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Les Inrocks

Le créateur de “The Office” souhaite étendre l’univers de la série

Le créateur de “The Office” souhaite étendre l’univers de la série



On doit à Greg Daniels l’adaptation américaine de la sitcom britannique créée par Ricky Gervais. Portée par Steve Carrell, The Office version US s’est étendue sur neuf saisons de 2005 à 2013 (contre les deux saisons de la version UK) et est considérée comme l’une des meilleures séries comiques des années 2000.

Son créateur, à qui l’on doit aussi Parks and Recreation, Upload et Space Force, développe une nouvelle série pour étendre l’univers de la série culte.

“Où serait l’intérêt d’un reboot ?”

Dans une interview pour The Wrap, Daniels a révélé qu’il ne s’agira pas d’un reboot : “Je n’aime pas penser quoi que ce soit comme un reboot en fait. Parce que j’ai l’impression que nous avons terminé l’histoire de The Office en beauté. Les personnages ont trouvé une conclusion satisfaisante. Je ne voudrais surtout pas refaire la même série avec un casting différent ! On avait le meilleur casting du monde à l’époque. Le meilleur de tous les temps à la télévision ! Alors non. Où serait l’intérêt d’un reboot ?”

Pour préciser son idée, Daniels prend l’exemple de la série The Mandalorian et de l’univers Star Wars : “L’idée est peut-être quelque chose dans la façon dont The Mandalorian est une nouvelle série dans l’univers de Star Wars… Vous voyez ce que je veux dire ? Quelque chose comme l’idée de cette équipe de documentaire, qui réaliserait un documentaire sur un sujet différent. Ça, ce serait intrigant et créatif. Je ne sais même pas comment on appellerait ça, s’il y aurait encore The Office dans le titre… Je ne sais pas si se serait une série sœur ou quelque chose comme ça. Je ne sais pas quel est le terme. Mais ce qui est sûr, c’est que le terme « reboot » n’est pas approprié pour ce que j’ai en tête.”



Source link : https://www.lesinrocks.com/series/le-createur-de-the-office-souhaite-etendre-lunivers-de-la-serie-600738-14-11-2023/

Author : Robin Vaz

Publish date : 2023-11-14 17:19:22

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“How to Have Sex”, “Et la fête continue !”, “Little Girl Blue”… Voici les sorties de la semaine !

“How to Have Sex”, “Et la fête continue !”, “Little Girl Blue”… Voici les sorties de la semaine !



How to Have Sex de Molly Manning Walker

Dès son titre en forme de tutoriel – alors qu’il n’en sera rien, et que le film posera plus de questions qu’il n’apportera de réponses –, How to Have Sex déjoue malicieusement les attentes d’une certaine visée pédagogique façon Sex Education. Son enjeu devient alors moins d’éduquer que de produire un nouveau regard : comment observer avec profondeur ce qui pourrait paraître d’une grande superficialité ? C’est l’autre question posée par le premier long métrage réjouissant de la cinéaste britannique Molly Manning Walker, lauréate du prix Un Certain Regard au Festival de Cannes 2023.

La critique de Ludovic Béot

Et la fête continue ! de Robert Guédiguian

Guédiguian navigue entre des intrigues amoureuses et familiales tramées de lutte sociale et des faits d’histoire récente qu’il s’attache moins à reconstituer avec fidélité qu’à dépeindre avec une noblesse de grand récit. Et la fête continue ! procède d’une volonté non pas d’enjoliver (le titre est assez trompeur) mais de réenchanter le réel, de faire fleurir l’arbre à histoires autour de cette catastrophe, l’effondrement, dont le troublant hasard a voulu qu’elle ait lieu sous le nez d’une statue d’Homère.

La critique de Théo Ribeton

Little Girl Blue de Mona Achache

Un film très original, qui bien sûr apporte des réponses sans en donner au sens supposé d’un suicide – dont Albert Camus disait qu’il est le “seul problème philosophique vraiment sérieux”. Bravo à Mona Achache, et chapeau à Marion Cotillard de s’être engagée dans un projet à la fois ambitieux, modeste économiquement et pourtant accessible à tous·tes.

La critique de Jean-Baptiste Morain

Ricardo et la peinture de Barbet Schroeder

Le cinéaste nous montre un homme bienveillant, féru de peinture, qui ne vit que pour son art et qui ne veut apparemment de mal à personne. Plus encore, il se montre à ses côtés – le film est aussi un film sur l’amitié, l’amitié simple, qui passe par le bavardage, des gestes simples du quotidien, une main sur l’épaule ou le partage d’une orange. Pas de terreur. Quoi de plus beau, émouvant de simplicité que deux vieux amis qui escaladent des rochers, au risque de s’y blesser parce qu’ils ne sont plus tout jeunes, pour aller créer, l’un avec ses pinceaux et ses couleurs, l’autre avec sa caméra et un micro ?

La critique de Jean-Baptiste Morain

Sound of Freedom d’Alejandro Gómez Monteverde

Le chouchou de la planète conspi, sur l’histoire très enjolivée d’un agent américain luttant contre des réseaux pédocriminels en Amérique du Sud, évite les faux pas les plus grossiers mais n’en reste pas moins structuré par le folklore QAnon.

La critique de Théo Ribeton

Vincent doit mourir de Stéphan Castang

Présenté à la Semaine de La Critique, le premier long métrage de Stéphan Castang commence comme une comédie noire intrigante et laisse présager toute la charge subversive et politique d’un sujet cousin du film de zombie. Mais alors qu’au cœur de son récit, le film se situe à l’embranchement de plusieurs pistes prometteuses (notamment celle d’une communauté vivant à l’écart de la société), il choisit de s’aventurer vers la plus attendue (l’histoire d’amour) de façon extrêmement consensuelle. D’une marge un temps espéré, le récit est alors reconduit, par paresse ou habitude, sur les rails dramaturgiques attendus.

