Aucune place à l’improvisation ! Avant de pouvoir s’entretenir avec Donald Trump, Corinne Scemama, journaliste au service Economie de L’Express, avait été prévenue : les prérequis pour rencontrer le magnat de l’immobilier sont nombreux et semblables à une vraie préparation physique et mentale. Une fois franchi le seuil du club très privé de Mar-a-Lago, son hôte se révèle tel qu’en lui-même : égocentrique, impatient et imprévisible. Sans compter (déjà) une sainte horreur de ces “losers de journalistes”. Retour sur les temps forts de ce face-à-face racontés par Corinne Scemama.Une rencontre sous conditionsRencontrer le célébrissime et très controversé magnat de l’immobilier, Donald Trump, se mérite. Pour l’approcher, le photographe a été obligé d’endosser son unique smoking – sa tenue de mariage – et j’ai moi-même dû jouer à la pretty woman, commençant la journée par un massage relaxant, suivi d’une visite chez une coiffeuse chargée de me faire un brushing impeccable, pour finir par une séance de maquillage.La vendeuse hors pair des tours Trump de Sunny Isles Beach (près de Miami), anxieuse à l’idée de ce rendez-vous qu’elle a organisé, me supplie d’accepter de porter un énorme collier en or et pierres de couleur verte et orange – “Le même que celui de la fiancée de Superman”, me vante-t-elle en même temps que son prix, 155 000 dollars – et une bague assortie, si lourde que ma main ploie sous le fardeau.Pour affronter le magnat de l’immobilier de luxe, dont la fortune est estimée par Forbes à 3 milliards de dollars -“Ajoutez-en 3”, incite-t-il – une préparation mentale est, me dit-on, également nécessaire.Lorsque le milliardaire arrive enfin, il me serre la main, sans doute à contre-coeur – dans un livre, il explique que cette pratique est “la porte ouverte à tous les microbes” – puis écoute Elena vanter L’Express, un “grand news magazine français”, et les portraits que j’ai écrits sur Ralph Lauren et Sheldon Adelson, l’un des rois de Las Vegas, dont la fortune est dix fois plus importante que la sienne. Ce dernier nom fait tilt. Ses yeux se portent enfin sur moi.Quoique prévenue de ses méthodes expéditives, je suis surprise par la rapidité de son débit et encore plus par sa façon de susciter les questions. “Allez-y”, me presse-t-il, après chacune de ses réponses. “Il est très impatient”, plaide un collaborateur. Mais le plus désarmant est sa façon d’interrompre à tout bout de champ ses interlocuteurs.Même si le procédé ne fonctionne pas avec ceux – nombreux – qui le détestent, l’attention qu’il sait porter aux autres le rend souvent populaire aussi bien auprès de l’homme de la rue que des grands de ce monde. “Il sait vous donner l’impression que vous êtes quelqu’un de très important. Bill Clinton a le même don”, admire Jorge Perez, son partenaire à Miami et en Amérique du Sud.En 2008, L’Express rencontre Donald Trump à Mar-a-Lago, le club très privé du milliardaire américain.Une confidence difficile à croireAu summum de sa gloire, le semeur de gratte-ciel n’est pas près de quitter la scène. Même si ses enfants, Don Junior et Ivanka, sont déjà chargés de veiller à l’image de la marque. “Je mène une vie passionnante, tout le monde veut me toucher, me parler, me rencontrer”, se félicite-t-il, pointant le jardin de Mar-a-Lago, où la réception bat déjà son plein.Avant de s’éclipser, le plus américain des nababs lâche : “Si je devais revivre une autre fois, je mènerais une vie secrète…” Une confidence difficile à croire : au milieu de cette fête, strictement réservée aux riches, il rayonne au côté de son épouse, Melania, époustouflante de beauté, si fier de ses succès mondains et d’être – comme toujours – le clou de la soirée…Des questions qui fâchentLorsque j’ai évoqué ses deux faillites, en 1990, lors de la crise immobilière, puis en 2005, à cause de ses casinos, à Atlantic City, il m’a interrompue : il n’a jamais été en faillite, a-t-il rétorqué, puisqu’il a réussi à “retourner” en sa faveur une dizaine de banquiers en colère.La “séquence charme” a pris fin lorsque j’ai évoqué l’enquête d’un journaliste américain qui l’accusait de surestimer sa fortune : “C’est un loser, comme tous les journalistes”, a-t-il lâché, en se levant brusquement pour aller accueillir ses invités. Je lui ai couru après – l’interview venait à peine de commencer -, il m’a alors présentée à quelques convives : “Voici le meilleur avocat des Etats-Unis et, lui, c’est le meilleur financier des Etats-Unis !”Donald Trump m’a alors plantée sur place, sans un regard et sans me serrer la main – les microbes, toujours. Je me suis retrouvée seule avec ce fameux financier, qui a commencé à me parler de la France. J’ai appris son nom plus tard : il s’agissait de Bernard Madoff.
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Publish date : 2025-01-18 07:15:00
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