Il est l’un des Cassandre les plus écoutés du moment. Depuis 1998, le politologue Ian Bremmer possède une firme de recherche et de consultation sur le risque politique, Eurasia Group. Avec ses bureaux à New York, Londres, Tokyo ou encore São Paulo, son expertise intéresse aux quatre coins du monde. Reçu en octobre dernier par Wang Yi, ministre chinois des Affaires étrangères, il était il y a une semaine sur l’une des scènes du Forum économique de Davos. Chaque année, son groupe publie une liste des dangers les plus importants qui guettent notre monde. Et 2025 ne fait pas exception, loin de là. Bremmer ausculte, entre autres, l’impact du retour de Donald Trump à la Maison-Blanche, la tension inédite entre les Etats-Unis et la Chine, l’effondrement possible du régime iranien, les risques d’une intelligence artificielle dérégulée, ou encore les conséquences d’une Russie toujours plus agressive. Au milieu de ce chaos, l’Europe semble plus que jamais destinée à endosser le rôle du figurant.L’Express : La plupart des risques que vous recensez dans l’édition 2025 des grands risques auxquels est confrontée la planète sont relatifs aux Etats-Unis, voire à Donald Trump. Est-ce votre prisme américain qui parle ?Ian Bremmer : Il est vrai que je suis américain et que notre siège est à New York. Mais nous sommes une entreprise globale, qui emploie plus de 250 personnes dans le monde. La plupart d’entre elles ne sont pas américaines. Et surtout, lorsque j’ai commencé cette entreprise, les Etats-Unis n’étaient absolument pas un facteur de risque dans notre classement. Jamais. Mais il se trouve que désormais, Washington est l’un des principaux acteurs provoquant de l’incertitude sur la planète. Cela est notamment lié au fait que les Etats-Unis sont aujourd’hui dans une position très forte, plus prépondérante que leurs principaux adversaires. La Chine a des difficultés économiques. La Russie est en sévère déclin. L’Iran vient juste de perdre une grande partie de l’empire qu’il avait constitué dans sa région à travers ses “proxys”, comme le Hezbollah. Cet affaiblissement s’étend aussi aux alliés de l’Amérique, qui sont beaucoup plus vulnérables en raison du faible rebond économique qui a suivi la pandémie. Ajoutons à cela la consolidation du système politique américain autour de Trump, et vous avez la formule pour déboucher sur une version des Etats-Unis qui ne sont tout simplement plus dévoués à l’ordre international historique qu’ils ont instauré.Ils reviennent donc sur un grand nombre de leurs propres valeurs et engagements à l’égard de l’architecture mondiale, à savoir la sécurité collective, le libre-échange, l’Etat de droit et la promotion de la démocratie. Si l’on suit l’action des Etats-Unis dans l’Histoire, cet assemblage de valeurs était souvent incohérent et parfois hypocrite. Ce bouleversement fait que, désormais, les Etats-Unis sont devenus un facteur de risques omniprésent dans notre rapport.Comment déterminez-vous l’ordre des risques de votre rapport ?Faisons d’ailleurs un petit point méthodologique. Le rapport se concentre sur l’année à venir. Pour composer notre classement, nous prenons en compte le risque, la probabilité qu’il se produise, son imminence, son délai éventuel dans lequel il se produira et son impact. Pour cette raison, le risque global qu’entraîne le conflit actuel au Soudan – où plus de gens meurent chaque jour que dans les conflits de la bande de Gaza et en Ukraine réunis – est loin d’être aussi important que tout ce que peuvent faire les Etats-Unis. Pourquoi ? Car l’impact du Soudan sur le reste du monde est assez faible. Ce qui n’est pas le cas de Washington, dont les décisions affectent l’économie mondiale, tout comme celles relatives à sa sécurité nationale, ou les orientations de sa diplomatie. Désormais – et plus que lorsque Joe Biden était au pouvoir – quand Trump dit le moindre mot, les réactions autour du monde sont beaucoup plus fébriles et paniquées.Cela signifie-t-il, maintenant que Donald Trump est de retour à la Maison-Blanche, que nous allons assister à une érosion du droit et de l’ordre international ?Donald Trump croit vraiment à la loi de la jungle. Il pense que ni les lois, ni les contraintes, ni le moindre frein ne devraient s’appliquer à sa personne et son action. Il reconnaît que les Chinois, notamment, ont rencontré un grand succès en opérant depuis ce principe – ou plutôt ce manque de principes – depuis des décennies désormais. Il est même convaincu qu’il peut faire mieux que Pékin, parce que son pays est beaucoup plus puissant. Mais je pense que sa lecture de la situation est