La critique de Ludovic Béot

Gueules noires de Mathieu Turi

Mathieu Turi aimerait s’inscrire dans la lignée d’Alien et d’Indiana Jones, mais le design du monstre et la lecture sans difficulté de plusieurs lignes de symboles anciens prêtent plutôt à rire, tant tout le sépare de ses références d’origine. Gueules noires suit alors son programme très prévisible, et se conclut dans un final aussi gênant que paradoxal : à mesure que les derniers survivants essaient de remonter à la surface dans un long tunnel vertical, ils défient les lois de la gravité et parviennent, en s’élevant peu à peu, à toucher le fond.

La critique de Nicolas Moreno



Source link : https://www.lesinrocks.com/cinema/how-to-have-sex-et-la-fete-continue-little-girl-blue-voici-les-sorties-de-la-semaine-600701-14-11-2023/

Author : Les Inrockuptibles

Publish date : 2023-11-14 16:42:01

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Barbet Schroeder : “Tourner des films, c’est trouver des bons rôles pour des acteurs”

Barbet Schroeder : “Tourner des films, c’est trouver des bons rôles pour des acteurs”



Vous avez réalisé plusieurs documentaires sur des gens violents ou effrayants – ce que vous appelez votre “trilogie du mal” : Général Idi Amin Dada : autoportrait sur le célèbre dictateur africain, L’Avocat de la terreur sur l’avocat Jacques Vergès, Le Vénérable W. sur un moine birman responsable de massacres de Rohingyas. Dans Ricardo et la peinture, vous faites, au contraire, le portrait d’un homme bienveillant…

Barbet Schroeder – J’ai eu la même approche pourtant : j’essaye de comprendre les personnes, je m’attache à comprendre comment ils fonctionnent. Ils me fascinent tous. Je suis prêt à leur consacrer deux ans de ma vie – ce qui est en moyenne le temps qu’il me faut pour réaliser un documentaire. J’ai découvert qu’avec le documentaire, si l’on y consacre du temps, on arrive à faire de vrais films – ce qui pour moi signifie qu’on y trouve une vraie fin, de vrais personnages, avec du suspense, de l’émotion, etc. J’ai rencontré Ricardo il y a quarante ans, et très rapidement, je me suis dit qu’on ferait un jour un film ensemble.

Qu’est-ce qui vous a fait dire ça ?
Après avoir visité beaucoup de musées avec lui, et on continue à le faire, sa manière de parler de la peinture me fascine. Un artiste qui fait découvrir son art aux autres, c’est ça le secret. Les grands écrivains doivent faire découvrir les grands écrivains, ils sont meilleurs que les critiques… Je ne sais pas si c’est le cas pour le cinéma (rires) ! Scorsese sait bien faire découvrir le cinéma, mais je n’en compte pas dix qui sachent le faire. Ricardo est une personne extraordinaire. Je n’ai pas l’impression qu’on puisse rencontrer plus de cinq personnes aussi exceptionnelles que lui. Parallèlement à ces visites que nous faisions ensemble, j’ai découvert tout son œuvre et j’ai assisté à son évolution, ce qui m’a rapproché de lui. J’allais le voir régulièrement en Bretagne, et petit à petit, ses peintures sont devenues de plus en plus grandes. On a tourné avec trois, voire quatre caméras. Je n’avais pas peur qu’on voie parfois la perche dans le champ. C’était même un choix que de donner l’atmosphère du tournage, ça faisait partie du film. L’idée de me mettre dans le film n’est pas du tout venue de moi. Je n’aime pas du tout les metteurs en scène qui le font. C’est venu de Victoria Clay, ma cheffe opératrice, qui a commencé à m’inclure dans l’image. J’ai d’abord protesté puis rapidement, j’ai réfléchi, et je me suis dit que c’était peut-être une bonne idée de montrer notre amitié, que ça donnait un angle supplémentaire au film.

Vous dites que c’est un peu la même chose, parce que vous essayez de donner à comprendre un être dans sa complexité. Mais en même temps, ce n’est quand même pas tout à fait la même chose : il y a quelque chose de très simple parce que vous avez envie de nous le faire aimer, Ricardo, vous l’aimez… Il n’y a pas de zone d’ambiguïté, alors que c’est forcément différent quand vous filmez Amin Dada, Jacques Vergès… Est-ce que le fait de tourner un film, et donc de passer beaucoup de temps avec des gens, cela crée, malgré tout, une forme d’attachement. Contre laquelle vous vous bagarreriez, d’ailleurs ?
Bien sûr ! Là, l’attachement avait lieu avant le film, mais les autres, ce n’était pas vraiment de l’attachement… Avec Amin Dada, presque tout de suite, je l’ai trouvé sympa. Ce qui était amusant, c’est que le chef opérateur, Nestor Almendros, qui avait fui Cuba, me disait : “C’est comme Castro : tout le monde le trouve très sympathique.”

Il avait envie de vous séduire ?
Oui, ou il le faisait naturellement, ce que je crois.

Vous résistiez ou pas ?
Pour obtenir ce que je voulais, j’étais tout à fait d’accord. J’ai toujours voulu être plus ou moins fair-play.

Est-ce que dans votre tête, il y a une dimension de “piège”, dans l’idée d’attendre que la personne exprime des choses qui se retournent contre elle, par exemple ?
Le piège… Il est là depuis le début, puisque je n’approuve pas à 100 % ce qu’ils font. Je ne peux pas l’approuver. Mais j’aimerais bien comprendre comment ça marche, pour eux.

C’est le jeu du chat et de la souris : on ne sait jamais qui est le piégé. Est-ce vous ou le personnage principal du film ?
Exactement. J’aime me mettre en danger, pour en savoir plus.

