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Dyslexie, TDAH… L’Education nationale face aux troubles des apprentissages

L'Education nationale a connu depuis deux ans quatre ministres. Une instabilité inédite. Le cinquième est attendu sous peu.

De l’avis général, les diagnostics de troubles neurodéveloppementaux (dyslexie, dyspraxie, autisme, TDAH…) ne cessent d’augmenter. Ils mettent en difficulté croissante les enseignants et le système scolaire, tout comme les capacités de prise en charge de la politique du handicap et du système de santé. Alors que certains s’alarment et spéculent sur les causes de cette augmentation vertigineuse, d’autres au contraire ironisent et estiment qu’il s’agit d’un effet de mode, une tentative de “médicaliser l’échec scolaire” de la part des classes aisées qui préféreraient expliquer les difficultés de leur progéniture par un trouble médical que par des aptitudes faibles. Qu’en est-il vraiment ?Il est incontestable que le nombre de diagnostics de troubles neurodéveloppementaux n’a cessé de progresser au cours des dernières décennies. Mais cela n’implique pas que le nombre d’individus concernés ait réellement augmenté. Les enfants qui n’arrivent pas à apprendre à lire ou à compter ont toujours existé. Simplement, ils étaient considérés comme idiots, incapables ou paresseux, relégués au fond de la classe et vite évacués du système scolaire. Le fait que les classifications médicales internationales aient reconnu l’existence de troubles spécifiques des apprentissages (depuis 1975 pour l’Organisation Mondiale de la Santé) et en aient fourni des critères diagnostiques officiels a conduit à une reconnaissance croissante de ces cas par les professionnels de santé.La diffusion plus large des connaissances sur ces troubles, aussi bien dans le monde enseignant que parmi les familles, a également conduit à une demande croissante de tels diagnostics. La mise en place de politiques d’inclusion des personnes en situation de handicap (depuis 2005 en France) a ouvert des droits nouveaux pour ces enfants, accentuant encore la demande de diagnostics, de reconnaissances de handicap, et des adaptations ou compensations associées. Ajoutons à cela que, dans certains cas comme l’autisme, les critères diagnostiques ont été délibérément élargis (en 2013), augmentant mécaniquement le nombre de cas détectés.En parallèle, aucune des hypothèses concernant des causes environnementales de cette supposée augmentation, qu’il s’agisse de vaccins, de pesticides, de pollution, de nutrition ou des fameux “écrans ” n’a été scientifiquement confirmée. Jusqu’à preuve du contraire, il n’y a donc ni “épidémie”, ni “effet de mode”, mais une simple reconnaissance de troubles qui n’étaient auparavant pas identifiés comme tels.Des solutions rationnelles existentIl n’en reste pas moins que l’école est en difficulté chronique pour répondre aux besoins des élèves présentant des troubles des apprentissages. Elle est tiraillée entre des injonctions contradictoires : faut-il traiter le problème entièrement en interne, de manière pédagogique, car il n’est pas souhaitable de “médicaliser la difficulté scolaire”, ou bien externaliser le problème le plus vite possible vers le milieu médical ? Une des limites du modèle médical est qu’il repose sur des diagnostics. Or les diagnostics de troubles des apprentissages, pour être fiables, nécessitent le constat d’un échec durable de l’apprentissage de la lecture, de l’écriture, ou des mathématiques, ce qui les repousse généralement à la fin du CE1. Autrement dit, lorsqu’un diagnostic peut être formulé, l’élève a déjà subi deux années d’échec avec toutes les conséquences négatives associées et il est déjà bien tard pour intervenir. Or toutes les études scientifiques montrent que la précocité de l’intervention est cruciale pour éviter à un élève de s’enfoncer dans la spirale de l’échec.Face à ces défis, il existe une démarche qui articule rationnellement les rôles respectifs du pédagogique et du médical, et qui a largement fait la preuve de son efficacité, en Amérique du Nord mais aussi en Europe et en France. Il s’agit de la démarche de la “réponse à l’intervention”, qui s’appuie sur une évaluation périodique des progrès des élèves et une adaptation correspondante des pratiques pédagogiques. Elle se décline en trois paliers.Le premier consiste à s’assurer que l’enseignement réalisé en classe entière emprunte aux meilleures pratiques pour permettre à 80-85 % des élèves d’atteindre les objectifs des programmes. Pour l’enseignement de la lecture au CP, cela consiste à utiliser une méthode s’appuyant sur le développement de la conscience phonologique, du vocabulaire oral, et sur l’enseignement explicite, systématique et progressif des correspondances graphèmes phonèmes. Après repérage des élèves restant en difficulté d’apprentissage après quelques mois d’un tel enseignement (15-20 %), l’enseignant propose pour ces élèves le deuxième palier : un enseignement plus intensif, plus explicite et plus systématique, en petit groupe à besoins similaires. Enfin, pour quelques élèves qui ne répondraient pas suffisamment à cette intervention pédagogique différenciée, on peut proposer le troisième palier qui fait appel à d’autres professionnels, comme des enseignants spécialisés. Pour les cas les plus difficiles, on peut commencer à envisager des bilans cognitifs et langagiers approfondis, et une remédiation paramédicale plus individualisée basée sur un diagnostic précis des forces et des faiblesses de l’élève.Des guides à disposition des enseignantsFlexible et pragmatique, l’approche de réponse à l’intervention prescrit donc une réponse pédagogique en première intention, d’abord collective, puis de plus en plus différenciée, uniquement pour les élèves qui en ont besoin. Grâce à des évaluations régulières, elle permet d’intervenir rapidement sans attendre l’échec ni les diagnostics, tout en réservant la possibilité de diagnostics et d’interventions paramédicales dans un second temps, pour les seuls élèves pour lesquels une réponse pédagogique efficace s’est avérée insuffisante.En différant ainsi le recours au système de santé, cette approche évite les diagnostics hâtifs et peu fiables, qui peuvent s’avérer inutilement stigmatisants. Elle évite aussi d’engorger les professionnels de santé – notamment les orthophonistes qui sont en nombre limité – avec des enfants qui ont juste besoin d’une pédagogie plus adaptée. Pour repérer les élèves à besoin aux différentes étapes, les enseignants peuvent s’appuyer sur les évaluations nationales – par exemple celles de mi-CP -, qui ont été conçues précisément pour cela. Afin d’aider les enseignants à s’approprier les résultats de ces évaluations et à s’en servir pour mettre en place les interventions pédagogiques de palier deux et trois, le Conseil scientifique de l’éducation nationale a publié, mardi 11 février, une note à leur intention.Franck Ramus, chercheur au CNRS et à l’Ecole normale supérieure (Paris)



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Author : Franck Ramus

Publish date : 2025-02-12 15:00:00

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