mauvaise. La force de la Chine est avant tout liée au fait que le même parti y est au pouvoir depuis des décennies, des générations. Les Chinois ont un même dirigeant depuis plus de dix ans.Aux Etats-Unis, employer la même méthode de gouvernance ne marche pas. Donald Trump sera au pouvoir pendant quatre ans, et il disparaîtra. Dans deux ans, les démocrates pourraient également reprendre le contrôle de la Chambre des représentants. Même aujourd’hui, vous voyez déjà des oppositions à son action en interne. Quand Trump essaie de suspendre certaines subventions publiques, il est obligé de revenir sur sa décision en vingt-quatre heures en raison des poursuites judiciaires lancées contre lui. Quand il essaie d’annuler la suspension du réseau social TikTok, les sénateurs de son propre parti lui rappellent qu’ils viennent d’adopter une loi disant qu’il ne peut pas faire ça. Même si Trump a un réel pouvoir de ralliement, qu’il peut utiliser pour mobiliser les gens et les forcer à entrer dans sa ligne, les Etats-Unis ne sont pas une dictature. Ce n’est pas une monarchie héréditaire. Il s’agit toujours d’une République. Et il y a toujours des contre-pouvoirs à l’action du président. Trump est donc limité dans ce qu’il peut réellement accomplir. Cela se reflète-t-il dans son approche diplomatique et sa communication ? Pas nécessairement. Mais cela n’en est pas moins vrai.Après avoir déclaré l’instauration de tarifs douaniers contre le Canada et le Mexique, Trump est justement revenu quelques heures après sur sa décision, les mettant en pause. Cela vous rend-il plus optimiste sur l’avenir de l’économie mondiale sous Donald Trump ?Les “Trumponomics” sont un risque que nous avons fait figurer dans le rapport. Nous l’avons mis en quatrième position. Depuis la sortie du rapport, beaucoup de personnes m’ont dit que nous sous-estimions cet enjeu, car Trump allait causer une guerre économique avec le Canada. Je pense que la leçon à tirer de cette histoire est que tout le monde doit se calmer, et arrêter de répondre à chacun de ses tweets. Dès qu’il a décidé que les 25 % ne seraient pas appliqués lundi, mais mardi, il était évident qu’il cherchait à avoir un appel avec les dirigeants de ces pays. Cela ne signifie pas qu’un coup de fil règle tout, ni qu’un accord durable sera conclu dans les trente jours, la durée de la pause de cette mesure. La pression qu’il met sur les amis des Etats-Unis est réelle, d’autant plus forte que ces derniers ne savent pas comment la gérer. Une part importante du PIB du Mexique comme du Canada est déterminée par les Etats-Unis. Ils ne peuvent pas choisir véritablement d’autres partenaires – ce qui n’est pas le cas des Chinois, par exemple. La Chine est bien plus à même de nuire aux Etats-Unis que les Mexicains et les Canadiens.Cela étant dit, dans ses deux premières semaines, l’administration Trump a malgré tout instauré 10 % de tarifs douaniers supplémentaires sur les biens chinois, c’est-à-dire sur les produits provenant de la deuxième économie la plus importante au monde. Pékin a riposté en appliquant à Washington le même pourcentage aux importations de pétrole américain, ainsi que d’autres catégories de biens issus des Etats-Unis. La Chine a aussi annoncé ouvrir une enquête contre Google. Ce n’est pas rien, et vous remarquerez qu’à l’inverse du Canada et du Mexique, Trump n’a pas bougé. Il avait la ferme intention de mettre en œuvre ces 10 %, quoi qu’il arrive. Je reste donc sur mes positions : “Trumponomics”, risque n° 4.Etes-vous satisfait d’un risque que vous avez identifié en particulier dans ce classement ?Je suis encore plus conforté par le risque que nous avons placé en n° 2 et que nous avons appelé la “Rule of Don”. Comment, à l’inverse de son premier mandat, Trump arrive à la Maison-Blanche en étant plus expérimenté et mieux organisé qu’en 2017. Le Parti républicain est unifié derrière lui et il bénéficie du soutien des oligarques. Zuckerberg, Bezos, Musk… Nous les avons tous vus derrière lui lors de son investiture. Quand on voit le rôle qu’Elon Musk, en particulier, joue aujourd’hui, cela est encore plus vrai. Il dirige une organisation non gouvernementale sans pouvoir officiel, le Doge [NDLR : département de l’Efficacité gouvernementale], mais il fait avancer la législation et menace les alliés des Américains, qui sont d’ailleurs tous très inquiets. Quelque part, cette situation interne les inquiète davantage que les tarifs douaniers. En tout cas pour l’instant. Mais nous ne sommes qu’en février.Quelque part, Elon Musk me rappelle beaucoup quelqu’un que j’ai bien connu de son vivant : Boris