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“C’est une mission idéologique” : Russell Vought, le vrai “cost killer” de l’administration Trump

Russell Vought, directeur du Bureau du budget de la Maison-Blanche, devant le Sénat en janvier 2025.

Russell Vought a un petit faible pour le langage guerrier. Il évoque ses “plans de bataille”, encourage ses alliés à se montrer “intrépides quand ils attaquent” et entend vaincre “le feu de l’ennemi”, en d’autres termes l’opposition politique. Sa bête noire, ce sont les fonctionnaires de carrière qu’il veut “traumatiser”, a-t-il clamé dans un discours en 2023. “Quand ils se réveillent le matin, on veut qu’ils n’aient pas envie d’aller travailler parce qu’ils sont de plus en plus vus comme une sale engeance.” Ce barbu de 48 ans vient d’être nommé directeur du Bureau de la gestion et du budget (OMB), un département peu connu du grand public mais extrêmement puissant puisqu’il représente le “centre névralgique” de l’administration fédérale. C’est par lui que tout transite, des orientations budgétaires à la supervision des réglementations.Avec ses montures en écailles et son crâne chauve, Russell Vought ressemble davantage à un chercheur universitaire qu’à un militant trumpiste virulent. Mais ne vous fiez pas aux apparences. Ceux qui l’ont fréquenté le décrivent comme un idéologue extrémiste doublé d’un chrétien nationaliste, farouchement dévoué à la cause Maga (Make America Great Again). “Le Thomas Cromwell de Trump” qui dans l’ombre “aide à réaliser les buts de son maître”, selon la formule de Donald Moynihan, professeur à l’université du Michigan. A en juger par ses déclarations, ce serait plutôt Attila. “Il poursuit une mission idéologique : démanteler l’Etat fédéral”, résume E.J. Fagan, professeur de Sciences politiques à l’université de l’Illinois (Chicago). “A l’OMB, il occupe une position très influente et peut opérer des changements plus durables que la machine à chaos de Musk.”Comme beaucoup de conservateurs, il s’insurge depuis des décennies contre l’expansion du gouvernement fédéral et de ses réglementations. Pour lui, l’administration américaine est devenue si vaste et si indépendante qu’elle fait de l’ombre au président. On vit, dit-il, dans un régime “post-constitutionnel” et son objectif est clair : il faut faire “plier ou briser” cette “bureaucratie woke et instrumentalisée” pour la soumettre à la volonté de l’exécutif. “Russell Vought va être l’un des acteurs les plus importants du gouvernement. C’est lui qui a le mieux articulé la doctrine visant à renforcer de manière agressive les prérogatives présidentielles”, estime Philip Wallach, chercheur à l’American Enterprise Institute, un cercle de réflexion républicain.Il est l’un des architectes du Projet 2025Après ses études dans une université évangélique, ce benjamin d’une famille de sept enfants a travaillé pour des élus républicains et différentes organisations conservatrices du Congrès avant de rejoindre un groupe de lobby lié à The Heritage Foundation, le think tank trumpiste. En 2017, Donald Trump choisit ce spécialiste des questions budgétaires comme vice-directeur de l’OMB (dont il deviendra ensuite le n° 1). Sous sa houlette, le département, peu enclin d’habitude à faire des vagues, entre plusieurs fois en conflit avec le Congrès sur les limites du pouvoir présidentiel. Après son départ de la Maison-Blanche, il est l’un des architectes du Projet 2025, un ensemble de propositions très à droite préparées par The Heritage Foundation et destinées à servir de feuille de route à Donald Trump une fois élu.Il fonde également le Center for Renewing America, un petit cercle de réflexion dont la mission est de “réaffirmer le consensus selon lequel l’Amérique est une nation sous l’autorité de Dieu”. Car le directeur de l’OMB considère la politique comme une bataille entre le bien, la droite chrétienne, et le mal, incarné par le Parti démocrate “de plus en plus maléfique”. Nous sommes, a-t-il affirmé dans un discours il y a quelques années, “aux dernières étapes d’une prise de contrôle totale du pays par les marxistes”. Le mouvement des chrétiens nationalistes auquel il s’identifie “veut avoir le pouvoir au-dessus des lois et des politiques qui s’appliquent à tous les