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Liberté d’expression : il est plus dangereux de censurer que de répondre, par Abnousse Shalmani

Abnousse Shalmani. ©JF Paga / SDP




“Qu’est-ce qu’est la liberté d’expression ?” C’est certainement le débat qui occupe le plus le terrain médiatique, depuis le procès Charlie Hebdo de 2007 [sur la publication des caricatures du prophète Mahomet] jusqu’au revirement de Mark Zuckerberg. Nous avons raison d’opposer les conceptions européennes et américaines. Le premier amendement de la Constitution américaine est clair : “Le Congrès n’adoptera aucune loi […] pour limiter la liberté d’expression, de la presse ou le droit des citoyens de se réunir.” Même si de nombreuses limites existent de fait, la liberté d’expression est totale aux Etats-Unis. Et malgré les débats monolithiques en France, malgré le refus des progressistes de concéder la moindre faute, il serait judicieux de ne pas tomber dans la panique morale si facile.John Stuart Mill l’avait déjà constaté à la fin du XIXe siècle : “Il faut aussi une protection contre la tyrannie des opinions et des sentiments dominants ; contre la tendance des sociétés à imposer comme règles de conduite, par d’autres moyens que les peines civiles, ses idées et ses coutumes à ceux qui s’en écartent.” Cette censure insidieuse qu’organise une trop grande partie des médias, occultant les faits qui ne serviraient pas leur lecture exclusive des choses, à savoir : “Elon Musk et Mark Zuckerberg vont promouvoir la haine, le racisme et les fake news et dominer le monde.”Comment a-t-on, alors, pu laisser censurer, sur les mêmes réseaux sociaux, en pleine pandémie, systématiquement et sans aucune explication, les publications qui faisaient référence à l’origine du Covid comme étant une fuite involontaire de laboratoire (hypothèse dorénavant considérée parmi les scientifiques et réapparue dans les publications comme par miracle) ? Pourquoi n’avoir pas crié au danger (réel) de mettre sous le tapis de la censure les publications autour de l’ordinateur d’Hunter Biden qui, si le père président n’avait pas gracié son fils, aurait été au centre d’un procès pour corruption ? Pourquoi refuser de débattre de ces censures exercées par les forces politiques et médiatiques progressistes ? La conséquence la plus redoutable est la paranoïa doublée de complotisme qui s’installe durablement chez les citoyens devenus plus réceptifs aux discours des populistes que cette censure était justement censée combattre.Il est facile de censurer, mais le prix à payer est bien plus fortQuelles que soient les opinions dégueulasses – qui peuvent me blesser profondément, m’exaspérer, m’inquiéter, m’écœurer –, les censurer est plus dangereux que leur répondre, les laisser s’exprimer est plus productif que les dissimuler. Parce qu’en censurant des opinions intolérantes, on en viendrait progressivement à interdire toute expression qui irait contre la doxa dominante ; parce qu’en refusant d’entendre des opinions aussi stupides que bornées, on retirerait une soupape de sécurité qui laisserait s’échapper davantage de violence physique si elle était contenue ; parce qu’en interdisant dans l’espace public l’expression d’opinions immondes, celles-ci se retireraient dans un espace clos, hermétique, s’autonourrissant jusqu’à la lie sans possibilité d’être contredites ; parce qu’en laissant des acteurs privés, comme les réseaux sociaux, décider de la pertinence morale d’une opinion, on offre un pouvoir considérable à ceux qui sont tout aussi enclins que d’autres à exercer la censure à leur profit.Il est plus facile, moralement et politiquement, de censurer, mais le prix à payer est bien plus fort. Comme nous l’apprend Jacob Mchangama, juriste danois, enseignant-chercheur à l’université Vanderbilt (Etats-Unis) et directeur du think tank Future of Free Speech : “Une écrasante majorité des contenus supprimés sur des plateformes comme Facebook et YouTube, en France, en Allemagne ou en Suède ne contrevenaient en rien à la loi. Entre 87,5 % et 99,7 % des contenus retirés étaient légaux. Il y a longtemps que les plateformes interdisent les contenus ‘légaux mais choquants’. Notre étude a aussi révélé que plus de 56 % des commentaires supprimés n’étaient que des opinions générales, ni offensantes ni haineuses.” La raison en est la modération excessive pour éviter les ennuis juridiques… Cachez cette opinion que ma sensibilité de démocrate à fleur de peau ne serait supporter… au risque de laisser toutes les saloperies se déverser soudain en masse et en réaction.Abnousse Shalmani, engagée contre l’obsession identitaire, est écrivain et journaliste



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Author : Abnousse Shalmani

Publish date : 2025-01-26 11:00:00

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Tags : L’Express

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