Guido Reni (1575-1642), c’est d’abord un personnage haut en couleur : fort en gueule, colérique, impulsif et… accro aux jeux d’argent – une addiction qui lui vaut, selon son ami et premier biographe Carlo Malvasia, de compenser ses pertes financières par la production effrénée de copies de ses œuvres, dont la qualité varie selon qu’elles furent exécutées par le maître ou par l’un de ses innombrables élèves. Pas facile de s’y retrouver, encore aujourd’hui, car, dans la Bologne du XVIIe siècle, la bottega de Reni est une véritable ruche où grouillent en permanence des dizaines d’étudiants, venues de toute l’Europe, parfois jusqu’à 200 personnes en même temps. C’est que le peintre de Bologne, formé dans l’académie des frères Carracci, avant que son incroyable dextérité ne soit reconnue à Rome, est alors adulé dans la Botte et au sein des cours européennes qui se disputent ses faveurs. Pour répondre à la demande, il devient notamment un forcené des ritocchi, pratique consistant à retoucher une œuvre préalablement produite par un collaborateur.Dans une exposition flamboyante, à l’image de son sujet, visible jusqu’au 30 mars, le musée des Beaux-Arts d’Orléans décrypte le fonctionnement de l’atelier de cet acteur phare du marché de l’art naissant en Italie. Guido Reni a beau être l’un des artistes les mieux rémunérés de son temps, il est souvent à court. Ainsi fait-il de son antre bolonaise une entreprise qui tourne à plein régime jour et nuit. Projets d’exception travaillés par lui-même, créations sur mesure exécutées parfois en collaboration avec d’autres peintres, pièces rééditées par des assistants chevronnés ou séries de “prêt-à-accrocher” concoctées par des petites mains, l’artiste-entrepreneur ne perd jamais de vue l’enjeu commercial de sa production.
Quand, par exemple, il livre sa commande, un Saint Michel, à l’ordre des Capucins de Rome, le génie du produit dérivé avant l’heure a déjà anticipé des reproductions et des déclinaisons du tableau qui partiront comme des petits pains. Reni reste aussi, à travers les siècles, un pourvoyeur de l’imagerie religieuse. La technique du patron est simple : d’une composition achevée il extrait une figure qu’il reproduit avec son atelier puis la diffuse à grande échelle, à l’instar du Saint Diego Alcala ou du Christ des Capucins (issu de la Crucifixion), jusqu’à la muer en icône au sein du monde catholique. Certaines de ces représentations y circulent de nos jours, sans être, la plupart du temps, rattachées à leur créateur initial.Guido Reni, “Saint Diego Alcala”.A Orléans, le David contemplant la tête de Goliath de Guido Reni, conservé par le musée et montré en fin de parcours, est la star de la réunion. Longtemps considéré comme une copie, parmi les multiples qui ont circulé, il a été, après sa récente restauration, dûment attribué au maître. Inspiré de la statuaire de Michel-Ange et du clair-obscur de Caravage, dont la découverte constitua un choc artistique pour le cador du Seicento, le tableau original est désormais une pièce maîtresse de son corpus. Avec cette œuvre majeure, il a renouvelé l’iconographie du combat biblique entre le jeune berger et le géant en lui ôtant toute dimension narrative. Sans surprise, le pionnier du merchandising en a proposé des variations différentes, produites en plusieurs exemplaires par lui et son atelier, elles-mêmes copiées pendant plus de deux siècles, ce qui, rappelle le commissaire Corentin Dury, fait des David un “modèle incontournable de la marque Reni”.
Source link : https://www.lexpress.fr/culture/art/voyagez-dans-latelier-de-guido-reni-au-musee-des-beaux-arts-dorleans-IRMOUB2TY5DGVEHOP5BWZO5TZ4/
Author : Letizia Dannery
Publish date : 2025-02-01 09:00:00
Copyright for syndicated content belongs to the linked Source.