C’est ce que vous aviez répondu à l’enquête de Libération sur “Pourquoi filmez-vous ?” : “Pour en savoir plus”, non ?
Oui. J’avais prévenu Serge Daney qu’il serait surpris, mais il était sidéré et me disait : “Tu veux en savoir plus sur le cinéma ?” et je lui avais répondu : “Non, je veux en savoir plus.” (Rire)

Koko, le gorille qui parle (1978), ce film sur une étudiante en psychologie américaine, Penny Patterson, qui parvient à apprendre la langue des sourds à un gorille, est peut-être votre documentaire le plus émouvant.
Koko, c’est la découverte, pour moi, de la dimension exceptionnelle de la pensée des animaux, du fait qu’ils peuvent éprouver de la douleur, des émotions, tout ce qui est apparu dans la philosophie dans ces années-là. Je sentais qu’il y avait une chose importante qui était en train de sortir dans la conscience humaine.

Il y a beaucoup de gens jeunes, par forcément cinéphiles, mais qui sont antispécistes et qui adorent ce film, qu’ils jugent important.
Pour moi, c’est devenu tellement important que j’ai travaillé trois ans au lieu de deux sur ce film. Parce que j’ai suivi à travers le monde toutes les réunions de spécialistes qui travaillaient sur ce sujet. J’ai suivi l’évolution de cette conscience. Ça m’a passionné.

Vos centres d’intérêt sont si divers, qu’on se demande si vous passez à autre chose et si vous abandonnez votre sujet quand le film est terminé.
Je ne peux pas l’abandonner. Il fait partie de mon apprentissage. On peut dire que Ricardo et la peinture est mon premier film sur le bien, mais j’ai peur de le dire parce que les films sur le bien, je ne les aime pas trop. (rires) Ce qui me passionne, c’est l’acharnement de Ricardo à faire ce qu’il doit faire. Uniquement. À ne pas perdre du temps dans des vernissages, etc. Il ne fait rien d’inutile pour son art. Et il ne se sacrifie pas non plus. Il le fait dans la joie, très naturellement. Comme Rohmer, par exemple, il ne prendrait jamais un taxi, ou il n’irait pas au restaurant. Perte de temps et/ou d’argent.

C’est un rapport à la consommation ?
Un rapport à l’économie : l’économie, c’est pour continuer son art. Pour Rohmer, c’était pour continuer à faire des films pas cher. Il n’y a que les choses essentielles qui sont payées. Ils ont une attitude qui est assez admirable, parce que naturelle, une volonté qui s’est fabriquée d’elle-même.

Vous fonctionnez comme ça, vous, de cette manière “monacale” ? Ou il vous arrive de faire des choses inutiles ?
Oui, oui, bien sûr. Je ne refuse pas les plaisirs de la vie. (rires)

Vous voyagez toujours autant ? Vous m’aviez dit que vous ne restiez jamais plus de quinze jours quelque part ?
Oui, “Quinze jours ailleurs”, une formule que j’ai volée au titre d’un film de Vincente Minnelli (tourné en 1962) que j’aime beaucoup. Je voyage encore pas mal, oui. Bon, quand on fait un film, on reste plus de quinze jours, bien sûr. Ça fait deux ans que je suis sur Ricardo et la peinture. Je vis à Lausanne maintenant, mais je suis à Paris pour le film. Et je suis très impatient, dès que le film sera sorti, de repartir à New York, où je ne suis pas allé depuis quatre ans.

Mais vous avez passé plus de temps à Los Angeles qu’à New York, non, puisque vous avez tourné plusieurs films à Hollywood ?
Non, parce que j’ai toujours fait attention à vivre à New York, même si je travaillais à L.A. Parce que, même quand je tournais en Californie, je me débrouillais souvent pour faire le montage à New York, comme sur Barfly ou Le Mystère von Bülow. Parce que je voulais être loin d’Hollywood. Là-bas, ils viennent frapper à votre porte, on ne peut pas refuser de leur ouvrir la porte et ils commencent à faire des demandes. Au téléphone, c’est plus facile… (rire).

Il y a des courants très distincts entre vos films américains, les films français, les films tournés dans d’autres pays, comme La Vierge des tueurs en Colombie, vos documentaires et vos fictions…
Pour moi, c’est pareil. Dans le cinéma américain, il y a des genres intéressants à explorer, et je l’ai fait. L’unité, pour moi, c’est que je suis passionné par les gens, les personnages, qui se révèlent dans des conflits. En gros pour moi, tourner des films, c’est trouver des bons rôles pour des acteurs. Avec en plus une volonté de réalité documentaire.

Vous vous sentez plus en danger quand vous tournez en Colombie dans un ghetto de la drogue, à Hollywood, ou en Ouganda face à un dictateur ?
(Rire) Je pense que le dictateur et la Colombie sont plus dangereux. À Hollywood, on risque d’être viré, c’est tout. D’ailleurs, je me sers de cette arme contre eux. Quand on m’a demandé, quand je tournais JF partagerait appartement, de ne pas changer la couleur des cheveux d’une des deux actrices principales… C’était pour moi une clef du film, ce changement de couleur. Et ils sont venus me dire que ce n’était pas possible… Alors je leur ai dit : “Dans ce cas-là, il faut que vous trouviez un autre metteur en scène…” Ça, c’est la phrase qui tue, à Hollywood. Normalement, on ne peut pas dire ça. J’ai dû la dire une ou deux fois. J’étais toujours prêt à la sortir, j’avais toujours par contrat le final cut, et j’étais toujours associé à quelqu’un qui me pilotait : “Tu peux faire ça, mais pas ça, etc.”, c’était mon associée, Suzan Hoffmann, qui retravaillait tous mes scénarios, et on affinait ensemble les scripts. C’est un partenariat qui a duré pas mal de temps et qui était passionnant.

