Le 12 février 2025 restera certainement l’une des dates marquantes du conflit russo-ukrainien. Comme le jour où Donald Trump a annoncé le début “immédiat” de négociations pour la paix en Ukraine avec la Russie, sans même consulter au préalable l’un des principaux intéressés, le président ukrainien Volodymyr Zelensky, ni ses alliés de l’Otan ou de l’Union européenne. Une déclaration en revanche accueillie chaleureusement par Vladimir Poutine, qui s’est empressé d’inviter son homologue américain à Moscou.Pourtant, depuis le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche le 20 janvier dernier, une certaine forme d’optimisme semblait commencer à gagner les capitales européennes quant à l’issue du conflit en Ukraine, que le président américain avait promis de régler “en vingt-quatre heures” durant sa campagne. Cette temporalité était passée à “cent jours” depuis, et les menaces commerciales qu’assenait Donald Trump envers Vladimir Poutine pouvaient laisser croire que le président américain allait forcer le bras de fer contre son homologue russe. Mais c’était avant le “rappel à la réalité” de ce mercredi, affirme Politico. “La nouvelle position publique de Donald Trump à l’égard de Vladimir Poutine semble être tout ce que les partisans de l’Ukraine craignaient : une volte-face brutale de la politique étrangère américaine qui est effectivement à l’opposé de l’approche adoptée par le président Joe Biden”, poursuit le média américain. Une vision partagée par The Economist, qui souligne le “changement soudain de cap” par Donald Trump alors que “des proches de son administration avaient murmuré que le président américain avait compris qu’un accord nécessiterait une pression beaucoup plus forte sur Vladimir Poutine”.L’annonce de l’ouverture de ces négociations de paix par le président américain pourrait pourtant être une bonne nouvelle. Analysant les propos de Donald Trump mais aussi du nouveau chef du Pentagone, Pete Hegseth, l’éditorialiste du Washington Post David Ignatius affirme qu’un “examen attentif” de leurs déclarations révèle “des signes encourageants qui montrent que l’équipe Trump est déterminée à soutenir ce que Pete Hegseth a appelé ‘une Ukraine souveraine et prospère'”. L’éditorialiste américain poursuit en insistant que le bilan de Donald Trump “se mesurera à l’aune de l’obtention d’un accord de paix juste qui ne profite pas à l’agresseur. Le processus ne fait que commencer mais, jusqu’à présent, Donald Trump ne semble pas avoir plié devant le Kremlin”, conclut-il.”L’Ukraine est foutue. Et l’Europe aussi”Bien rares sont ceux à penser comme lui ce jeudi 13 janvier. Outre-Atlantique comme en Europe, l’heure n’est guère à l’optimisme quant aux chances pour Kiev de sortir de ces négociations avec un accord dont il n’est même plus vraiment question qu’il lui soit favorable, mais qui garantirait tout juste son intégrité territoriale et politique à court et moyen terme. “Si nous ne connaissions pas Trump et Poutine, l’ouverture de négociations de paix en Ukraine serait une bonne nouvelle. Mais les connaissant, l’annonce a été plus un choc qu’un soulagement”, écrit le quotidien espagnol El Mundo, présageant que “cette négociation, à laquelle Kiev et Zelensky ont été invités en tant qu’objets et non en tant que sujets, préfigure un grand pillage de l’Ukraine”.Pour témoigner de l’état d’esprit à Bruxelles, le quotidien allemand Die Süddeutsche Zeitung a de son côté fait le choix de raconter le scénario catastrophe dressé par le ministre des Affaires étrangères d’un pays européen géographiquement proche de la Russie après l’arrivée de Donald Trump au pouvoir… qui semble pour l’instant se profiler. “Première étape : Trump, toujours à la recherche d’un accord, s’entend avec Poutine sur un cessez-le-feu en Ukraine, sans que les pays européens ou le gouvernement de Kiev n’aient grand-chose à dire. Deuxième étape : Poutine accepte et obtient en échange des concessions de Trump, principalement au détriment de l’Europe et de l’Ukraine. Troisième étape : Trump jette cet accord aux pieds des Européens, dit ‘ça y est’et leur laisse le soin de s’occuper de sa mise en œuvre et de sa protection – seuls face à une Russie surarmée et agressive. Si cela arrive, nous sommes fichus”.Il n’y a pas qu’à Bruxelles que l’humeur est morose : à Kiev aussi, le projet de Donald Trump fait grincer des dents. Volodymyr Zelensky tente de ne pas lâcher prise et de faire entendre sa voix auprès de