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L’IA en entreprise : comment s’éviter un fiasco, par Pascal Demurger

Une réunion sur l'IA




L’intelligence artificielle a-t-elle le temps de la démocratie ? Difficile de faire de la place pour ce processus si humain, lent et tâtonnant, au sein d’une révolution technologique aussi fulgurante que puissante. Comment prendre le temps de la délibération quand, en quelques jours, l’application chinoise DeepSeek, aussi performante que ChatGPT pour un coût dérisoire, provoque une tempête boursière et ébranle une hégémonie américaine que l’on pensait acquise ? Et pourtant, pour des raisons autant éthiques que pratiques, il faut réserver une place à la démocratie dans le déploiement de l’IA.Entendons-nous : pour une entreprise, la question de l’opportunité ne se pose pas. L’IA est un tournant qui s’impose. Au-delà des gains d’efficacité et de confort attendus, l’IA, en particulier générative, établit un nouveau standard expérientiel qu’il est impossible d’ignorer. La question du comment reste néanmoins entière. D’un côté, les technologies ne sont pas matures et l’état de l’art évolue constamment, le rebondissement DeepSeek l’illustre parfaitement. De mauvais choix d’investissements peuvent entraîner de gigantesques gaspillages de ressources. De l’autre, le succès du déploiement de l’IA dépendra pour beaucoup de la capacité du corps social de l’entreprise à s’en saisir. Résistance, désintérêt ou frénésie brouillonne : comment éviter les réactions contre-productives et mener efficacement cette transformation globale ?Mettre en place des garde-fousC’est là que la démocratie intervient. Sans ralentir des expérimentations techniques, prendre le temps d’une délibération stratégique avec les salariés et parties prenantes de l’entreprise permet de gagner en alignement et, par conséquent, en performance. C’est une façon de partager la connaissance, d’aborder les craintes, de mettre en place des garde-fous et de définir des objectifs communs.C’est le choix qu’a fait la Maif en organisant la première “convention salariée” dédiée à l’IA. A l’image des Conventions citoyennes pour le climat ou sur la fin de vie, nous avons tiré au sort des salariés qui, pendant quatre jours, ont été formés par des experts avant de rédiger des propositions pour l’entreprise. Il est ressorti une quarantaine de mesures, à la fois éthiques et opérationnelles, et un dialogue s’est engagé avec la direction générale, le conseil d’administration et les syndicats pour en intégrer dans la stratégie de l’entreprise.Quelles ont été les conditions de réussite de cette expérience ? Premièrement, une grande liberté. Aucune question n’était taboue et les conventionnels n’avaient aucune contrainte dans la rédaction de leurs propositions qui pouvaient aussi bien porter sur des questions d’emploi, de sobriété énergétique que d’identification de cas d’usage.Gare aux promesses intenablesSurtout, un engagement clair a été pris par la direction générale. Eclairés par l’expérience de la Convention citoyenne pour le climat, à l’origine de beaucoup d’espoir puis d’une profonde déception, nous n’avons jamais laissé croire que la convention allait déterminer la stratégie de l’entreprise en matière d’IA. La convention apporte une contribution importante avec une traduction concrète, mais c’est bien la direction qui in fine hiérarchise, tranche et fixe le cap. S’engager à une reprise de toutes les propositions “sans filtre” aurait été une promesse intenable et aurait alimenté une confusion des rôles qui ne contribue pas à une pratique démocratique sereine.Quels ont été les bénéfices pour l’entreprise ? D’abord, un gain de confiance, ensuite une accélération. Confiance née des réponses sécurisantes et transparentes apportées par la direction générale sur l’emploi, l’éthique, les conditions de travail et la place de l’humain dans notre métier. Accélération née d’un enthousiasme collectif et d’idées issues du terrain pour répondre aux besoins des salariés comme des clients.La révolution de l’intelligence artificielle générative est certes spectaculaire, mais son déploiement s’étendra sur au moins une décennie. Pour partir sur de bons rails, prendre le temps d’en discuter collectivement n’est pas si luxueux. C’est en partie le sens du sommet mondial sur l’IA qui se tiendra les 10 et 11 février à Paris : innovation et délibération se nourrissent l’une l’autre.* Pascal Demurger est directeur général du groupe Maif et coprésident du Mouvement Impact France.



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Publish date : 2025-02-03 11:00:00

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