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Bleu, blanc, rouge… D’où viennent les noms de nos couleurs ?

Le drapeau français, Paris, le 8 mars 2008.




C’est peu dire que notre honneur national l’a échappé belle. Il s’en est fallu de peu en effet que les trois couleurs de notre drapeau n’eussent pour origine… l’actuelle Allemagne, qui fut longtemps notre ennemi héréditaire ! Et pour cause. Lorsque les amis de Clovis, qui parlaient francique, se sont installés dans le territoire qui allait devenir la France (d’ailleurs, francique, Franc et France, hein, cela a un petit air de famille…), ils ont très fortement influencé le latin tardif que pratiquaient les “Gaulois” de l’époque. Voyez plutôt.Commençons par bleu, qui nous vient d’un mot de ce fameux francique, blao – on le retrouve d’ailleurs presque tel quel dans l’allemand moderne blau. Il en va de même pour blanc, issu de blank. Tous deux se sont substitués aux anciens adjectifs alors en usage, venus du latin, qui ne subsistent généralement que dans le registre soutenu. Cæruleus (“bleu ciel”) nous a fourni le poétique céruléen (de la couleur du ciel). Albus (“blanc”) a donné albâtre et albumine et transparaît dans certains noms de lieux comme Montauban (étymologiquement : la montagne blanche). Quant à l’ancien candidus (“d’un blanc éclatant”), devenu candide, il a trouvé refuge dans le domaine moral, au sens de “pur”, “probe”, avant de désigner à partir du XVIIe siècle une personne naïve. Et, bien sûr, il est également en lien direct avec “candidat”. Dans la Rome impériale en effet, celui qui briguait une fonction devait impérativement revêtir une toge blanche…VOUS SOUHAITEZ RECEVOIR AUTOMATIQUEMENT CETTE INFOLETTRE ? >> Cliquez iciD’autres adjectifs de couleurs ont la même origine franque, tels blond (du germanique blunda) ou brun (de brun, qui évoluera en braun en allemand moderne). Gris, pour sa part, n’a subi aucune transformation puisqu’il provient directement de… gris. A noter cependant que, dans le nord de l’Europe, ce mot fut d’abord un nom désignant la fourrure de l’écureuil lors de l’hiver, raison pour laquelle le rongeur est également appelé petit-gris. Citons encore fauve, qui fut originellement un adjectif (falwa, “d’un jaune tirant sur le roux”) avant de caractériser au XVIe siècle toutes les bêtes sauvages arborant cette couleur, comme le cerf ou le lièvre, puis d’être finalement réservé, à partir du XIXe siècle, aux seuls animaux féroces.Bien que bousculé par la langue des Francs, le latin a tout de même fait de la résistance dans le monde des couleurs. C’est notamment le cas pour rouge – grâce auquel notre fierté collective est sauve. Issu de rubeus “roux, roussâtre”, ce terme se retrouve sous des formes proches dans d’autres langues romanes : rosso, en italien ; rojo en espagnol ; russu en sicilien ; roge en occitan ; rossu en corse ; rouche en picard… Tel est aussi le cas de noir (issu de niger), de vert (de viridis) et de jaune, même si ce dernier a connu une évolution assez originale. Dérivé du latin galbinus, lui-même héritier de galbus “vert pâle, jaune-vert”, il a fini par supplanter les désignations traditionnelles de cette couleur dans la langue de Cicéron : fulvus “jaune foncé, brillant” et flavus (“jaune clair, brillant”), lequel ne survit que dans le peu usité flavescent (“d’une couleur qui tire sur le jaune”).L’adjectif violet (de viola, la violette) descend lui aussi du latin, ce qui me fournit une habile transition pour évoquer les couleurs issues de l’observation de la nature ayant la même origine. Rose provient évidemment de la fleur appelée rosa. Il en va de même pour châtain (chastaigne, à la fin du XIIe siècle), “qui a la teinte de la châtaigne” (de castanea) ; pour mauve, de malva, la plante, et pour noisette (“petite noix”, de nux), le fruit du noisetier.A défaut d’être exhaustif, terminons cette énumération par la couleur orange, dont l’étymologie est beaucoup plus complexe qu’il n’y paraît. L’adjectif provient du fruit de l’oranger ? Certes, mais son nom français est un lointain héritier du persan narang, et ce au terme d’un long périple. Les oranges furent en effet transmises par les Perses aux Arabes, qui les importèrent en Sicile, avant qu’elles ne se répandent dans toute l’Europe méditerranéenne – comme quoi la mondialisation n’est pas une invention du XXIe siècle !Reste à comprendre pourquoi cette narang est devenue notre orange. Passe encore, me direz-vous que le premier a se soit transformé en o, mais comment le n initial a-t-il bien pu disparaître ? Eh bien, par erreur ! La “narange” des temps anciens, devenue “norange” se disait, précédée d’un article indéfini, “une norange”. Maintenant, répétez ces deux mots à haute voix : “une norange”, “une norange”, “une norange”… Avez-vous deviné ce qu’il s’est passé ? Au fil des générations, “une norange” est devenue “une orange” si bien que le “n” a fini par tomber dans les oubliettes.Et tout le monde n’y a vu que du bleu.Source : Dictionnaire historique de la langue française, Editions Le Robert.A lire – Du côté de la langue françaiseExiste-t-il vraiment un “langage jeune” ?