Donald Trump, assurant ce mercredi qu’il lui avait rappelé “la position de l’Ukraine, à savoir qu’il est important que cette guerre se termine par une paix juste”. Mais “l’humeur parmi les responsables ukrainiens s’est fortement assombrie”, rapporte The Economist. “Je pense que tout se décidera sans l’Ukraine”, craint l’un d’eux, tandis qu’un autre assure que “l’Ukraine est foutue. Et l’Europe aussi, d’ailleurs”.”Nous n’avons pas encore vu la partie ‘force'”Ce qui intrigue le plus du côté des médias américains comme européens, mais aussi des responsables politiques de l’UE, est la manière de procéder de Donald Trump et de son administration dans ces prémices de négociations. En donnant d’ores et déjà raison à la Russie sur un certain nombre de ses revendications – pas d’adhésion à l’Otan pour l’Ukraine, la quasi-sanctuarisation de ses gains territoriaux sur le sol ukrainien, et l’assurance que les soldats américains ne participeront en aucun cas au respect d’un éventuel accord de paix -, la méthode Trump pour entamer ses négociations est bien loin de convaincre. “Donald Trump parle toujours de ‘la paix par la force’, et c’est précisément la bonne approche avec les Russes. Mais ici, nous n’avons pas encore vu la partie ‘force'”, tance un responsable européen auprès du Wall Street Journal.”La première réaction à Bruxelles ce mercredi a été la stupeur. Pas forcément face à ce que Pete Hegseth a présenté […]. Ce qui a choqué les Européens, c’est le fait que Trump et son administration aient annoncé toutes ces concessions à la Russie sans aucune pression, avant même qu’un seul cycle de négociations sérieuses n’ait eu lieu avec la Russie”, raconte le Süddeutsche Zeitung. “Pourquoi mettent-ils déjà volontairement tout cela sur la table ? C’est complètement fou”, témoigne ainsi un haut fonctionnaire de l’UE auprès du journal allemand.Entre l’Europe et les Etats-Unis, un lien définitivement brisé ?De cet épisode, aux conséquences encore incertaines, semble cependant se dresser un constat longtemps redouté mais cette fois-ci bien concret : l’Europe et les Etats-Unis ne sont plus des alliés inaliénables. “Le mantra des Européens selon lequel le sort de l’Ukraine ne doit pas être négocié sans l’Ukraine – et pas sans les Européens – a été balayé d’un revers de main par Trump”, poursuit le Süddeutsche Zeitung.”Le siècle américain de l’Europe est terminé. Les relations entre les États-Unis et l’Europe ne seront plus jamais les mêmes après l’appel de Trump à Poutine”, prophétise de son côté CNN. Car aux yeux du média américain, les déclarations de Donald Trump ne concernent pas seulement le conflit russo-ukrainien, mais sont révélatrices d’une vision du monde où l’Europe n’aurait pas sa place parmi les grands. “En l’état actuel des choses, Trump ne semble pas s’opposer à ce que la Russie conserve le butin de son invasion non provoquée. Ce n’est pas surprenant, car comme la Russie, l’Amérique a maintenant un président qui pense que les grandes puissances ont droit à l’expansionnisme dans leurs zones d’influence régionales. Mais récompenser la Russie par un règlement favorable créerait un précédent désastreux”, affirme ainsi CNN.La doctrine “America First” était connue de tous : un retour au protectionnisme et à l’isolationnisme américain. Mais cette manière de Donald Trump de s’imposer comme celui qui serait parvenu à faire cesser les armes et aboutir la paix, à l’est de l’Europe comme au Proche-Orient, témoigne également de la démarche personnelle du président américain, estime le Wall Street Journal. “Pour Trump, Gaza et l’Ukraine se ressemblent. Des milliers de personnes meurent inutilement. Les villes sont en ruines. Des haines ancestrales alimentent des combats sans fin. Les solutions qu’il propose ont également beaucoup en commun. Elles découlent de sa croyance en son pouvoir de persuasion, de son désir assumé d’être perçu comme un artisan de la paix d’importance historique, et de son penchant à imposer des solutions à des pays plus faibles, y compris ses alliés”. Reste que ni à Gaza, ni en Ukraine, les principaux intéressés ne semblent pour l’instant approuver le projet du président américain.
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Publish date : 2025-02-13 11:15:59
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“L’Ukraine est foutue” : les négociations entre Donald Trump et Vladimir Poutine vues de l’étranger
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