* . * . *
close

Les cadres français, malheureux au travail ? Ce que ne disent pas les chiffres

Cadres au travail illustration




“Le Bhoutan, petit pays d’un peu plus de deux millions d’habitants, situé au pied de la chaîne de l’Himalaya et de culture bouddhiste, a décidé, à la fin des années 1970, de ne plus utiliser le traditionnel indice du produit national brut (PNB), mais celui de bonheur national brut (BNB)”, (Michel Guillemin, Le bonheur au travail : qu’en disent les scientifiques ?, ERS, 2018). Un peu seul sur ce concept, le Bhoutan a néanmoins peut-être inspiré depuis 2012 l’Organisation des Nations unies (ONU) qui publie chaque année un rapport dédié pour mesurer ce bien-être subjectif, intitulé World Happiness Report. Utopie, le bonheur au travail ? Les premières recherches sur ce thème remontent aux années 1930 sous l’égide du psychologue et sociologue australien Elton Mayo (The human problems of an industrialized civilization). Elles ont été poursuivies dans les années 1950 par les psychologues Fred Emery et Eric Trist, au sein du Tavistock Institute of Human Relations de Londres (Des systèmes socio-techniques à l’écologie sociale des organisations). En France, en 2013, la notion de qualité de vie au travail QVT – puis en 2020 la QVCT (qualité de vie et conditions de travail) – s’est imposée comme le référentiel visant à construire une organisation de travail favorable à la fois à la santé des personnes et à la performance globale de l’entreprise.Cependant, une étude réalisée en 2017 par le cabinet Robert Half sur le bonheur au travail, menée dans huit pays, plaçait la France en dernière position tandis qu’en 2023, un cadre sur deux déclarait ressentir un épuisement professionnel (Apec). Paradoxalement, 81 % des cadres français jugent leur situation professionnelle satisfaisante (Apec/Datagora, “Portrait statistique des cadres du secteur privé, 2023). Comment expliquer ce hiatus ? Le mal-être est-il d’origine structurelle ou conjoncturelle ?Pour commencer, la focalisation sur le mal-être repose sur différents facteurs qui peuvent conduire à une surinterprétation du phénomène. Les changements organisationnels, par exemple, sont souvent associés à des conditions de travail perçues comme générant incertitude et anxiété. “Ces situations peuvent à la fois engendrer du stress et un impact négatif sur le bien-être physique et psychologique des employés” (L’impact de la perception des changements organisationnels sur le bien-être des cadres, EMS, 2017). C’est le cas des fusions-acquisitions, en nette augmentation : en Europe, au Moyen-Orient et en Afrique (EMEA), elles ont atteint 883 milliards de dollars en 2024, en hausse de 15 % par rapport à 2023 (Megermarket).De plus, ces dernières années, les crises géopolitiques, politiques et sanitaires ont été des facteurs d’angoisse. Ainsi, en va-t-il de la crise sanitaire liée au Covid-19, qui a bouleversé le monde du travail et les rapports humains : en septembre 2022, 25 % des cadres indiquaient avoir vu leur santé mentale se dégrader au cours des deux dernières années (Apec) quand 42 % des employés se trouvaient en situation de détresse psychologique. Parmi eux, 8 sur 10 estimaient que leur environnement de travail en était une cause partielle ou totale (13e baromètre Empreinte Humaine/OpinionWay, septembre 2024). Résultat : en 2023, 66 % des cadres affirmaient se sentir bien au travail, contre 77 % en 2019. Parmi les insatisfaits de leur vie professionnelle, 60 % déclarent être soumis à une charge de travail excessive (Robert Walters, juillet 2023) : 63 % assurent effectuer plus de 40 heures par semaine, 25 % plus de 45 heures (baromètre cadres 2024, Secafi/ViaVoice/Ugict-CGT).Un mal-être réversibleQuelles qu’en soient les causes, le mal-être au travail favorise le turn-over et la pénurie de main-d’œuvre oblige les recruteurs à rivaliser d’efforts pour séduire les talents et les conserver. Si le salaire demeure un critère majeur, c’est le bien-être qui fait rester. Ainsi, 42 % des cadres considèrent que l’enjeu professionnel le plus important à horizon cinq ans est “l’épanouissement au travail”, suivi de près par la conciliation entre vie professionnelle et vie privée (41 %). Des préoccupations comme l’utilisation de l’intelligence artificielle n’intéressent que 26 % des répondants (Freelance/Ifop, 2024).Autre indicateur permettant de relativiser des chiffres quelque peu anxiogènes : si 42 % des cadres déclarent avoir envisagé de démissionner en 2024 (contre 51 % en 2022), seuls 8 % ont réellement sauté le pas (Ibid). D’ailleurs, “en cet automne 2024, les cadres affichent un niveau de satisfaction professionnelle record (87 %), tout en restant particulièrement réceptifs aux opportunités externes (53 %)”, indiquait en octobre dernier Frédéric Dabi, directeur général de l’Ifop (Baromètre Cadremploi/Ifop). Une tendance encore plus prononcée chez les jeunes générations, “qui expriment un attachement moindre à leur entreprise et une exigence accrue en matière de flexibilité organisationnelle”. Malgré le spleen ambiant, le mal-être des cadres est donc plutôt conjoncturel et réversible : aux entreprises d’agir.



Source link : https://www.lexpress.fr/economie/emploi/management/les-cadres-francais-malheureux-au-travail-ce-que-ne-disent-pas-les-chiffres-LVKL65Y2INH3HLVVBLNDYPLHHA/

Author : Claire Padych

Publish date : 2025-01-14 11:00:00

Copyright for syndicated content belongs to the linked Source.

Tags : L’Express

.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . %%%. . . * . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . $ $ $ $ $ $ $ $ $ $ $ $ $ $ $ $ $ $ $ $ - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - . . . . .