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Droits de douane : Donald Trump pénalise les Américains, mais l’Europe peut rafler la mise

Le président américain Donald Trump devant la presse à Washington, aux Etats-Unis, le 31 janvier 2025




Comme promis, Donald Trump a signé samedi une série de décrets visant à taxer les importations des principaux partenaires commerciaux des Etats-Unis – Canada, Chine et Mexique [NDLR : les Etats-Unis ont finalement suspendu leurs tarifs douaniers pour un mois, a annoncé le président américain ce lundi]. Au motif, largement fallacieux, de lutter contre le narcotrafic, il entend limiter les importations pour contraindre le reste du monde à davantage acheter les exportations américaines. Voilà la vieille idée mercantiliste qui fait son retour : la richesse d’un pays tient tout entier dans sa capacité à vendre aux autres sans rien leur acheter. Produire tout, tout seul.Et l’idée s’exporte avec une étonnante viralité. Déjà Justin Trudeau a annoncé une augmentation des taxes douanières sur les importations américaines. La Chine s’y prépare. Tandis que l’Europe s’interroge. Partout, on réfléchit aux mesures de représailles. “C’est de bonne guerre” serait-on tenté de se dire. Après tout, on ne va pas se laisser punir sans rien dire. La course aux barrières douanières, c’est “l’œil pour œil dent pour dent” du commerce international. Face au protectionnisme des autres, il faut bien se protéger.Relation entre libre-échange et prospéritéSauf qu’il y a un hic. Le libre-échange est un élément clé de la prospérité. C’est ce qu’a démontré Arvind Panagariya dans Free Trade and Prosperity : How Openness Helps the Developing Countries Grow Richer and Combat Poverty (2019). A partir d’une synthèse de l’immense littérature sur le sujet, l’économiste observe que partout où la croissance et le revenu par individu ont augmenté, les barrières douanières ont d’abord diminué. A cet égard, il rappelle qu’à la fin des années 1950, la richesse du Ghana était identique à celle de la Corée du Sud, mais que le protectionnisme du premier l’a empêché de décoller là où l’ouverture économique du second en a fait un champion de la globalisation. Idem pour l’Inde qui, sous l’influence de l’économiste Jadhish Bhagwati, a opéré un renversement complet de sa politique commerciale pour s’ouvrir au libre-échange, amorçant le début de ce que les économistes nomment “le miracle indien”.La relation entre libre-échange et prospérité n’a rien de mystérieuse. Dès le XVIIIe siècle, Adam Smith, Jean-Baptiste Say puis David Ricardo, avaient fourni l’explication qui, depuis, n’a cessé de se vérifier : le libre-échange constitue l’unique moyen de profiter de ce que les autres ont à offrir tout en découvrant ce qu’on peut soi-même leur procurer. Sans s’ouvrir, impossible de savoir ce qu’on doit produire, où investir, ni quoi créer et inventer. Le libre-échange, c’est un marché qui déborde les frontières nationales ; l’échelle change, mais le principe reste le même : un processus de découverte sans lequel, on ne saurait ni ce que désirent les peuples, ni comment leur fournir. D’où une conclusion évidente : le protectionnisme est aux échanges internationaux ce que le plan est à l’économie nationale, le plus sûr moyen de s’appauvrir.Client dans un supermarchéA cet égard, dans un article publié dans le célèbre Journal of Economic Perspectives (The Impact of the 2018 Tariffs on Prices and Welfare, 2019) Mary Amiti, Stephen Redding et David Weinstein ont démontré que les barrières douanières imposées par l’administration Trump en 2018 s’étaient avérées catastrophiques pour les Américains. L’augmentation des taxes sur les importations ayant été entièrement répercutée sur les prix des produits, réduisant le pouvoir d’achat des consommateurs et entrainant une baisse du revenu national de 1,4 milliard de dollars par mois. Mieux encore, les auteurs observent que tous les pays ayant appliqué des mesures de représailles ont subi des dommages similaires.C’est que, comme l’expliquait Milton Friedman dans l’une de ses émissions du programme Free to Choose, pour comprendre le véritable impact du protectionnisme, le plus simple est encore de se placer dans la situation d’un client dans un supermarché. Promenant son chariot dans un magasin protectionniste, il a tout l’argent du monde – puisqu’il a exporté ses produits – mais les rayons sont vides – tout a été vendu ailleurs. Alors que les étals débordent de tous les produits du monde dans un magasin ouvert aux importations. La véritable richesse, c’est avoir accès à tout au meilleur prix, qu’importe le lieu de fabrication. Raison pour laquelle, comme le montre Branko Milanovic, ce n’est qu’une fois la globalisation devenue mature que la croissance mondiale a véritablement décollé et les écarts de richesse diminué.Le libéralisme face au trumpismeLa morale de l’histoire économique, ancienne comme récente, est donc assez simple : que Donald Trump décide de réduire le bien-être de ses concitoyens ne devrait pas inciter les dirigeants des autres pays à faire de même. Au contraire. Les Européens ont tout à gagner à profiter du handicap que les Américains s’imposent, pour multiplier les partenariats, s’ouvrir davantage, et rafler la mise. Puisque les Américains ont oublié les vertus du libre-échange et croient sincèrement que seules les exportations ont de la valeur, il faut continuer à acheter à bas prix ce qu’ils ont décidé de brader et saisir cette opportunité pour produire ce qu’ils ne pourront s’empêcher d’importer.Concrètement, à l’augmentation des taxes douanières américaines, l’Union européenne doit répondre par davantage de libre-échange. Renforcer encore les liens noués par le Ceta avec le Canada, accroître l’ouverture au Mercosur, multiplier les accords avec tous les pays désireux d’acheter ses produits et son savoir-faire, pour offrir autant de débouchés aux entreprises européennes qui pourront s’enrichir et embaucher. Bref, prendre la place laissée vacante par des Etats-Unis rabougris. Puisque le protectionnisme généralisé fait de l’économie mondiale un jeu à somme nulle, l’Union n’a rien à gagner à s’isoler.Après tout, “œil pour œil” ne signifie pas se tirer une balle dans le pied quand un autre le fait. Ça, c’est au mieux du suivisme, au pire du masochisme. Que les citoyens américains aient décidé de fermer la porte à la prospérité devrait encourager l’Europe à s’ouvrir. Pour résister au trumpisme, la voie la plus sûre est donc encore le libéralisme.*Pierre Bentata est maître de conférences à la faculté de droit d’Aix-Marseille Université. Il vient de publier La Malédiction du vainqueur (L’Observatoire).



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Publish date : 2025-02-03 18:00:00

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Tags : L’Express

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