“Grâce à l’intelligence artificielle générative, je peux créer des petits quizz que je soumets en début de cours à mes élèves pour évaluer leur niveau de vocabulaire. Un gain de temps énorme ! Cela ne me prend plus que quelques minutes de préparation là où autrefois j’aurais pu y passer trois quart d’heure”, raconte Jean-Louis Marin-Lamellet, professeur d’anglais au lycée Saint-Exupéry de Bourg-Saint-Maurice. L’enseignant a pu tester la nouvelle fonction IA de la plateforme Pearltrees Education avant son lancement officiel qui a eu lieu ce mardi 4 février. Un outil supplémentaire destiné à enrichir l’offre que cette entreprise proposait déjà à 150 000 utilisateurs, soit un tiers des professeurs du secondaire en France, depuis 2016. Leur vocation initiale ? Permettre à leurs abonnés de regrouper dans un “cloud pédagogique” différents contenus scolaires (pages web, exercices, consignes, conseils d’organisation, extraits de manuels….).Désormais, l’enseignant installé face à son écran pourra recourir, en plus, à l’IA en appuyant sur le bouton “prolonger”, pour l’aider à préparer ses cours. “Dans le cadre d’une leçon sur la période de la Renaissance, par exemple, il pourra ainsi accéder à une version plus “territorialisée” et mettre l’accent sur la ville de Bordeaux si c’est l’endroit où il exerce”, explique Patrice Lamothe, le fondateur de Pearltrees. Un professeur de mathématiques pourra aussi demander à la machine de lui fournir quelques exercices sur les fonctions en veillant à ce qu’ils soient adaptés au niveau de ses élèves de seconde. “L’outil que nous proposons n’est qu’un “assistant pédagogique” uniquement là pour l’aider à réaliser certaines tâches souvent chronophages et lui permettre de se consacrer à sa mission essentielle qui est d’enseigner”, poursuit Patrice Lamothe.L’avantage de Pearltrees par rapport à d’autres IA génératives comme ChatGPT, Copilot ou Gemini ? L’entreprise respecte le règlement général de l’Union européenne sur la protection des données (RGPD). “Un point sur lequel le ministère et le rectorat nous sensibilisent beaucoup. Là au moins on est tranquilles”, confie Ludovic Chevassus, professeur d’histoire-géographie au lycée du Golfe de Saint-Tropez, dans le Var, qui n’hésite pas à varier les expériences en utilisant différentes plateformes. “Déformation professionnelle oblige, lorsque je fais des recherches, je veille toujours à multiplier mes sources” raconte celui qui met en garde ses collègues sur les risques de désinformation. “Les erreurs générées par les intelligences artificielles génératives sont multiples, d’où l’importance de rester vigilants. Le danger serait de croire qu’il suffit de copier la réponse à notre requête et de se dire que le travail est fini”, insiste-t-il.Le sujet suscite actuellement beaucoup de craintes et de réticences dans le milieu de l’éducation. Mickaël Bertrand, auteur du livre J’enseigne avec l’IA (éditions Vuibert, à paraître le 20 février), évoque cette suspicion en salle des professeurs. “Si l’un d’entre nous propose une note de synthèse pour préparer une réunion, il n’est pas rare que les autres se demandent s’il en est bien l’auteur. Alors qu’en fait, peu importe. Si la note est bien faite et nous permet d’avancer, c’est le principal !”, s’exclame-t-il.Retours personnalisésLa plupart des professeurs confient être obligés de s’y mettre, au moins pour tenter de contrer les tentatives de triche des élèves devenues fréquentes. “Qu’on décide de l’utiliser ou pas, il est important d’être formés sur ces question pour pouvoir l’aborder en classe”, insiste Mickaël Bertrand. Clémence*, professeure d’anglais dans l’académie de Nice, y voit aussi un véritable intérêt professionnel à l’heure où l’on ne cesse de mettre en avant l’importance de la différenciation pédagogique. “L’IA me permet de faire des retours personnalisés aux élèves. Il suffit de rentrer leurs compositions pour ensuite recueillir des suggestions qui les aideront à enrichir leur vocabulaire ou à se perfectionner en grammaire”, explique-t-elle.Le rêve, pas toujours assumé, de beaucoup d’enseignants : que l’IA générative corrige un jour leurs copies à leur place. “Là encore, notre outil ne propose qu’une assistance au professeur puisque c’est évidemment à lui que revient la responsabilité finale de délivrer la note et le commentaire”, insiste Patrice Lamothe. En d’autres termes, l’IA ambitionne de l’aider à se faire un premier avis, à mieux repérer des fautes d’orthographe ou à donner une première impression sur le style employé dans un texte. Le sujet est sensible. Avec le recours croissant au contrôle continu, les notes sont devenues un enjeu central pour les familles. “Il faut savoir que, selon la loi, toute personne a le droit de demander à l’autorité publique de revoir son dossier à partir du moment où l’on a eu recours à un algorithme pour l’évaluer”, met en garde Mickaël Bertrand.La profession enseignante n’échappe pas à la grande crainte du moment : la machine finira-t-elle par les remplacer un jour ? Dans le monde anglo-saxon, notamment, certaines expérimentations sont en cours. “En France, il me semble que nous sommes relativement protégés grâce notamment à nos responsables politiques qui ont bien conscience des dangers que cela engendrerait”, estime Mickaël Bertrand, prenant l’exemple des Mooc (formations en ligne ouvertes à tous) : “Lorsque le phénomène est apparu, il y a quelques années, on nous a expliqué que ça allait révolutionner le monde universitaire. Or des thèses écrites sur le sujet montrent que ça ne fonctionne pas car il est très compliqué d’apprendre seul devant son écran”. Et sa collègue Clémence d’acquiescer. “Il y a un côté créatif dans l’enseignement qui ne peut être délégué. Je m’inspire beaucoup de la façon dont mes groupes d’élèves fonctionnent et m’adapte sans arrêt à leurs particularités et à leurs réactions”, déclare-t-elle. Avant d’ajouter : “On a tous en mémoire un enseignant qui nous a influencé et mis le pied à l’étrier. Ça non plus, jamais l’IA ne pourra le remplacer”.* Le prénom a été changé
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Author : Amandine Hirou
Publish date : 2025-02-06 11:00:00
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Quand les professeurs se tournent vers l’IA : “Un gain de temps énorme pour préparer mes cours”
