En Suède, tout le monde peut aider l’Ukraine en un clic. Comment ? En se connectant à Glimt.nu, une plate-forme de paris en ligne financée par le ministère de la Défense dont l’objectif est d’aider Kiev dans sa prise de décision. Pour battre Poutine, l’intelligence collective de milliers de parieurs suédois (ou français ou anglais…) peut se révéler plus efficace que les meilleures analyseon ls d’experts. D’où l’idée de solliciter les avis de la société civile dans son ensemble. Depuis fin janvier, les Suédois qui le souhaitent peuvent donc répondre à une batterie de questions sur le conflit en cours : “Combien de soldats nord-coréens combattront en juin 2025 ?”; “Combien d’attaques de missiles russes en février 2025 ?”; “Quand la Russie poussera-t-elle l’Ukraine hors de Koursk ?” ou encore : “La Russie sera-t-elle à cours de liquidité d’ici octobre ?” Le site trilingue existe aussi en français et en anglais.Les résultats exprimés sous forme de pourcentages (77 % de chances que la population russe manifeste dans la rue contre la guerre en 2025) ou de dates (l’année 2026 marquera la fin de l’agression russe pour 35 % des parieurs) permettent de déterminer des probabilités pour que tel ou tel scénario se concrétise. A partir de ces données, qui sont ensuite transmises par les militaires suédois à leurs homologues ukrainiens, les stratèges de Kiev disposent d’éléments qui nourrissent leur réflexion avant leurs prises de décisions.Selon Försvarets Forskningsinstitut (FOI), le très réputé institut de recherche du ministère de la Défense suédois qui finance ce projet à 1,5 million d’euros, les résultats fournis par le panel d’internautes sont plus fiables que des projections de spécialistes à propos de l’évolution de la guerre. “Les recherches montrent en effet que les experts d’un sujet donné ne sont pas particulièrement pertinents lorsqu’il s’agit de prédire l’avenir”, explique Ivar Ekman, le coordinateur du projet Glimt, lequel s’inscrit dans le 16e paquet d’aide fourni à Kiev par Stockholm. En janvier, le gouvernement conservateur suédois a annoncé une aide supplémentaire de 1,2 milliard d’euros, soit le plus important montant depuis le début du conflit, voilà trois ans. “Lorsqu’il s’agit de lire dans une boule de cristal, les analystes de think-tank ne sont pas meilleurs que la somme des retraités désœuvrés, des mamans insomniaques ou des étudiants procrastineurs qui, pris ensemble, constituent une intelligence collective”, ajoute Ekman.Le mois dernier, le projet Glimt a été présenté à la haute hiérarchie militaire et au roi de Suède lors de la conférence de Défense qui se tient chaque année dans la petite ville de Sälen, perdue dans la campagne enneigée. Inspiré du concept de prédiction collective utilisé depuis les années 2000 par l’Intelligence Advanced Research Projects Activity du ministère de la Défense américain, Glimt repose sur l’idée que l’on est plus intelligent à plusieurs. “Il ne s’agit pas d’avoir une opinion mais un avis réfléchi sur une situation donnée, détaille Ivar Ekman, à Stockholm. Il est facile de confondre ce que nous faisons avec un sondage d’opinion mais ce n’est pas ce qui nous intéresse. Si l’on prend le sujet des missiles tirés sur l’Ukraine en février, mon opinion est qu’il devrait y en avoir zéro mais mon avis est qu’il y en aura tel ou tel nombre.”Lors de la conférence annuelle de Défense en janvier 2025, à Sälen (Suède), Ivar Ekman, du think-tank FOI, présente le projet Glimt à la haute hiérarchie militaire et au roi de Suède.Au petit jeu des prédictions, certains individus sont plus doués que d’autres. “Les bons prévisionnistes sont généralement des gens assez discrets, comme en témoignent souvent les pseudos qu’ils se choisissent, tels ‘Silence’ ou ‘Modest'”, explique Emile Servan Schreiber, le patron français d’Hypermind qui héberge la plateforme Glimt.nu. “Ce sont des individus qui ne cherchent pas à convaincre les autres mais simplement à avoir raison et ne pas se tromper, poursuit-il. Ce sont aussi des gens capables d’empathie – ils ont la faculté de se mettre à la place des autres – avec une ouverture d’esprit active, c’est-à-dire susceptibles de changer d’avis, dépourvus d’œillères et qui peuvent penser contre eux-mêmes.”Ces profils d’individus, plus enclins à comprendre l’avenir que d’autres, représentent environ 2 % de la population. Identifiés par la plateforme, les avis des bons parieurs sont valorisés par les algorithmes de Glimt. Les avis des “superparieurs” bénéficient d’une surpondération afin de donner davantage de poids à leurs avis. “Il existe une dimension ludique dans notre dispositif mais aucune somme d’argent n’entre en jeu, explique Ivar Ekman. Ici, on parie pour la bonne cause, pour le plaisir d’avoir raison et de voir son nom figurer en haut du classement des superparieurs.”Campagne de publicité dans Stockholm pour le site Glimt.nuPour l’heure, le panel de prévisionnistes se limite à quelques milliers de parieurs – lesquels sont par exemple 90 % à penser que “la Russie n’envahira pas la Géorgie en 2025”. Mais le think-tank FOI et le ministère de la Défense suédois espèrent attirer bien davantage de pronostiqueurs. Une campagne de publicité dans le métro et sur les Abribus fait la réclame de Glimt avec ce slogan : “Notre nouvelle arme dans la lutte pour la liberté de l’Ukraine.” Le site Internet a aussi été présenté au puissant syndicat de la fonction publique TCO afin que celui-ci en fasse la promotion auprès de son 1,2 million de membres.Des compétitions entre les étudiants en “sciences politiques” des universités de Lund et Uppsala (les deux principales facultés du pays) sont envisagées. L’idéal, selon les pouvoirs publics, serait de mobiliser des centaines de millions de parieurs. “Au-delà de l’aide à l’Ukraine, ce dispositif est aussi un outil qui peut permettre de maintenir l’intérêt du grand public pour la guerre en Ukraine, explique Ivar Ekman. C’est une façon de sensibiliser la société civile à la permanence du danger russe et de tester sa capacité de mobilisation et d’engagement des Suédois.”De fait, depuis la première agression russe dans le Donbass et en Crimée en 2014, la société suédoise est une de plus mobilisée en faveur de l’Ukraine, au côté de la Pologne, des pays baltes ou de la Finlande. Ceci explique sans doute cela : à travers son histoire multiséculaire, la Suède a livré une vingtaine de guerres contre l’Ours russe. Et ces jours-ci, la guerre (hybride) se rapproche des côtes suédoises avec multiplication des actes de sabotages contre des câbles sous-marins en mer Baltique. Même si les Suédois s’amusent à parier en ligne, ils savent bien que la guerre n’est pas un jeu.
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Author : Axel Gyldén
Publish date : 2025-02-13 06:30:00
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Guerre en Ukraine : pour battre Vladimir Poutine, la Suède mise sur les paris en ligne
![Page d'accueil , en français, du site suédois Glimt.nu dédié aux paris en ligne sur l'évolution de la guerre en Ukraine.](https://www.mondialnews.com/wp-content/uploads/2025/02/1739435561_Guerre-en-Ukraine-pour-battre-Vladimir-Poutine-la-Suede-1024x538.png)