On peut être une grande écrivaine et une chroniqueuse convenue. Il n’a jamais été trop tard compile des articles mensuels écrits par Lola Lafon pour le quotidien Libération entre 2022 et 2024, auxquels l’auteure des formidables La petite communiste qui ne souriait jamais et Quand tu écouteras cette chanson a adjoint des textes plus intimes. Conflit israélo-palestinien, réforme des retraites, procès des viols de Mazan, mort de Nahel… La romancière entend faire part de sa sidération, de ses révoltes ou de son impuissance face à une actualité forcément tragique. “Sans doute aurait-on dû oser s’avouer brisés par trop d’images atroces. Sans doute vaudrait-il mieux le concéder : les mots nous manquent, nous ne savons que faire de ce que nous voyons, de ce que nous lisons”, écrit-elle.Hélas, les clichés, eux, ne lui ont pas fait défaut. Chez Lola Lafon, le capitalisme est bien évidemment “morbide”, les violences toujours d’origine policière, l’air du temps “libéral”, “gérer”, un gros mot. Selon elle, les politiques actuelles associent “le mépris social” aux “brutalités néolibérales”, tandis que “les individus viennent après les marchés”. Oserait-on rappeler que dans notre affreux pays capitaliste, les dépenses sociales représentent un tiers du PIB ? Les manifestations printanières contre la réforme des retraites sont dépeintes avec enthousiasme comme un “surgissement poétique politique”. De toute évidence, les chiffres du déficit des retraites ou de la dette publique représentent un sujet trop prosaïque pour un écrivain français.Restent heureusement de beaux passages, comme ce magnifique texte écrit au moment de la mort de la chanteuse Sinéad O’Connor, qui n’avait pas hésité à mettre en péril sa carrière pour dénoncer les abus sexuels au sein de l’Eglise catholique.Télérama a célébré un ouvrage “captivant”. Pour France Télévisions, Lola Lafon “fait craquer le vernis de nos mythologies contemporaines”. Etrangement, même Le Point, pourtant classé à droite, a salué un texte “salvateur”. S’il y a un bastion qui résiste vaillamment à la dictature néolibérale, il s’agit bien de notre milieu littéraire.Il n’a jamais été trop tard, par Lola Lafon. Stock, 226 p., 19,50 €.
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Author : Thomas Mahler
Publish date : 2025-01-26 14:00:00
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