Américains” et vise “une théocratie”, explique Katherine Stewart, auteur de Money, Lies, and God : Inside the Movement to Destroy American Democracy. “Dans l’administration, Vought va certainement accorder la priorité à certaines valeurs prétendument chrétiennes.””Voici à quoi ressemble le début d’une dictature”Après quatre années passées à peaufiner ses idées, le voici prêt à mettre en place son entreprise de démolition. Il connaît bien les rouages de la bureaucratie et a l’oreille de Donald Trump, toujours friand de théories iconoclastes. Il peut compter aussi sur l’appui d’Elon Musk qui s’est déjà mis à couper massivement dans les divers ministères. Ce divorcé père de deux filles, dont l’une est atteinte de mucoviscidose, a trois priorités. Il entend faire une purge massive parmi les fonctionnaires. Lors du premier mandat, c’est à lui que l’on doit la réforme qui avait éliminé les protections dont bénéficiait leur statut afin de les limoger plus facilement. Cette fois, la Maison-Blanche n’a même pas essayé de changer la loi. Elle s’est mise à licencier tous azimuts des procureurs, des inspecteurs généraux, des agents du FBI… Et tant pis si c’est illégal.Russell Vought cherche ensuite à mettre un terme à l’indépendance des agences fédérales comme la Securities and Exchange Commission (l’Autorité des marchés financiers) et la Federal Communications Commission, chargée de réguler les chaînes de télévision et les fournisseurs d’Internet, toutes deux dirigées par des responsables nommés par les deux partis. Selon la théorie du patron de l’OMB, la Constitution donne au président le contrôle exclusif de l’exécutif, donc de ces agences. Elon Musk a commencé en éviscérant l’Usaid, l’agence américaine pour le développement international. “Voici à quoi ressemble le début d’une dictature”, a résumé Ilhan Omar, une élue démocrate connue pour son soutien à la Palestine.”Les juges n’ont pas de pistolets”Encore plus ambitieux, il milite pour que le chef de l’Etat puisse agir comme il l’entend en matière budgétaire. Selon la Constitution, le Congrès tient “les cordons de la bourse”. Le président ne peut ainsi refuser de dépenser des fonds approuvés par les élus pour des programmes spécifiques. Un principe réaffirmé par une loi de 1974 que Russell Vought considère comme inconstitutionnelle. Lors de sa confirmation, il a refusé de s’engager à la respecter. Lors du premier mandat de Trump en 2016, son Bureau a gelé l’aide militaire à l’Ukraine et lorsque le Congrès a refusé d’accorder des fonds pour construire le mur à la frontière, il a pioché dans le budget du Pentagone pour le financer. Il y a quelques jours, l’OMB a annoncé le gel temporaire d’une partie des subventions publiques. Une décision clairement élaborée par le nouveau directeur qui a provoqué un chaos et une confusion monstres. Deux jours plus tard, la Maison-Blanche a fait machine arrière.Les démocrates, pour montrer leur opposition, ont tout fait pour retarder sa confirmation en prolongeant le débat toute une nuit au Sénat. Une action symbolique, car le parti minoritaire n’avait pas assez de voix pour la bloquer. La seule contre-offensive va donc passer par les tribunaux. Plus d’une vingtaine d’actions en justice ont été lancées contre l’administration et Elon Musk par des fonctionnaires, des syndicats, des ONG… Les juges ont déjà bloqué temporairement le gel des subventions, le décret sur la suppression du droit du sol et quelques autres. Ce n’est que le début d’une longue bataille judiciaire. En lançant simultanément une multitude de mesures inconstitutionnelles, Donald Trump espère en gagner quelques-unes. “Le plus inquiétant, ce serait que le ministère de la Justice refuse de respecter le verdict des tribunaux. Les juges n’ont pas de pistolets (pour faire appliquer leurs décisions)”, s’alarme le professeur Fagan. Russell Vought, qui se voit investi d’une mission divine, est, lui, prêt pour sa croisade. “Dieu nous a placés sur Terre pour un tel moment”, a-t-il déclaré il y a quelques mois.



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Author : Hélène Vissière

Publish date : 2025-02-11 04:30:00

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Tags : L’Express

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