“Non”, répond cet article argumenté du site The Conversation. De fait, “il n’y a pas deux personnes pour parler de la même façon […]. Tous les individus possèdent plusieurs répertoires ou plusieurs styles, les jeunes ne font pas exception”, souligne la linguiste Auphélie Ferreira, de l’université de Strasbourg.Une réponse aux linguistes atterréesLe tract des Linguistes atterrées intitulé Le français va très bien, merci a connu un succès retentissant, lequel n’a pas plu à tout le monde, et notamment à Lionel Meney. Cet autre linguiste publie un contre-argumentaire fourni en tentant de démonter point par point les thèses de ses confrères, dont il dénonce les inexactitudes et les a priori. “Bien qu’ils s’en défendent, les linguistes atterrées glissent constamment de jugements de fait (objectifs) à jugements de valeur (subjectifs)”, assure-t-il.La sociolinguistique entre science et idéologie. Une réponse aux linguistes atterées, par Lionel Meney. Editions Lambert-Lucas.100 homonymes de la langue françaiseBalade et ballade, censé et sensé, lieu et lieue, sans oublier saint, sain, sein, seing, ceint et cinq… La langue française regorge d’homonymes qui, depuis toujours, font le bonheur des humoristes (voir la rubrique “A regarder”). Dans cet ouvrage à la fois plaisant et intelligent, Julien Soulié en explique l’origine à travers de multiples exemples.100 homonymes de la langue française, par Julien Soulié. Editions Le Figaro littéraire.A lire – Du côté des langues minoritairesAu Pays basque, l’enseignement en langue basque est désormais majoritaire C’est une première. Au Pays basque français (ou « nord », selon les points de vue), les élèves en filière bilingue sont désormais majoritaires en maternelle. De peu, certes, mais le basculement est symbolique. A la rentrée 2024, on comptait 1 485 enfants en première année de maternelle dans les ikastola (enseignement immersif) et dans les filières bilingues des écoles privées et publiques, alors que 1448 suivaient un enseignement exclusivement en français.Une commune contrainte de subventionner une classe bilingue français-bretonLe conseil municipal d’Aucaleuc (Côtes-d’Armor) avait initialement refusé de financer la scolarisation d’enfants de cette commune dans une école bilingue français-breton située à Dinan. La préfecture lui a rappelé qu’il s’agissait là d’un devoir découlant de la loi Molac de 2021 sur les langues régionales. Celle-ci oblige en effet les localités qui ne disposent pas d’écoles bilingues à contribuer aux frais de scolarité des établissements de ce type situés dans une autre ville proposant ce type d’enseignement.Interdiction du corse à l’Assemblée de Corse : Simeoni saisit la Cour de cassation Le président du conseil exécutif de la Corse, l’autonomiste Gilles Simeoni, vient d’annoncer son intention de saisir la cour de Cassation afin de contester l’interdiction faite aux élus d’employer la langue corse dans l’assemblée de l’île. Un recours qui, il le sait, devrait être rejeté en raison de l’interprétation restrictive de l’article 2 de la Constitution par le Conseil constitutionnel : “La langue de la République est le français” . Mais précisément : Gilles Simeoni entend utiliser ce refus pour demander à Emmanuel Macron de modifier la loi fondamentale sur ce point.A écouter“Sauvons les langues régionales !”J’ai eu la chance d’être l’invité de l’émission Adishatz, animée par Alain Pierre sur la radio Entre-deux-Mers, diffusée en Gironde. J’y reviens sur les idées développées dans mon livre Sauvons les langues régionales ! (Editions Héliopoles). Les questions sont posées en oc, mais les réponses sont données en français.A regarderHilarant ! “On ne se comprend pas”, par Marc TourneboeufL’expression “jeu de mots” est insuffisante pour décrire la virtuosité dont fait preuve Marc Tournebeuf dans ses vidéos drolatiques consacrées à la langue française sous l’intitulé “On ne se comprend pas” (ici, un exemple avec Les courses, mais cherchez sur Internet : il en existe beaucoup d’autres). De là où ils sont, Raymond Devos et Pierre Dac doivent se dire que la relève est assurée.RÉAGISSEZ, DÉBATTEZ ET TROUVEZ PLUS D’INFOS SUR LES LANGUES DE FRANCE SUR la page Facebook dédiée à cette lettre d’information



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Author : Michel Feltin-Palas

Publish date : 2025-02-04 06:15:00

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