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Retraites : pourquoi mettre le COR sur la touche est une sage décision

Pierre Moscovici, premier président de la Cour des comptes, lors de la présentation du rapport financier annuel de l'institution, le 12 mars 2024 à Paris




Coïncidence ? Le 10 janvier, l’économiste Gilbert Cette, qui préside le Conseil d’orientation des retraites (COR), met en ligne une note de trois pages, signée de sa main. Il y détaille comment cette instance, composée de parlementaires, responsables syndicaux et hauts fonctionnaires, établit ses projections annuelles sur l’évolution des pensions. Quatre jours plus tard, dans sa déclaration de politique générale, François Bayrou annonce que pour obtenir “un constat et des chiffres indiscutables”, il confie à la Cour des comptes une mission flash. Objectif ? Connaître “l’état actuel et précis du financement du système de retraites”. Exit le COR, dont c’était la raison d’être depuis un quart de siècle.Le Premier ministre a le mérite de la constance : lorsqu’il dirigeait le Haut-commissariat au Plan, il fut l’un des premiers, en décembre 2022, à remettre en cause les conventions comptables utilisées par ce cénacle qui aboutissaient, selon lui, à sous-estimer massivement le déficit du régime. Pierre-Louis Bras, qui présidait le COR à l’époque, y avait laissé des plumes, et sa place. Son successeur reconnaît – enfin ! – qu’il y a matière à discussion : “Sur les 382 milliards d’euros qui composent en 2023 les ressources du système de retraite hors produits financiers, seuls 257 milliards d’euros sont financés par des cotisations sur les acteurs du secteur privé et les cotisations salariales des agents publics, écrit Gilbert Cette. Le reste provient de transferts de l’Etat ou d’autres contributeurs publics (Cnaf, Unedic).” Une compensation de plus de 120 milliards… quand François Bayrou n’a évoqué à l’Assemblée nationale que 55 milliards, hors impôts affectés.La relève de la gardeLe président du COR serait-il devenu plus royaliste que le roi ? Ces sommes sont versées au pot “par des décisions du gouvernement et du législateur”, prend-il soin de rappeler. Avant de renvoyer chacun à ses responsabilités : “Par souci de clarté et de lisibilité, le COR adopte les conventions et normes comptables retenues dans le cadre des lois de finances et de financement de la sécurité sociale. Mais si les parlementaires le souhaitent, ils peuvent décider de réviser la manière dont les comptes retraite sont présentés. Il reviendra ensuite au COR de se caler sur cette autre présentation.” Trop tard, François Bayrou a sonné la relève de la garde. Sage décision.La Cour des comptes s’est donc mise en ordre de marche. Pour cette opération commando, elle devrait logiquement réunir plusieurs experts de la 1re chambre (finances publiques) et de la 6e (finances sociales), lesquels auront trois semaines pour faire tourner leurs modèles, formuler leurs recommandations et plus encore, insuffler cette pédagogie qui manque depuis tant d’années au débat sur les retraites. Le tout dans un format réduit, comparable à un chapitre du rapport annuel, alors que le dernier opus du COR alignait, lui, 230 pages… Le contexte est éminemment explosif. Sur le plan politique, d’abord, car l’institution de la rue Cambon ne peut risquer ici le moindre procès en partialité. Economique, ensuite : depuis la précédente réforme d’Elisabeth Borne, en 2023, de nombreux indicateurs – chômage des jeunes, natalité, déficit public… – se sont encore dégradés. Comment améliorer ce texte, promesse du Premier ministre aux uns et aux autres, si le grain à moudre s’est déjà volatilisé ?Une courbe par graphique, pas de variantes fumeusesIl y a deux ans, le COR s’était pris les pieds dans le tapis : soucieux de refléter la diversité de ses membres – de la CGT au Medef, en passant la FSU et la CFE-CGC -, il avait multiplié les scénarios, à l’horizon 2070, rendant illisible tout diagnostic. Sous l’impulsion de Gilbert Cette, ses travaux ont gagné, modestement, en clarté : le rapport de juin dernier présentait d’emblée une trajectoire de référence, reléguant les autres hypothèses dans le ventre mou du document. Selon toute vraisemblance, la Cour des comptes devrait enfoncer le clou : une seule courbe par graphique, et pas de variantes fumeuses. Certains paramètres auxquels plus personne ne croit – comme un taux de chômage à 5 % – n’y résisteront pas. Tant mieux : le choix tue l’action.”Tout le monde joue gros dans cette histoire de mission flash, résume un spécialiste des questions budgétaires. Bayrou, qui ne pourra s’affranchir des conclusions. La Cour, sommée de dire vite des choses fortes, sans prendre pour autant position. Et les partenaires sociaux : Matignon a accepté de les réunir en conclave, à leur demande, pour discuter des retraites, mais leurs propositions devront s’inscrire dans le cadre financier strictement posé par les magistrats.” Un serious game que la France, si elle veut sortir du marasme actuel, ne peut se permettre de perdre.



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Author : Arnaud Bouillin

Publish date : 2025-01-17 11:11:24

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Tags : L’Express

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