“J’ai vraiment l’impression que ChatGPT a démocratisé le savoir”, s’enthousiasme Pierre*, un juriste de 31 ans qui utilise l’application quotidiennement. “Je m’en sers pour des recherches moins précises, plus conceptuelles, commente-t-il, si j’ai besoin de trouver la date de naissance de Beyoncé par exemple, je vais utiliser Google, mais quand j’ai besoin de comprendre quelque chose de plus complexe, c’est vers ChatGPT que je me tourne.” En parcourant ses dernières recherches sur l’outil d’intelligence artificielle, le jeune homme évoque un échange sur le fonctionnement d’une pompe à eau, une demande de traduction d’une chanson américaine et même une discussion philosophique sur… “la conscience humaine”. Ironique, s’il en est.Comme lui, de très nombreux utilisateurs ont fait du “chatbot” développé par la start-up OpenAI, un de leurs outils favoris. Début décembre, lors d’une rencontre organisée par le New York Times, son dirigeant Sam Altman a annoncé que ChatGPT comptait désormais plus de 300 millions d’utilisateurs par semaine (soit plus de quatre fois la population d’un pays comme la France).Pour le moment, c’est dans la sphère privée que ChatGPT s’est inséré avec le plus de réussite. Dans son dernier baromètre sur “les Français et les IA génératives”, l’Ifop explique ainsi que 25 % des personnes interrogées avaient recours à ces outils et que parmi elles, plus de 8 sur 10 les utilisent dans le cadre personnel. C’est le cas de Pierre mais aussi d’Alice*, 30 ans, qui lance l’application entre 10 et 20 fois par jour. “Je lui dis ce qu’il reste dans mon frigo et il me propose des menus, des recettes en fonction de mes besoins”, affirme la jeune femme, qui utilise l’IA comme un assistant personnel. Ces derniers temps, elle planifie aussi ses prochaines vacances avec l’application : “je trouve que c’est un super guide touristique”, souligne-t-elle.Pour Claire Lobet-Maris, professeure émérite en sociologie du digital à l’Université de Namur (Belgique), cette emprise de l’application sur notre quotidien tient en partie “à une plus grande solitude, une plus grande difficulté de se construire et d’être soi dans cette société où les institutions traditionnelles comme la famille, l’Etat ou la religion ont perdu en influence et sont moins présentes pour nous aider à tracer notre route”. En ce sens, l’aspect conversationnel qu’a introduit ChatGPT est un vrai atout pour démocratiser l’IA : il devient un “compagnon pseudo-humain avec qui converser et sur qui s’appuyer pour prendre ses décisions”, pointe encore la chercheuse belge.Résultat : l’IA gagne rapidement en notoriété. Entre les deux premières vagues du baromètre Ifop, le nombre d’utilisateurs a augmenté de 16 à 25 % et près de 80 % des personnes interrogées avaient déjà entendu parler d’IA génératives. D’autre part, une enquête du cabinet de conseil SopraSteria, réalisée quelques mois après le lancement de ChatGPT montre que 38 % des personnes interrogées émettent exclusivement des sentiments positifs à l’égard de l’application, contre 25 % qui n’émettent que des perceptions négatives.Omniprésence médiatiqueAvec ChatGPT, OpenAI a réussi un tour de force : imposer l’intelligence artificielle dans la sphère médiatique. Depuis le lancement de son Chatbot fin novembre 2022, le nombre d’évocations de l’IA dans les principaux journaux télévisés français a été multiplié par au moins quatre, d’après les données de l’INA. Depuis le début de l’année 2023, l’intelligence artificielle a presque toujours fait l’objet de 35 mentions par mois (avec seulement un petit ralentissement pendant l’été 2024, au moment de la dissolution et des Jeux olympiques de Paris).L’application est aujourd’hui hégémonique : l’Ifop souligne qu’environ deux tiers des utilisateurs d’une IA générative utilisent ChatGPT. Ses principaux rivaux sont Gemini (seulement 15 % des utilisateurs) et l’assistant Bing Chat intégré à la suite Microsoft (13 %) pour la génération de texte et Adobe Photoshop IA pour la génération d’images.Dans l’entreprise d’Alice, une fintech américaine avec une antenne parisienne, l’agent conversationnel a même été complètement intégrée aux habitudes de l’entreprise. “Nous disposons d’un accès sécurisé en interne, décrit ainsi la trentenaire, je l’utilise quotidiennement pour écrire ou corriger mes mails, surtout quand je communique en anglais… Ou alors quand je cherche à faire une manipulation sur Excel.” Aujourd’hui, Alice admet qu’elle ne voudrait pas avoir à se passer de l’application au travail. Et d’ailleurs, comme près de la moitié des personnes utilisant l’IA dans le cadre professionnel, son entreprise l’encourage à poursuivre dans cette voie.Aujourd’hui, de plus en plus d’entreprises encouragent leurs employés à utiliser l’IA générative.”Aujourd’hui, Internet explose d’informations et nous atteignons nos limites en matière de traitement de celles-ci, souligne Claire Lobet-Maris, dès lors, le fonctionnement de ces outils cadre bien avec les attentes de notre époque.”Face à un monde qui accélère, ChatGPT et ses rivaux viennent combler un besoin. Pendant plusieurs mois, Pierre, le juriste, s’est retrouvé au chômage. “J’ai beaucoup utilisé ChatGPT pour préparer mes entretiens d’embauche, reconnaît-il volontiers, ne serait-ce que pour me tenir au courant des dernières évolutions de la réglementation.” Maintenant qu’il vient de retrouver un emploi, s’imagine-t-il utiliser l’application au travail ? “Sans aucun doute”, affirme-t-il avec conviction. Tout est question de gains de productivité. Il explique encore : “l’application fait ressortir les points saillants, elle me mâche le travail.”Encore faut-il savoir bien l’utiliser. A l’université de Namur où enseigne Claire Lobet-Maris, “toutes les sections, de la médecine au droit, du droit aux lettres” disposent d’une formation à l’usage de ChatGPT. On y étudie “le fonctionnement de ces outils, la manière dont se construisent les réponses et les bases sur lesquelles elles reposent, explique la sociologue, le plus important dans ces formations étant d’apprendre ce qu’on peut “déléguer” à ces outils… et ce qui ne doit dépendre que de nous.”*Les prénoms ont été modifiés.
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Author : Mathias Penguilly
Publish date : 2025-02-10 12:05:04
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Comment les Français utilisent ChatGPT : quatre infographies sur la place qu’a pris l’IA dans nos vies