Vous avez aussi tourné un épisode de la série Mad Men…
Je voulais voir comment ça se passait. Je ne voulais pas du tout mettre ma marque. Je me suis mis au service de l’entreprise. Je ne voulais pas que ça déteigne avec le reste de la série. Je sentais que souvent le problème, dans les films, c’est de tourner très vite parce qu’on n’a pas d’argent. Et je me suis dit que j’allais aller à la source pour comprendre comment ils faisaient. Parce qu’un épisode d’une heure se tourne en cinq jours ! Et en plus, avec des extérieurs, 200 figurants… cinq jours de superproduction.

Votre plus grande force, c’est une capacité extraordinaire d’adaptation, dans des milieux très différents les uns des autres. Est-ce qu’avoir grandi dans différents pays (Iran, Colombie, Espagne) vous aide à trouver une aisance partout ?
Ce n’est pas à moi de le dire, mais c’est très possible que je sois très curieux, aussi. Je veux toujours en savoir plus, sur les pays, les gens, les problèmes. Et puis je parle couramment l’anglais, l’espagnol, le français.

Est-ce que vous avez le sentiment d’appartenance à quelque chose ? Est-ce que vous avez l’impression d’être parisien, d’appartenir au cinéma français ?
Bien sûr. J’ai découvert le cinéma en France, à la Cinémathèque française. Mais en même temps, j’ai découvert le cinéma à partir des films d’Hollywood, aussi. C’est une sorte de double appartenance. Et puis, j’ai beaucoup aimé les films de Kiarostami, qui m’a fait découvrir des tas de choses. Donc, on ne peut pas tellement m’assigner.

Comment les avez-vous rencontrés, les cofondateurs des Films du Losange avec vous, Éric Rohmer et Pierre Cottrell ?
Pierre Cottrell était au lycée Henri IV avec moi, nous étions pensionnaires. On partageait tout et nous étions très amis. Quand j’ai commencé à vouloir travailler dans la production, il m’a suivi. Éric Rohmer, c’est simple : j’étais cinéphile, dans les années 1960, avec Bertrand Tavernier, Patrick Brion, etc. La génération post-Nouvelle Vague. On discutait cinéma tous les soirs après les séances, je ratais le dernier métro, je rentrais à pied, etc.

Et Rohmer ?
Mon idole, c’était Rohmer, et je voulais le rencontrer. Je lisais tous ses articles passionnément. Alors, je suis allé aux Cahiers du Cinéma, 116 avenue des Champs-Élysées, au-dessus du cinéma George V, à l’époque. Sous prétexte de trouver un vieux numéro, et en réalité pour le rencontrer. Il était là, on a commencé à parler, et nous avons sympathisé. Je suis revenu, on s’est revu, j’ai commencé à bricoler, à l’aider, et un jour, il m’a expliqué sa situation. Il avait tourné Le Signe du lion, que j’avais vu plusieurs fois. Mais le film avait été un échec, et il ne savait pas trop comment continuer à faire des films. Il m’a dit : “Je vais chercher le moyen de faire des films sans argent, et comme ça, je pourrai faire mes films.” Le premier fut La Boulangère de Monceau, 26 minutes, où j’ai joué gratuitement.

Tous les films étaient tournés en 16mm, qui était un format semi-professionnel, pas en 35mm, en noir et blanc, jusqu’à La Collectionneuse, où j’ai dit qu’il fallait qu’on passe à la couleur, parce que ça devenait presque aussi cher de tourner en 16mm noir et blanc et de gonfler ensuite le film en 35mm que de tourner directement en 35mm couleurs. Mais on tournait peu. Comme chez John Ford, tous les plans étaient très planifiés à l’avance et on faisait le minimum de prises. On ne “se couvrait pas”, comme on dit, en tournant des plans inutiles et des kilomètres de pellicule. Et on réussissait aussi à tourner un plus que ce qui était indiqué sur les boîtes de pellicule. Pour La Carrière de Suzanne, par exemple, qui fait 52 minutes, nous n’avions utilisé que 53 minutes de pellicule ! Nous n’avions pas d’argent pour le développer. Je ne sais plus comment nous avons fait, mais nous avons récupéré le négatif, peut-être en payant. Peut-être (rires). Ou alors nous nous sommes endettés, je ne sais plus. C’était le seul frais, le développement du négatif. La caméra nous avait été prêtée, on n’allait jamais au restaurant, on ne prenait jamais de taxi, le son n’était pas direct. Les acteurs qui venaient gentiment faire de la figuration n’étaient pas payés, et nous n’avions même pas de quoi leur offrir un café… On peut dire que tourner un film “sans argent”, c’est ça. Il a fallu attendre Ma Nuit chez Maud pour que nous puissions tourner en son direct, ce qui était très important pour Rohmer, évidemment.

À partir de quand avez-vous pris un peu de distance avec la production pour devenir réalisateur ?
J’ai tourné exactement mon premier film, More, au moment où Rohmer allait tourner Ma Nuit chez Maud, qui s’appelait à l’époque La Fille à bicyclette. Pour le produire, j’étais allé à la télévision (l’ORTF) pour essayer d’obtenir un cofinancement. Le type qui m’a reçu a jeté le scénario La Fille à bicyclette par terre en me disant : “Je vais être franc avec vous : c’est du théâtre filmé. Nous, on n’en veut pas.” (Rires) Sous-entendu :“à la télévision, on fait du vrai cinéma” (rires). Et j’ai dû ramasser le scénario et je suis reparti. Nous n’avons pas pu tourner Ma Nuit chez Maud cet hiver-là, mais le suivant. Nous étions effondrés. Je suis presque sûr que nous avions déjà l’accord de Trintignant. Donc ce type a refusé de nous aider à cause du scénario et de sa détestation de ce qu’il appelait le ”théâtre filmé”, évidemment pas à cause de Trintignant, qui était déjà un acteur très connu. L’ironie, c’est que cet homme-là est peu après devenu patron chez UGC, et que la distribution de Ma Nuit chez Maud avait été dealé avec UGC avant son arrivée, grâce au fait que Trintignant jouait dedans. Et donc, cet homme est arrivé chez UGC avec un grand succès public, Ma Nuit chez Maud, ce film qu’il n’avait pas voulu aider. (Rires) Il en était très fier. J’ai oublié son nom, je ne le fais pas exprès… Mais je suis content de l’avoir oublié ! (rires)

À partir de quand avez-vous pu travailler avec une certaine aisance, au Losange ?
Ma Nuit chez Maud ! Qui fut un immense succès. Le monde nous appartenait du jour au lendemain. Et j’avais tourné mon premier film, More.

