nouvel expert de Donald Trump demandait de lever toutes les restrictions à l’immigration qualifiée. Ignorant que la frontière de la productivité est tirée par un nombre réduit de personnes. Celles qui vont faire des découvertes scientifiques de rupture, créer ou rejoindre des entreprises à croissance rapide, s’impliquer dans le gouvernement ou la haute administration d’un pays.Ces talents sont plus mobiles que jamais. Avec la généralisation de l’enseignement supérieur, le diplôme devient un indicateur insuffisant pour juger de la capacité d’une personne à contribuer à la croissance économique d’un pays. L’appétence pour le risque, le goût de l’effort, la remise en question du statu quo sont des caractéristiques au moins aussi importantes que la stricte performance académique.C’est là où le débat s’est cristallisé aux Etats-Unis. Des professeurs d’informatique d’universités américaines ont pointé que même leurs très bons étudiants faisaient face à un marché du travail complexe. Et se sont vus répondre par des entrepreneurs comme Vivek Ramaswamy, chargé du département de l’Efficacité gouvernemental au côté d’Elon Musk, que la culture de l’excellence apportée par les migrants d’Asie de l’Est et du Sud-Est conduirait leurs enfants à davantage contribuer à la société.L’Europe, réservoir de talents pour la Silicon ValleyEn 2016, les enfants dont un parent avait un visa H-1B représentaient 30 des 40 finalistes de l’Intel Science Talent Search, l’un des concours scientifiques les plus prestigieux pour les lycéens aux Etats-Unis. Lors des Olympiades internationales de mathématiques de 2024, l’équipe américaine – dont quatre des six membres étaient d’origine chinoise – a mis fin à une décennie de règne de la Chine.Les Etats-Unis se sont construits grâce aux talents venus de l’étranger. Un tiers des Américains lauréats d’un prix Nobel sont des immigrés. Un ratio que l’on retrouve dans la population de chercheurs et d’ingénieurs de la Silicon Valley. Depuis 2000, 1 licorne américaine sur 2 a été fondée ou cofondée par des immigrés. Selon la Commission de sécurité nationale américaine sur l’IA, le nombre d’étudiants nés aux Etats-Unis en doctorat sur l’intelligence artificielle n’a pas augmenté depuis 1990. L’incrément n’est dû qu’à des chercheurs étrangers. Dans la compétition pour la suprématie technologique, cet apport est indispensable. La Chine a un avantage considérable avec son système éducatif, produisant chaque année deux fois plus d’étudiants en master et doctorat dans les filières sciences, technologie, ingénierie et mathématiques que les Etats-Unis. Et le pays a lancé, en 2016, le “plan des mille talents” pour recruter des experts étrangers en sciences et technologies, principalement parmi la diaspora chinoise.Les Etats-Unis ont largement pu compter sur l’Europe comme réservoir de talents. La communauté d’expatriés européens est stable depuis près de cinquante ans – autour de 5 millions selon le Migration Policy Institute. La baisse de l’immigration d’Europe de l’Ouest et du Sud a été compensée par la hausse de celle d’Europe de l’Est, après la chute du bloc soviétique. Mais la question est désormais d’attirer les talents des pays émergents, qui se multiplient avec la généralisation de l’enseignement supérieur. Un exemple célèbre est celui d’Erdal Arikan, un diplômé turc du Massachusetts Institute of Technology qui n’a pas pu rester aux Etats-Unis et s’est tourné vers la Chine. Ses recherches ont été décisives pour le déploiement de la 5G par Huawei, qui détient aujourd’hui plus des deux tiers des brevets liés à la solution d’Arikan.Le système d’immigration des talents aux Etats-Unis est dysfonctionnel, que ce soit l’attribution des visas H-1B par loterie, le plafond de 7 % de cartes vertes à un même pays ou la bureaucratie d’un système qui fait attendre les candidats six ans en moyenne. Voilà le chantier auquel compte s’attaquer Donald Trump. Il a tranché le débat en se déclarant en faveur de l’immigration illimitée des plus qualifiés aux Etats-Unis.Robin Rivaton est directeur général de Stonal et membre du conseil scientifique de la Fondation pour l’innovation politique (Fondapol)
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Author : Robin Rivaton
Publish date : 2025-01-13 06:30:00
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