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Alan Stivell : “Pour sauver le breton, la Bretagne doit accéder à l’autonomie”




“Stivell”, le nom de scène qu’il s’est choisi, signifie “source jaillissante”. Un pseudonyme parfait pour cet artiste qui a su réinscrire dans la modernité la musique bretonne. Un parcours qui le conduit aujourd’hui à réclamer des mesures politiques pour sauver la culture de sa région. Attention : entretien choc.L’Express : Etes-vous plutôt optimiste ou plutôt pessimiste quant à l’avenir du breton?Je dirais que la bouteille est à moitié vide et que l’on ne sait pas si elle va de nouveau se remplir. Certes, des milliers d’enfants et d’adultes apprennent cette langue ; certes, des dizaines de milliers de personnes participent à des festoù-noz ; certes, les prénoms bretons sont en vogue ; certes, des artistes comme Nolwenn Leroy ou moi-même avons rencontré un grand succès… Il y a donc eu des progrès incontestables et il faut s’en réjouir, d’autant qu’ils n’ont jamais été donnés, mais conquis par des militants. Mais cela suffit-il ? Ma réponse est “non” car le pronostic vital du breton reste engagé. Il n’a pas d’avenir s’il n’est pas utilisé dans l’administration, enseigné dans toutes les écoles, etc. Autrement dit : il doit devenir langue co-officielle. Et cela suppose aussi l’autonomie.VOUS SOUHAITEZ RECEVOIR AUTOMATIQUEMENT CETTE INFOLETTRE ? >> Cliquez iciJe vous croyais non pas autonomiste, mais indépendantiste…Personnellement, je suis en effet favorable à une Europe fédérale dont la Bretagne serait l’un des Etats. Mais je suis avant tout démocrate et je sais que la perspective de voir une majorité me donner raison reste utopique. De toute manière, le plus important est de sauver la culture et la langue bretonnes. Cela n’est pas forcément impossible dans le cadre de la République française, mais seulement à condition que la Bretagne conquière un statut particulier d’autonomie. Sans quoi, nous resterons toujours à la merci d’un changement de gouvernement à Paris et d’une majorité hors Bretagne. Pour sauver le breton, la Bretagne doit donc accéder à l’autonomie. Il n’y a pas d’autre solution.N’est-ce pas la porte ouverte au séparatisme ?Fondamentalement, la Bretagne est une nation sans Etat qui se situe entre deux pôles magnétiques : la France et l’archipel celtique. Le problème est que la première nous coupe de nos cousins gallois, écossais et irlandais. Elle ne croit pas que nous l’aimions sincèrement et son attitude vis-à-vis de notre langue le prouve.Dressons un parallèle avec un couple : que penseriez-vous d’un mari qui imposerait à sa femme de rester avec lui par la force ? Ne devrait-il pas plutôt essayer de la reconquérir ? C’est la même chose en politique. Depuis des siècles, la France tente de maintenir la Bretagne de force en détruisant sa culture. J’ai tendance à croire, au contraire, que respecter les Bretonnes et Bretons éviterait les scénarios radicaux qui ne seraient plus indispensables.Mais ne pourrait-on pas garder une culture bretonne sans langue bretonne?C’est impossible, et cela pour une raison majeure : la langue influence la pensée d’une personne à chaque instant. Elle construit les personnalités bien davantage que la danse ou la musique, d’autant que l’on n’écoute pas un seul type de musique – et c’est très bien ainsi. Savez-vous par exemple qu’en breton, l’ordre des mots dans les phrases n’est pas le même qu’en français ? Cela modifie notre manière de penser. C’est donc pour moi une évidence : Hep Brezhoneg, Breizh ebet ! Si la langue bretonne disparaît, la Bretagne disparaîtra.Vous venez de publier un double album symphonique, Liberté-Roazhon, enregistré en concert avec l’Orchestre national de Bretagne (1). Est-ce une manière de redonner de la dignité à la musique traditionnelle ?Alan Stivell : Bien sûr. De grands compositeurs comme Béla Bartók ou Alexandre Borodine, puis Guy Ropartz et Jef Le Penven, avaient compris que ces musiques étaient nobles et sophistiquées. Cependant, ma démarche est davantage portée sur la création, en gardant au centre l’influence d’une musique celtique intemporelle, plutôt que “traditionnelle”. C’est une autre façon d’aller vers une musique universelle où nous n’oublions pas qui nous sommes.En 2008, vous avez comparé la situation des Tibétains aux “aliénations culturelles” qui auraient frappé les Bretons ou les Occitans. N’exagérez-vous pas ?Les violences physiques que subissent certaines minorités chinoises n’ont évidemment pas cours en France. En revanche, ici aussi, les minorités culturelles sont rejetées. Comme par instinct, la France a toujours semblé chercher à détruire les langues autres que le français. Et ce que nous avons arraché reste de l’ordre de soins palliatifs. L’Arcom vient encore de refuser une radio 100 % en breton, comme s’il n’existait pas suffisamment de radios en français !Je rappelle par ailleurs que, parmi les droits de l’homme, figurent les droits linguistiques des minorités. Et que ceux-ci ne sont pas respectés en France – c’est l’ONU qui l’affirme.Certains vous soupçonnent de tourner le dos aux valeurs universelles que porterait la langue française, de cultiver une forme de repli sur soi…Les discours auxquels vous faites référence sont de simples calomnies manipulatrices. Je me situe aux exacts antipodes de cela depuis mes tout débuts