Les films de Rivette, vous étiez impliqué dans leur production ?
Ah oui, beaucoup ! À l’époque, au début des années 1960, je passais tous les après-midis aux Cahiers du cinéma, dont Rohmer était le rédacteur en chef, pour le voir. Rohmer rentrait chez lui en fin de journée, et j’allais souvent dîner avec Jacques Rivette ou André S. Labarthe dans le bistrot d’en-bas. J’étais très intéressé par tout ce qu’il disait, par ses projets de films. Mais, quand il y a eu le coup d’état aux Cahiers [en 1963, Jacques Rivette prend la place de Rohmer, qui est viré – ndr], c’est un drame. Rohmer n’avait pas d’argent. Il avait un salaire de misère aux Cahiers. Il avait une femme et deux enfants, mais il y arrivait. Mais, en même temps, les Cahiers n’arrivaient pas à trouver l’argent pour le virer… ça s’est éternisé, à un moment où je ne pouvais plus être proche de Rivette. Et ça a dû durer six mois. Je disais à Rohmer : “Comment va-t-on faire ?”. Et Rohmer me répondait : « Oh, mais c’est très simple : on va fonder une autre revue – un peu plus à droite…” (Rires) Je n’étais pas d’accord : “C’est aberrant, on a déjà fait plusieurs films ensemble, on peut continuer à en faire. Les films s’appellent ‘Les six contes moraux’, et nous n’en avons tourné que quatre ! Il faut continuer. Je ne suis pas d’accord. Je vais fonder une société de production. Nous quittons les Cahiers et nous faisons des films. Pour vous, pour moi, peut-être pour Jean Douchet aussi.”

Quand les Films du Losange ont commencé à produire les films de Rivette, ce n’était pas un problème, pour Rohmer ?
C’est ça qui est passionnant : justement, quand on a commencé à produire Rivette, ce qui était toujours risqué financièrement. J’hésitais. Rohmer me disait : “Il faut absolument produire Rivette, il est le cœur du cinéma moderne, il est le cinéma moderne. Il faut que nous soyons derrière ce cinéma.” J’étais drôlement étonné. Parce que quand même, Rivette avait quand même mis à la rue Rohmer et Douchet.

Mais l’admiration de Rohmer pour Rivette faisait qu’il n’était pas rancunier ?
Voilà. Rohmer ne me forçait pas, mais il était véhément, décidé. Je lui disais que c’était risqué, d’un point de vue financier, mais il s’en moquait. Alors que lui ne prenait jamais aucun risque sur ses propres films, il me poussait à prendre des risques pour Rivette (rires). C’est quand même extraordinaire : j’étais très impressionné.

Parlez-nous de votre amitié avec Charles Bukowski…
Avec plaisir. J’étais en train de faire le montage de Koko le gorille qui parle, à San Francisco, où j’avais tourné le film, et un ami ma conseillé de lire Bukowski, en me disant : “C’est un écrivain de Los Angeles, pas de San Francisco ! ». Ce qui signifiait : pas un un écrivain beatnik, contestataire, mais un écrivain qui fait partie du monde ouvrier. Donc ça m’a fasciné d’emblée. Et j’ai lu toute son oeuvre, avec une vraie passion. Je me suis dit qu’il fallait que je le rencontre et lui demander s’il voulait faire un film. Je ne trouvais pas son numéro. Personne ne voulait me le donner, même les gens qui l’avaient. Alors, j’ai pris un détective, un autre personnage extraordinaire sur lequel j’ai failli faire un film. Il a trouvé son adresse et son numéro de téléphone. Je l’ai appelé : “Bonjour, je suis cinéaste, vous ne me connaissez pas, mais je veux faire un film avec vous, je suis prêt à vous payer, c’est très sérieux.” Il me dit : “No, forget it” et il raccroche (rires). Je réfléchis, et cinq minutes après, je le rappelle. “Excusez-moi, c’est encore moi. Mais vous êtes né à Hollywood donc j’imagine que lorsqu’on vous parle de cinéma, vous avez quelque chose de négatif sur le cinéma. Mais je vous dis que le cinéma est un art important. Pas aussi important que la littérature, mais quand même. Je veux faire une œuvre de respect pour vous, je ne veux pas vous exploiter.” Il me répond : “Venez ce soir.” Je suis venu, et ensuite, on ne s’est plus quittés pendant des années. On a mis sept ans à financer Barfly. Personne n’en voulait. PERSONNE. Il me faudrait des heures pour vous en parler.

Barfly a été un succès, finalement ?
En Amérique, non, mais un succès d’estime. Moi, je m’attendais à des prix, quand on est allés à Cannes présenter le film, avec Faye Dunaway et Mickey Rourke. Ensuite, j’ai rencontré des gens qui font du théâtre d’avant-garde en Russie et qui me disaient : “Pour nous, Bukowski est notre bible.” À Medelin, j’ai rencontré un type qui sortait de prison et qui me disait que tout le monde lisait Bukowski en prison ! Il y a un culte de Bukowski.

