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Le retour de Donald Trump devrait faire réfléchir la gauche française

Donald Trump parle à la presse à la Maison Blanche, à Washington, le 21 janvier 2025




En 2016, Clint Eastwood avait expliqué qu’il n’aimait pas tout, dans les idées de Donald Trump, mais qu’il en avait tellement marre que les démocrates lui disent quoi dire, quoi faire et quoi penser qu’il voterait pour lui. 2024, Trump est clairement réélu sur les mêmes bases. Mais la gauche française – en ce compris ses extensions vertes et plus ou moins centristes – ne procède à aucun examen de conscience visible à l’instant de se demander si elle n’aurait pas commis le même genre d’erreurs que sa cousine américaine, avec la perspective d’un résultat comparable.Elle devrait, pourtant. Car enfin, il y a bien longtemps qu’elle ne s’occupe à peu près que de nous donner des leçons, voire de nous faire la morale. Ses racines plongent dans une espèce de terreau pédagogique, un tantinet complaisant, qui n’a jamais cessé de monter vers la surface. Partant, elle nous juge du soir au matin : pour n’être pas assez attentifs au climat, à la biodiversité, aux troubles identitaires, à la “souffrance” (indistincte) des uns et des autres, à la pauvreté méprisable de nos appétits… Il n’y a que la forme qui change. Ici le mode viscéral : on dénonce, on se déclare choqué, on “lutte”, on couvre l’adversaire de goudron et de plumes. Là, le mode savant : on professe en se pourléchant les babines que la spoliation fiscale des “riches” répond évidemment à la plus grande rationalité économique ; on explique, sans rire, à la jeunesse du pays qu’elle devrait ne prendre l’avion que deux fois dans sa vie. Ajoutez-y la police du langage, qu’on laisse massacrer sans remords pourvu qu’il ne heurte aucune “sensibilité”. Et puis on réduit presque toute la vie politique aux passions tristes : la haine, le manichéisme – ne pas serrer la main du député RN –, la dénonciation des turpitudes… Bref, une armée autoproclamée d’inquisiteurs, de directeurs de conscience et de pères fouettards déferle sur nos vies avec l’assurance des vainqueurs : elle “sait” que son avidité à faire régner l’empire du bien à grands coups d’injonctions morales ne donnera que de bons résultats.La liberté de l’esprit est l’enjeu du siècleNous aurions tort de nous croire différents des Américains. Ici aussi, “les gens” en ont marre de ce genre de choses. C’en est même au point qu’ils sont prêts à tout lâcher, jusques et y compris au cœur de leurs convictions de base, en matière d’environnement, de foi en la science, d’allergie à la bêtise… Leur intolérance aux élites a atteint des niveaux stratosphériques. Ils se ruent avec d’autant plus d’avidité sur les médias les plus réprouvés que la classe intellectuelle les somme d’arrêter de le faire parce que ce n’est pas bon pour eux… J’en passe. Ce n’est pas seulement que les Français n’ont plus confiance. C’est surtout qu’ils ne supportent plus de se faire chapitrer. Ça les rend dingues. Et la dinguerie n’est jamais bonne conseillère dans le destin des nations.Nous avons le droit de nous interroger sur les effets indésirables de cette posture générale qu’a adoptée la gauche, depuis belle lurette, pour nous apprendre à vivre comme elle l’entend. Vu les tourments politiques et civilisationnels qui s’annoncent, nous avons même le devoir de nous demander s’il ne serait pas plus protecteur et plus responsable, du strict point de vue de l’intérêt supérieur du pays, de foutre la paix aux gens et de renoncer à exercer sur eux cette espèce de guidance morale perpétuelle qu’ils demandent de moins en moins.La liberté de l’esprit est l’enjeu du siècle. Tout la corrompt : les images, les algorithmes, les réseaux sociaux, les stratégies publicitaires, l’effondrement de l’école, le retour des idéologies… Selon toute évidence, nous ne savons pas résister. La question devient donc vitale. Faut-il continuer à vouloir tenir le peuple par la main pour lui apprendre à exercer “bien” sa liberté de penser, alors même qu’il ne le supporte plus ? Ou faut-il enfin lui en laisser l’usage, espérer qu’il s’en trouve apaisé et attendre qu’il développe en lui-même ses propres défenses ? La seconde option n’est pas nécessairement la plus folle, surtout si nous voulons éviter de devenir de parfaits Américains.Denys de Béchillon est constitutionnaliste et professeur de droit à l’université de Pau



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Author : Denys de Béchillon

Publish date : 2025-01-22 15:30:00

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