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En Turquie, les raisons du soutien prudent de Recep Tayyip Erdogan au Hamas

Cette photo fournie par la Cour présidentielle des Émirats arabes unis montre son président, Cheikh Mohamed ben Zayed al-Nahyan (à droite), recevant le président turc Recep Tayyip Erdogan lors du Sommet mondial des gouvernements de 2024 à Jumeirah, Dubaï, le 13 février 2024

Mercredi 29 janvier, dans son palais présidentiel aux mille pièces, sur une colline d’Ankara, la capitale, le président islamo-nationaliste turc Recep Tayyip Erdogan reçoit une délégation de représentants du Hamas. Deux personnages clés du pouvoir turc, le chef des services secrets, Ibrahim Kalin, et son prédécesseur et actuel ministre des Affaires étrangères, Hakan Fidan, assistent également à la rencontre. Lors de cette première visite en Turquie depuis le récent accord de cessez-le-feu entre l’organisation islamiste palestinienne et Israël, le président turc a à nouveau salué la “résistance” de ceux qu’il qualifie régulièrement de “libérateurs” ou même de “moudjahidine” (combattants pour la foi).Avec son allié qatari et son voisin et rival iranien, la Turquie est un des rares pays à soutenir ouvertement le groupe terroriste. Ismaïl Haniyeh, le chef politique du Hamas, tué à Téhéran en juillet dernier, avait été filmé le 7 octobre 2023, réagissant à l’attaque de son groupe contre les militaires et les civils israéliens depuis un hôtel de luxe en Turquie, où il vivait une grande partie du temps. Les massacres du 7 octobre ont cependant pris la Turquie de court, alors qu’elle était engagée dans un processus de rapprochement avec Israël.Inquiète des répercussions, Ankara a discrètement prié la hiérarchie de l’organisation de quitter le territoire. Depuis, les dirigeants de premier plan du Hamas se contentent de venir en visite, seuls certains cadres intermédiaires continuant de vivre dans le pays. Sans bénéficier de bureaux officiels, le mouvement est néanmoins physiquement présent dans le pays derrière des paravents associatifs ou des centres de réflexion aux noms alambiqués, comme le “Centre de coopération Asie-Afrique”, parfois installés dans les mêmes immeubles que les sièges locaux de l’AKP, le parti au pouvoir, ce qui leur permet de bénéficier également d’une protection policière. Les membres du Hamas installés ou de passage en Turquie n’ont pourtant a priori rien à craindre des services secrets israéliens qui s’interdisent de frapper dans le pays. De même, la Turquie, si elle organise régulièrement de vastes campagnes d’arrestations visant des réfugiés arabes ou des citoyens turcs présentés comme des “espions du Mossad”, ne permet pas à des organisations islamistes ou à des services étrangers, notamment iraniens, de s’en prendre aux intérêts ou aux citoyens israéliens dans le pays. En revanche, des vagues de sanctions américaines – la dernière d’entre elles a eu lien fin novembre –, frappent régulièrement en Turquie les intérêts économiques du Hamas, qui a notamment investi dans l’immobilier stambouliote, ainsi que les cadres qui y résident.Avec Donald Trump, Erdogan marche sur des oeufsLes autorités ne veulent toutefois pas apparaître neutres. Le 1er janvier, une manifestation de soutien au Hamas organisée par Bilal Erdogan, le fils du leader turc, a rassemblé plusieurs dizaines de milliers de personnes dans le centre d’Istanbul. “Hier Sainte-Sophie [NDLR : reconvertie en mosquée en 2020], aujourd’hui la mosquée des Omeyyades [de Damas, dans laquelle Erdogan promettait d’aller prier lors de la chute d’Assad], demain Al-Aqsa [la grande mosquée de Jérusalem]”, proclamait le très guerrier slogan du rassemblement. Pourtant, si le discours de Recep Tayyip Erdogan prend parfois des intonations martiales, sous-entendant que l’armée turque pourrait être envoyée combattre Israël ou que l’Etat hébreu se préparerait à attaquer la Turquie, ses envolées pourraient bien n’être que de façade. “Erdogan entend poursuivre sa stratégie de rapprochement avec Israël et avec les pays du Golfe qui se sont réconciliés avec l’Etat hébreu ou sont en voie de le faire, comme les Emirats ou l’Arabie saoudite, explique le chercheur Salim Çevik, spécialiste de la politique turque dans la région. Il adopte un ton guerrier sous la pression de sa base islamiste qui refuse cette stratégie et l’a forcé à prendre des mesures limitées de rétorsion économique contre Tel-Aviv.” Issus de divers mouvements islamistes, les partisans d’une ligne plus dure tentent régulièrement d’occuper les ports turcs pour obtenir un durcissement des sanctions commerciales contre Israël et s’indignent du rôle joué par la Turquie dans le transit du précieux pétrole d’Azerbaïdjan (fidèle allié d’Ankara comme de Tel-Aviv) vers Israël.La sympathie personnelle du leader turc a beau aller aux islamistes palestiniens, il sait comme toujours se montrer pragmatique. En novembre, des rumeurs d’un déménagement des bureaux de la direction du Hamas du Qatar vers la Turquie ont été rapidement démenties par les autorités, après une mise en garde américaine. L’arrivée au pouvoir de Donald Trump, qui claironne à la fois son “amitié” avec Erdogan et sa proximité avec l’extrême droite israélienne, force Ankara à marcher sur des œufs pour ne pas s’attirer les foudres du très versatile dirigeant américain.Fidèle à sa vision des relations internationales comme une série de “deals”, le magnat de l’immobilier voudrait même proposer à Ankara un de ces accords dont il a le secret, croit savoir la presse israélienne : un retrait des troupes américaines de Syrie, laissant le champ libre à une invasion militaire turque contre les régions kurdes du pays en échange d’une réconciliation avec Israël, sur le modèle des accords d’Abraham qu’il avait obtenus de plusieurs pays arabes. “C’est le genre de deal qu’il pourrait accepter : la priorité d’Erdogan est de se maintenir au pouvoir et de redresser la barre de l’économie. Pour cela il a besoin de maintenir de bonnes relations avec les Etats-Unis comme avec les pays du Golfe”, estime Salim Çevik.Déçus par le soutien en demi-teinte apporté par leur vieil allié iranien, les membres du Hamas pourront continuer d’évoluer librement dans les rues d’Istanbul et d’Ankara tant qu’ils chantent les louanges du président Erdogan. Mais ils devront continuer aussi à se satisfaire de sa part d’un soutien symbolique.



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Publish date : 2025-02-10 04:45:00

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Tags : L’Express

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