Mickey Rourke et Faye Dunaway étaient là dès le début du projet ?
Non, il y a eu beaucoup de castings, de tentatives, en sept ans (rires). Le moment le plus décevant, c’est que même avec ces deux acteurs là, j’avais du mal à trouver de l’argent. Alors que Rourke, à l’époque, sortait de Neuf semaines et demie : il était une star !

Quel est le film de vous dont on vous parle le plus, aujourd’hui ?
La Vierge des tueurs, Barfly, L’Affaire von Bülow reviennent souvent dans les discussions. More aussi.

J’adore un de vos films, Before and After, qui n’a pas eu beaucoup de succès d’ailleurs. Est-ce que vous avez un attachement particulier à ce film ?
Ah oui ! Pour moi, c’était un film touchant. Et je trouvais assez dément de le produire pour un studio, parce que c’était vraiment un film d’auteur étranger… Ça analysait la culpabilité, etc. C’était très subtil. Le film s’est fait parce que certains grands acteurs ont accepté de le faire, comme Meryl Streep et Liam Neeson.

Edward Furlong était extraordinaire dans le film.
Je peux le dire aujourd’hui : j’ai fait à l’époque un choix surprenant. J’ai choisi Furlong, plutôt que Leonardo Di Caprio, qui était déjà plus connu que Furlong.

Ah bon ?!
Oui. J’ai imposé Furlong, qui était moins connu, plus bizarre, plus crédible dans le rôle d’un criminel. Before and After, c’est intéressant. On avait lu ce roman, avec Suzan, et on décide d’en faire un film. La Columbia, je crois, dit d’accord, on va acheter les droits et faire écrire le scénario par tel scénariste. Et ça devait se passer en hiver, mais, comme pour Ma Nuit chez Maud, il n’y avait pas de neige. J’avais Liam Neeson et Meryl Streep, mais pas de neige, alors on attendait, ce qui est toujours très dangereux. Du coup, on a changé de studio et on est allé tourner ailleurs. Donc ça n’a été qu’un film à problème, parce que c’est un film d’art européen, et qu’aller se balader ce genre de film avec des grandes stars, ce ne sont pas les grandes stars qui aident. L’Enjeu, c’était plus simple à faire. Mais pas facile non plus, parce qu’ils trouvaient qu’il y avait trop de scènes d’hôpital. L’Enjeu, c’est le film sur lequel j’ai eu le plus de problèmes. Mon montage final n’a pas été accepté. Ils sont venus prendre le négatif et ils ont fait leur montage qu’ils m’ont envoyé. Ma réponse a été très simple : “Si vous acceptez, je suis d’accord de mettre mon montage dans une salle et le vôtre dans une salle à côté avec un public identique. Si votre montage plaît plus au public que le mien dans les tests et les sondages à la sortie de la salle, je me plierai à votre volonté.” Ils ont accepté et j’ai gagné. (Rires)

Bravo !



Source link : https://www.lesinrocks.com/cinema/barbet-schroeder-entretien-avec-un-createur-eclectique-600536-14-11-2023/

Author : Jean-Marc Lalanne et Jean Baptiste Morain

Publish date : 2023-11-14 16:20:03

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Hyper Weekend Festival : la soirée Qui Va Piano Va Sano dévoile sa programmation

Hyper Weekend Festival : la soirée Qui Va Piano Va Sano dévoile sa programmation



Le rendez-vous est pris à 20h à l’Auditorium de Radio France. Vendredi 26 janvier 2024 aura lieu la soirée Qui Va Piano Va Sano qui ouvrira l’immanquable Hyper Weekend Festival et sa programmation éclectique élaborée par Didier Varrod avec le label Microqlima.

Fidèle à son cadre d’exception, Qui Va Piano Va Sano invite des artistes à interpréter une sélection de leurs titres piano-voix. Autant de générations, que d’horizons musicaux se rencontreront ainsi le vendredi 26 janvier afin d’assurer une nouvelle fois une délicieuse émulation créatrice. On se réjouit de retrouver Ibeyi, les figures incontournables du rap Meryl et Luidji. Focus sur une nouvelle scène pop française avec Claude et Piche. La brillante Alice Taglioni et l’étonnant Yamê seront également de la partie, sans oublier Camélia Jordana et Sheila. À vos agendas, la soirée promet d’être belle !

Soirée Qui Va Piano Va Sano, vendredi 26 janvier 2024, 20h à l’Auditorium de Radio France. Prenez vos billets ici !



Source link : https://www.lesinrocks.com/musique/hyper-weekend-festival-la-soiree-qui-va-piano-va-sano-devoile-sa-programmation-600631-14-11-2023/

Author : violette gauthier

Publish date : 2023-11-14 14:49:07

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Il et elle ont créé l’inoubliable “The OA” : rencontre avec Brit Marling et Zal Batmanglij

Il et elle ont créé l’inoubliable “The OA” : rencontre avec Brit Marling et Zal Batmanglij



Comment aimer, penser, désirer, à l’heure de l’intelligence artificielle ? Comment continuer à ressentir dans un monde qui exige parfois de négliger les affects ? Comment, tout simplement, continuer à faire de bonnes séries ? Le duo créatif haut perché a accepté d’évoquer les thèmes majeurs de la série. Chacun·e se répond, rebondit sur les idées de l’autre, un peu comme sur les plateaux de tournage, où les compères échangent constamment les rôles et se partagent la réalisation des épisodes.

Votre première et magnifique série, The OA, a été annulée par Netflix après deux saisons. Certain·e·s ne s’en sont toujours pas remis·es, dont moi. Et vous ?

Zal – Nous avons des sentiments forts concernant le fait que The OA se soit terminée, même si l’expérience globale a été excitante, car nous avons pu saisir la vague à une époque où Netflix prenait beaucoup de risques. C’était exaltant de pouvoir façonner quelque chose d’original et différent et de le voir diffusé partout. L’opportunité était dingue. Mais pour nous, The OA n’est pas morte. C’est comme une fleur qui a besoin de plus d’eau et de soleil.