Berezovsky au début de l’ère post-soviétiqueIan BremmerVous évoquez le rôle des oligarques, et particulièrement d’Elon Musk. Il s’agit donc de la personne la plus influente aujourd’hui aux Etats-Unis – en dehors de Donald Trump ?Elon Musk se positionne pour être la personne la plus importante dans le complexe militaro-industriel américain. Cette institution est probablement le réseau le plus puissant du monde aujourd’hui. Cela n’augure d’ailleurs rien de bon pour les investissements de Musk en Chine. Ces derniers ne vont probablement pas bien se passer compte tenu de la volonté chinoise de développer leur production de véhicules électriques – un marché sur lequel Musk s’est positionné très tôt à travers son entreprise Tesla. Mais qu’importe : aux Etats-Unis, Musk vaut aujourd’hui 500 milliards de dollars. Il a un accès et une influence sans précédent auprès du président et de son administration. Il a également pris possession d’une grande partie de l’endroit où se déroule le débat public mondial en rachetant Twitter. Il a désormais un mégaphone personnel via sa plateforme, qu’il peut utiliser en maniant ses algorithmes. Si vous mettez tous ces éléments ensemble, je ne vois personne d’aussi puissant qu’Elon Musk parmi les oligarques américains actuels.Quelque part, il me rappelle beaucoup quelqu’un que j’ai bien connu de son vivant : Boris Berezovsky au début de l’ère post-soviétique. Cet oligarque russe avait beaucoup d’influence, pas seulement sur les plans économique et médiatique. Il avait également pris du pouvoir politique, en devenant le secrétaire général de la Communauté des Etats indépendants, une organisation créée à la fin de l’URSS chargée de préserver les liens avec une partie des anciennes républiques soviétiques. Il a fait en sorte que ces dirigeants fassent ce qu’il voulait. Il délivrait des messages directs sur la manière dont ils devaient s’engager, sur le type de politique qu’ils devaient mener. Il voulait aussi, bien sûr, s’assurer qu’ils soutenaient ses propres intérêts commerciaux, son business.C’est un sujet capital concernant la manière dont nous concevons la relation de l’Amérique avec d’autres pays. Elon Musk, directement ou non, est en train de devenir un élément central de cette réflexion, alors que personne ne l’a élu. Pensez-y un instant : oui, nous avons élu Trump et J.D. Vance. Mais Elon Musk est clairement beaucoup plus puissant que le vice-président. Je pense que c’est une évolution très préoccupante pour ceux qui croient à la règle du droit international et du marché libre et réglementé. Les Etats-Unis sont en train de devenir un pays beaucoup plus transactionnel, kleptocratique. Je ne vois pas Trump comme un dictateur, mais comme quelqu’un que l’on peut acheter – comme quelqu’un qui, en réalité, s’attend à être acheté. Le meilleur moyen d’arriver à ses fins avec Donald Trump, c’est de le payer. Cette règle est la signature de beaucoup de capitalistes prospères. Mais ce n’est pas celles des présidents des Etats-Unis qui ont réussi.Vous évoquiez il y a un instant les oligarques et le pouvoir russe. Quel avenir prêtez-vous à l’éventuel cessez-le-feu qui pourrait intervenir entre la Russie et l’Ukraine ? Dans votre rapport, vous semblez le considérer quasiment comme acquis pour 2025. Mais cela ne semble pas être une bonne nouvelle…J’étais à Davos il y a quelques jours, et j’ai rencontré en privé beaucoup de chefs d’Etat et de leaders européens. Ils m’ont tous dit qu’ils appréhendaient moins la position de Trump sur la Russie et sur l’Ukraine aujourd’hui que lorsqu’il faisait campagne. Il ne parle plus d’arrêter la guerre en un jour. Il parle désormais de peut-être davantage, en un an. Que ça dépend de Poutine. Que la Chine peut aider parce qu’elle a des leviers en la matière. Que l’Ukraine doit être dans une position plus forte pour négocier. Son secrétaire d’Etat, Marco Rubio, a assuré que le soutien militaire américain à Kiev allait se poursuivre. Oui, Donald Trump a une priorité dans cette guerre, et il s’agit du cessez-le-feu. Mais il n’essaie pas de céder l’Ukraine à Poutine. Il s’engage dans une large mesure avec les Européens pour avoir une issue plus constructive. A cet égard, il n’y a finalement pas une grande différence entre la position de Biden et celle de Trump. Il va être président pendant quatre ans, après tout. Il peut être tenu pour responsable des décisions qu’il prend maintenant dans cet intervalle. Si Zelensky perd son pays, Trump ne pourra pas échapper à ce qu’on le tienne pour responsable, même s’il le nie.Maintenant, quand je pense à ce qu’un cessez-le-feu veut dire, je crois qu’il y a une grande différence entre arrêter les hostilités et avoir une vraie négociation pacifique. Trump ne pense pas que l’Ukraine doit rentrer dans l’Otan. Mais dans le même temps, les Ukrainiens ne voudront pas accepter un accord de paix sans des garanties solides de sécurité de la part de l’Occident. Je ne suis pas non plus convaincu que Poutine accepterait cela. Je ne pense pas que l’Ukraine soit prête à accepter que 20 % de son pays devienne un territoire souverain russe, de la même façon que je ne pense pas que la Russie soit prête à dire que ce territoire est ukrainien. S’il y a un cessez-le-feu, on sera encore très loin d’un véritable accord de paix avec les Russes.Gardons à l’esprit l’action de la Russie depuis 2014, et en particulier depuis 2022. Moscou a fait des choses abominables à la population ukrainienne, qui vont empoisonner les relations entre les deux pays pendant des générations, et il va falloir beaucoup de temps et une diplomatie très compétente pour défaire cette situation. Et sans réels accords de paix, comment lever les sanctions économiques auxquelles Moscou est soumise ? Quel mécanisme permettra de débloquer les plus de 300 milliards d’actifs souverains russes gelés, utilisés pour reconstruire l’Ukraine ? Si l’Occident traite toujours la Russie comme un paria, je m’attends à ce que la Russie continue sa guerre asymétrique contre les Etats européens.Quelles seront les conséquences sur le continent européen ?Voyez ce que la Russie fait déjà aujourd’hui, en payant des citoyens locaux via Telegram pour réaliser des actions dans d’autres pays. Et que font-ils ? Du vandalisme à petite échelle. Les auteurs ne gagnent pas beaucoup d’argent avec ça, mais ils font des dégâts. Il y a eu des incendies criminels. Des tentatives d’assassinats ciblés, notamment contre le dirigeant d’une grande entreprise allemande de défense. Des attaques contre des infrastructures critiques. On a même découvert des colis piégés à bord d’avions-cargos. Cela fait partie des recettes russes, et il faut les prendre très au sérieux. Les Russes pensent qu’ils sont en guerre contre l’Occident. Quand l’Occident fait une distinction entre la guerre asymétrique et la guerre cinétique, la Russie n’a pas de doctrine stratégique qui distingue ces deux types de conflits. Pour eux, la question est simplement de savoir quel type de dissuasion existe, et quelles en seront les conséquences. Ils continueront d’être en guerre jusqu’à ce qu’ils ne le soient plus. Et je ne vois pas les conditions qui permettraient aux Russes de penser qu’ils ne sont plus en guerre avec nous dans un futur proche.Dans votre rapport, vous soulignez également un risque particulièrement important pour le Moyen-Orient : l’état de l’Iran. Vous voyez un parallèle entre la faiblesse du régime actuel et celle de l’Union soviétique en 1989.L’Iran n’a plus le pouvoir de projeter son pouvoir via le Hezbollah, la Syrie ou le Hamas. Ce sont des changements majeurs, qui entraînent une réduction de l’influence iranienne dans la région. Dans le même temps, ils ont essayé de normaliser leurs relations avec les Etats du Golfe. Ils ont tendu la main aux Européens et, d’une certaine manière, aux Américains pour voir s’il n’y aurait pas un moyen efficace de s’engager et de stabiliser leurs relations. Quand les Soviétiques ont vu leur empire s’effriter, en 1989, ils ont également tenté de le faire. Pendant deux ans, jusqu’en 1991 et la fin de l’URSS, la région a été très instable. L’Iran n’est pas à son “moment 1991”, mais bien à celui de 1989. Comme l’URSS à l’époque, sa population est éduquée et rétive au pouvoir. Elle ne croit plus que le gouvernement, la théocratie et l’armée la représentent. Certes, l’armée iranienne est forte, et prête à réprimer à un degré bien plus élevé que ne l’était l’armée soviétique sous Gorbatchev. Mais les choses peuvent changer. Je pense que les Américains et les Israéliens tentent de concevoir le meilleur moyen de pousser le régime iranien à devenir impuissant. Combien de pressions économiques supplémentaires les Etats-Unis doivent-ils exercer ? Combien d’attaques supplémentaires Israël lancera-t-elle dans l’année à venir ? C’est une question ouverte, qui fait que l’Iran est probablement la pièce centrale au Moyen-Orient au sujet de risques majeurs.
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Author : Alexandra Saviana
Publish date : 2025-02-12 17:00:00
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Ian Bremmer : “Les Etats-Unis sont en train de devenir une kleptocratie”
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