En 2021, le prix Nobel de la paix a été décerné aux journalistes Dmitri Mouratov et Maria Ressa. Un autre nom, plus ronflant, se trouvait sur la liste des candidats du comité norvégien : celui de Donald Trump. L’ancien président américain était nommé pour son rôle dans la signature des accords d’Abraham, une série de traités de paix conclus entre Israël, les Emirats arabes unis, Bahreïn, le Maroc et le Soudan. Une avancée diplomatique fulgurante au Moyen-Orient, pour laquelle le milliardaire républicain estime ne jamais avoir été dûment récompensé. Il est vrai que l’invasion du Capitole par ses partisans cette même année n’avait pas aidé son dossier pour le Nobel…Pour son second mandat, Trump ressort son costume de diplomate en chef dans la région, avec des méthodes brutales et, pour l’heure, une efficacité redoutable. Le Républicain tempête, insulte, menace. Puis passe des deals. Après sa victoire du 5 novembre face à Kamala Harris, il avait promis de “faire pleuvoir l’enfer” sur le Moyen-Orient si les guerres en cours n’avaient pas été résolues d’ici son retour dans le bureau Ovale, le 20 janvier.Résultat, dès le 26 novembre, Israël et le Hezbollah signent un accord de cessez-le-feu au Liban, après des mois de bombardements. Ce n’est pas l’Etat hébreu qui plie devant le président élu mais l’Iran, parrain du Hezbollah, redoutant le feu américain alors que Téhéran subit des revers militaires en série ces derniers mois.La “théorie du fou” fait plier NetanyahouA la veille de sa cérémonie d’investiture à Washington, les armes devraient désormais se taire dans la bande de Gaza. Presque un miracle, tant les négociations patinaient depuis quinze mois entre Israël et le Hamas. Les diplomates de Joe Biden s’arrachaient les cheveux pour faire entendre raison au gouvernement israélien, traçant des lignes rouges que les hommes de Benyamin Netanyahou franchissaient une à une, sans conséquence. Un échec éclatant de la diplomatie traditionnelle.Déboulent alors Donald Trump et sa théorie du fou chère à Richard Nixon : faire croire à ses ennemis – et à ses alliés – que l’enfer peut réellement s’abattre sur eux, tant le président de la première puissance mondiale peut se montrer imprévisible. Le week-end dernier, le président élu a dépêché son envoyé spécial dans la région, Steve Witkoff, un magnat de l’immobilier sans expérience diplomatique. Après un passage au Qatar, il s’est rendu samedi dans le bureau de Netanyahou, à Jérusalem, refusant d’attendre la fin du shabbat pour discuter. D’après les médias locaux, le Premier ministre israélien serait ressorti ébranlé de l’entretien. Avant de signer, six jours plus tard, une paix qu’il refusait depuis des mois. Même le porte-parole du département d’Etat de Biden, Matthew Miller, a reconnu le rôle “absolument clé” joué par l’équipe Trump dans la phase finale des négociations.”La pression de la future administration Trump sur Netanyahou a été l’élément le plus décisif pour aboutir à cet accord, souligne Hugh Lovatt, spécialiste du Moyen-Orient au Conseil européen pour les relations internationales. De nombreux Israéliens accusent Netanyahou d’avoir délibérément sapé les négociations de cessez-le-feu par le passé, dans le but d’éviter une crise politique avec ses partenaires de coalition d’extrême droite.” Les ministres fondamentalistes israéliens, Itamar Ben Gvir et Bezalel Smotrich, menacent de nouveau de quitter le gouvernement si l’accord avec le Hamas entre en vigueur. Mais Netanyahou a davantage peur de Trump que de ce duo infernal. Pour l’instant.Le véritable test de cette diplomatie trumpienne aura lieu dans 42 jours, à l’issue de la première phase de l’accord, qui prévoit la libération de trente-trois otages dans la bande de Gaza contre celle de centaines de prisonniers palestiniens. Les ministres israéliens d’extrême droite incitent Netanyahou à ne jamais entrer dans la phase 2, qui envisage un retrait total des troupes de Tsahal de l’enclave palestinienne. Le Premier ministre israélien devra alors choisir entre le maintien de son gouvernement et la colère de Trump, hyperpopulaire en Israël depuis qu’il a décidé d’installer l’ambassade des Etats-Unis à Jérusalem en 2018. Une impasse qui pourrait précipiter de nouvelles élections au sein de l’Etat hébreu.Les autres “méga deals” possibles de Trump au Moyen-OrientCe n’est pourtant qu’un début. Avec sa nouvelle équipe diplomatique, Donald Trump entend remodeler le Moyen-Orient à sa main. Après la paix dans la bande de Gaza, il espère conclure un “méga deal” dans la veine des accords d’Abraham, avec des accords de paix entre Israël et l’Arabie saoudite, pays protecteur des lieux saints de l’Islam. “Cet accord de cessez-le-feu montre que seule l’administration Trump dispose de suffisamment de moyens de pression pour contraindre Israël à des compromis nécessaires, estime Hugh Lovatt. Ensemble, les Européens et les Etats arabes devraient convaincre Trump que mettre fin au conflit israélo-palestinien, en accordant une totale autodétermination et indépendance aux Palestiniens, constitue la seule voie vers une normalisation des relations entre l’Arabie saoudite et Israël.”Là aussi, Trump devra tordre le bras de l’actuel gouvernement israélien, qui refuse toute avancée vers un Etat palestinien. A l’inverse, le colon d’extrême droite Bezalel Smotrich, ministre des Finances, espère que le président républicain reconnaîtra l’annexion israélienne de pans entiers de la Cisjordanie. Lors de son premier mandat, le milliardaire new-yorkais avait reconnu l’annexion du Golan par l’Etat hébreu. Une colonie y porte désormais son nom.Netanyahou veut aussi s’appuyer sur Trump pour régler la menace iranienne. En 2024, Téhéran a multiplié les défaites militaires et stratégiques, voyant ses alliés se faire balayer dans la bande de Gaza, au Liban et en Syrie. “L’axe de la résistance” iranien fait grise mine, et Israël compte bien en profiter. Les équipes du prochain président américain ont laissé filtrer dans la presse ses possibles décisions dans ce dossier, dont la plus extrême : bombarder les sites nucléaires iraniens, quitte à risquer une guerre totale.Pourtant, l’auteur du best-seller L’art de la négociation (The art of the deal, paru en 1987) pourrait être tenté de passer un accord historique avec le régime iranien. Après tout, il est le président qui a menacé de raser Pyongyang avant de serrer la main de Kim Jong-un à la frontière nord-coréenne. “Le retour de Trump pourrait être soit un cataclysme soit une opportunité en or pour la République islamique, juge Vali Nasr, ancien conseiller du département d’Etat américain et spécialiste de l’Iran à l’université Johns Hopkins. Il est possible qu’il relance sa politique de pression maximale, à la fois économique et militaire, mais Trump s’est toujours montré intéressé par un deal avec l’Iran. Il n’est pas comme les autres présidents américains qui refusent de parler à leurs ennemis ou aux terroristes. Il avait bien passé un accord avec les talibans…”Dans sa quête du prix Nobel de la paix, Trump le diplomate n’a peut-être pas fini de nous surprendre. A condition de ne pas envahir le Canada ou le Groenland, comme il a déjà menacé de le faire…
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Author : Corentin Pennarguear
Publish date : 2025-01-16 14:33:35
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