Brit – J’ai aussi envie de penser à The OA comme une entité dormante. On dit que certaines graines peuvent attendre dans le désert durant plusieurs décennies. Quand le taux d’humidité dans l’air change, la graine germe à nouveau. On ne sait jamais quelles conditions pourraient changer.

Comment en êtes-vous arrivé·e·s à proposer Un meurtre au bout du monde ?

Brit – Pendant la deuxième saison de The OA, une amie a été invitée à une retraite tech organisée par un milliardaire reclus et son récit nous a fasciné. Tout cela semblait connecté à notre travail en cours, mais nous n’avions pas trouvé comment l’inclure. La petite graine est restée plantée dans notre jardin intérieur. Quand The OA a été annulée, cette graine avait déjà grandi. Au moment où nous étions prêt·e à passer vraiment à autre chose, elle était carrément devenue une fleur. Le personnage de Darby Hart est apparu comme cette fleur déjà robuste, prête à être coupée et placée dans un vase.

La série mélange plusieurs récits dans des temporalités différentes : la retraite organisée par le milliardaire, mais aussi la relation entre Darby et Bill, deux jeunes détectives obsédés par le fait d’élucider des crimes non résolus. Comment avez-vous tout connecté ?

Zal – Dans la retraite en Islande, les personnages amènent des expériences de vie sauvagement différentes. Darby a grandi dans le Midwest avec peu de confort matériel, elle n’est probablement jamais sortie des États-Unis. Avec Bill, il et elle se sont rencontré·e·s dans des circonstances macabres, mais se retrouvent à des milliers de kilomètres. Il y a ce contraste très fort entre leurs vies d’avant et celles d’aujourd’hui. À cause d’Internet, je pense que l’on vit de manière scindée, comme si nous avions des existences multiples et simultanées.

Dans votre esprit, le passé et le présent se répondent sans s’opposer ?

Zal – Brit est arrivée à une session d’écriture en affirmant que nous devions concevoir le temps de façon elliptique plutôt que linéaire dans Meurtre au bout du monde. C’est vrai que l’histoire de Darby et Bill n’est pas conçue à travers des flashbacks classiques. Pour nous, les deux récits, leur rencontre et la retraite, existent simultanément. Nous avons l’habitude que le passé éclaire le présent, mais nous voulions que le présent, ici, informe le passé.

Les transitions entre époques sont belles : les images se parlent, se métamorphosent l’une l’autre, l’idée de causalité entre passé et présent est dépassée.

Brit – La série entière est conçue sur cette idée. Nous avons imaginé l’hôtel de façon circulaire pour qu’il représente la roue du temps. Darby en a la maîtrise, presque malgré elle : elle voyage en arrière et en avant. Beaucoup des transitions dont vous parlez figuraient déjà dans le scénario. Le son du vent devait agir comme un courant, presque un personnage qui nous mènerait de l’espace glacé d’Islande au désert de l’Ouest américain. Une vitre derrière le personnage se met à branler subitement, alors que dans le passé, Bill va ouvrir une fenêtre… Parfois, les transitions ont été pensées durant le tournage, comme celle que Zal a improvisée alors que je n’étais pas sur le plateau : Darby ouvre une porte et fume un joint, qui la ramène psychiquement à un autre moment où elle était défoncée dans le passé. Zal a imaginé un point de montage, où les visages de Darby et de Bill se répondent que j’ai trouvé magnifique. C’est une question intime pour moi. Je ne crois pas que le passé meure vraiment, on ne fait qu’y insuffler de la vie.

Vous parlez du vent et de courants. Devant votre série, j’ai le sentiment d’être sur une plage devant les vagues du récit. Il y a de longues scènes, une narration enveloppante, avec du ressac… Parfois, deux personnages s’échappent, comme s’il fallait inventer un rythme alternatif à l’intérieur de la narration.

Zal – Je ne sais pas si la notion de vagues était celle qui nous occupait consciemment, mais elle reste la plus correcte pour décrire le récit, qui possède des qualités liquides. Nous étions en recherche constante de fluidité.

Brit – Quand vous dites vagues ou fluidité, je pense à ce qu’on appelle les “espaces liminaires”, ces lieux sans connexion apparente avec le reste du monde où tout est possible, que ce soit un couloir vide, un paysage étrange… Ils permettent à de nombreuses sensations de se greffer entre elles. Ici, un moment où Darby frôle la mort peut la connecter au souvenir d’un orgasme. Nous avons essayé de trouver ces zones où emmener nos personnages : parfois, ils se défoncent et voient le monde différemment, parfois, nous les filmons au moment du coucher du soleil ou quand le jour se lève…

Un meurtre au bout du monde est portée notamment par deux acteur·ice·s splendies, Emma Corrin (Darby) et Harris Dickinson (Bill). Pourquoi elle et lui ?

Zal – Quand on se lance dans une nouvelle histoire, on cultive une analogie avec les conditions météo. On entretient notre jardin, on ressent une pluie fine, du brouillard, un orage… Nous avons cru à un moment que l’orage était trop fort. Nous avons présenté une première mouture du projet une semaine avant le premier confinement. Tout s’est passé en distanciel, sans interactions physiques avec les patrons de la chaîne FX. Ensuite, le tournage a eu lieu en Islande, censée être préservée de l’épidémie. Mais quand nous sommes arrivé·e·s, tous les gestes barrière ont été levés ! Enfin, au moment où nous avons bouclé la série, l’intelligence artificielle est devenue un sujet d’actualité, une nouvelle façon d’envisager nos vies, alors que nous en avions fait un sujet central de la narration. Énormément d’éléments extérieurs sont venus nous percuter, et cela devait se voir à l’image. Je souligne tout cela pour dire Emma et Harris ont eu le talent de refléter le monde dans lequel il et elle vivent, comme une incarnation du contemporain. Être jeunes à cette époque, sur ce plateau où chacun·e était masqué·e, ils l’ont vécu et nous l’ont transmis. Quand nous avons tourné les scènes du passé en Utah, tout le monde a pu enlever les masques, car nous étions en extérieur et cela a été une libération. Emma et Harris ont saisi intuitivement notre joie et se sont mis à hurler du Annie Lennox dans la voiture. Ils ont réussi à capturer un moment.