professionnels, en 1966. La diversité culturelle est pour moi une valeur clé (2), aucune personne honnête ne pourrait le contester. Regardez ma discographie : si la langue bretonne y est très présente, on y trouve aussi l’occitan, le catalan, le corse, l’irlandais, le sanskrit, le tibétain, le kabyle, le wolof, le bambara, l’arabe, l’algonquin, l’anglais, le français ! Qui dit mieux ? Où est le repli sur soi ? En réalité, derrière le mépris de certaines langues, on décèle un mépris de leurs locuteurs. Que font ces soi-disant intellectuels de l’égalité entre les humains, donc de l’égalité entre les cultures ? Quand on y réfléchit, ils ne sont pas loin de la pensée raciste. Tout cela est d’autant plus scandaleux que cette pseudo-hiérarchie entre les langues ne découle pas de la fatalité, mais de rapports de force militaire dans le passé. A les suivre, on devrait donc mettre sous le boisseau les cultures de certains peuples simplement parce qu’ils ont été vaincus jadis par des armées plus puissantes ! Que savent-ils, par exemple, de l’occitan qui, avec ses troubadours, a été l’une des langues les plus prestigieuses d’Europe jusqu’à la croisade contre les Albigeois ? Ont-ils seulement lu leurs œuvres ? Tout cela procède d’une ignorance incroyable…> En tournée en 2025. On trouvera les premières dates confirmées sur son site officiel. On y trouve également des éléments de réflexion intéressants dans la rubrique “compléments culturels”.RETROUVEZ DES VIDÉOS CONSACRÉES AU FRANÇAIS ET AUX LANGUES DE FRANCE SUR MA CHAÎNE YOUTUBE(1) Alan Stivell. Liberté – Roazhon, enregistré avec l’Orchestre National de Bretagne (label Verycords)(2) Voir son autobiographie : Stivell par Alan. Editions Ouest-France.A lire ailleursAmin Maalouf soutient l’enseignement des littératures en langues régionalesAmin Maalouf a reçu le 18 décembre le collectif pour les littératures en langues régionales à l’école. Le secrétaire perpétuel de l’Académie française s’est montré très favorable à l’introduction de cet enseignement dans les programmes scolaires. Les deux parties sont convenues d’élaborer dans les prochaines semaines un corpus de textes qui sera ensuite présenté au ministère de l’Education nationale.“Démasculiniser” la grammaire ? Le Conseil d’Etat déboute un enseignantUn enseignant avait saisi le Conseil d’Etat en estimant que la règle dite du “masculin générique” était préjudiciable à sa fille. La plus haute juridiction administrative l’a débouté. Selon elle, les règles de féminisation en vigueur dans l’enseignement ne sont contraires ni au droit national ni au droit européen.Le français aux Etats-Unis, une histoire toujours vivante Très intéressante synthèse d’Albert Valdman, professeur émérite de l’université d’Indiana, sur l’histoire du français aux Etats-Unis, où il est langue minoritaire. Et résiste encore.Quand Sud Ouest délaisse l’occitanLe journal Sud Ouest vient de mettre un terme à la rubrique Atau tè, que rédigeait en occitan Bernard Cazenave. Sans vergogne, le confrère affirme néanmoins que cela ne l’empêchera pas “de suivre l’actualité de la langue béarnaise et occitane, et de la diversité linguistique et culturelle en général”. On allait le dire…Deux journées d’études sur les langues minorisées les 21 et 22 janvierFrance, Australie, Brésil, Paraguay, Angola… Dans de nombreux pays, certaines langues disposent d’un statut inférieur à celui des langues nationales. Deux journées d’études se tiendront sur ce thème les 21 et 22 janvier à Maison des sciences de l’homme de Bordeaux.Publication du livret Noms des communes et gentilés du pays catalanQuels sont les noms catalans des communes et des habitants de la Catalogne française (ou “nord”, selon les points de vue) ? C’est à cette question que répond Remy Farré dans cet ouvrage réalisé en collaboration avec l’Office public de la langue catalane (OPLC), l’Associació per a l’Ensenyament del Català (APLEC) et l’Institut franco-catalan transfrontalier (IFCT) de l’Université de Perpignan Via Domitia (UPVD). Il est également disponible en ligne.En Polynésie, le JT en langue tahitienne fête ses 50 ansEn 1975 était lancée la première édition d’un journal télévisé présenté en polynésien. Un événement qui a marqué un tournant dans l’histoire culturelle et médiatique de ce territoire.A écouterDécouvrez la symphonie celtique d’Alan StivellEcoutez un extrait du double album Liberté-Roazhon d’Alan Stivell, orchestré par lui-même et interprété avec l’orchestre national de Bretagne. Son titre : Symphonie celtique n° 2 – Extraits Hiraezh & Beaj (Nostalgie & Voyage).A regarderPourquoi écrit-on “les genoux” et pas “les genous” ?Bernard Fripiat, spécialiste de l’histoire de l’orthographe, explique dans cette vidéo à la fois sérieuse et humoristique comment la langue française a hésité entre les formes “genouils”, “genous” et “genoux”, avant que cette dernière ne l’emporte. Un “x” qui aurait pu également s’appliquer à “verrous” (qui s’est écrit verroux jusqu’au XVIIIe siècle) et à “fous” (que l’Académie française écrivait foux dans son dictionnaire de 1762).RÉAGISSEZ, DÉBATTEZ ET TROUVEZ PLUS D’INFOS SUR LES LANGUES DE FRANCE SUR la page Facebook dédiée à cette lettre d’information



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Author : Michel Feltin-Palas

Publish date : 2025-01-14 06:15:00

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