Brit – Dès les essais, quand j’ai vu Emma avec les cheveux teints en rose, Darby est apparue. Harris s’est emparé de Bill de la même manière. Le choix semblait évident. Il et elle sont resté·e longtemps dans la peau de cette jeune femme et ce jeune homme. C’est l’un des plaisirs de la série : plutôt que d’habiter un personnage pendant trente jours, on reste avec elle ou lui pendant des mois. Un échange métaphysique peut survenir. On devient cette personne, on prend des décisions dans sa propre vie avec les caractéristiques et les qualités qui lui sont propres (rires).

Quel est votre rapport à l’Intelligence Artificielle dont il est beaucoup question dans Meurtre au bout du monde ? Votre série n’est pas un plaidoyer contre la tech, mais une réflexion sur un monde nouveau.

Brit – Dès le départ, nous imaginions une méditation sur la technologie et la manière dont elle nous apporte beaucoup et nous enlève à la fois. Quand on a commencé la fac, le logiciel de montage Final Cut Pro est devenu accessible sur un ordinateur portable, les caméras ont changé, on pouvait tourner un film plus facilement. Nous sommes devenu·e·s des artistes visuel·le·s grâce aux avancées de la tech. Mais, il existe aussi des dangers que nous pointons. Nous avions déjà frôlé ce sujet dans la deuxième partie de The OA, mais cette fois, nous nous sommes lancé·e·s en voulant mettre en scène un milliardaire de la tech. Pas grand monde ne nous disait que c’était une bonne idée ! Au départ, quand on rendait un scénario avec l’expression “deep fake”, il fallait expliquer de quoi on parlait. Maintenant, ce n’est plus la peine. Au moment du montage, nous avons utilisé cette technologie pour reproduire des voix. Chat GPT 3 venait tout juste de sortir. Il y a eu une collusion entre la réalité et la science-fiction du futur que nous imaginions. Meurtre au bout du monde est devenu la science-fiction du présent.

Vous avez façonné Meurtre au bout du monde avec John Landgraf et la chaîne FX. N’est-ce pas un des derniers espaces créatifs à Hollywood qui refuse la religion des algorithmes ?

Zal – John Landgraf et Gina Balian (respectivement directeur général et présidente de FX, NDLR) ont été très excellent·e·s pour nous accompagner dans l’écriture. C’était un peu comme écrire un roman et avoir un très bon éditeur new-yorkais !

Brit – Je pense que John Landgraf est rare et incroyable. Lors de notre première rencontre via zoom, il a commenté notre idée de façon si profonde, que le projet en a été immédiatement meilleur. Il a relevé ce qui n’était pas formulé, juste inconscient. Il a placé la barre très haut avec beaucoup de compassion. Cet engagement à Hollywood me semble très rare. Le but, pour beaucoup, consiste à plaire au plus grand nombre de façon globale, pour créer un modèle narratif réplicable, rapide, pas cher. Certain·e·s, heureusement, se battent pour que l’art du récit conserve sa fonction, qui est de faire circuler et de créer des idées, tout en gardant une envie de divertissement. Parfois, le monde est tellement compliqué qu’on aimerait juste se brancher en intraveineuse sur un contenu facile. Mais il s’agit de façonner la culture de nos sociétés, plutôt que de servir à tuer le temps.

Zal – Les streamers pensent à l’échelle du monde. Dans ce contexte, il n’a jamais été aussi important d’avoir des gardien·ne·s du temple, capables d’envisager les histoires de notre temps avec une certaine sagesse. Les avancées technologiques en cours nécessitent l’existence de personnes comme John Landgraf ou Gina Balian. On peut voir à quel point le court-terme guide les désirs de nombreuses entités, qui cherchent des formules. C’est un peu triste car sur le long terme, cette approche ne peut pas fonctionner et pourrait détruire l’écosystème qui permet aux récits contemporains de vivre.

Un meurtre au bout du monde est disponible sur Disney +.



Source link : https://www.lesinrocks.com/series/il-et-elle-ont-cree-linoubliable-the-oa-rencontre-avec-brit-marling-et-zal-batmanglij-600695-14-11-2023/

Author : Olivier Joyard

Publish date : 2023-11-14 14:59:06

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Gaza-Israël : 500 personnalités appellent à une manifestation sans revendications ni slogans

Gaza-Israël : 500 personnalités appellent à une manifestation sans revendications ni slogans



À l’initiative de la comédienne belge Lubna Azabal (Le Bleu du Caftan, Incendies, Adam…), par ailleurs présidente du collectif Une autre voix (avec notamment Julie Gayet et Wajdi Mouawad), 500 personnalités médiatiques ont signé une lettre appelant à faire entendre “la voix de l’union” en plein conflit entre Israël et Gaza.

“Aujourd’hui, le monde est dramatiquement divisé. Aujourd’hui, nos rues sont divisées. Une vague immense de haine s’y installe peu à peu et, tous les jours, actes antisémites et violences en tous genres surgissent dans nos vies”, déplore l’actrice.

Le camp de la paix

Pour faire entendre ce refus de “choisir un camp à détester”, le collectif propose une marche ce dimanche de 14 à 19 heures, partant de l’Institut du Monde Arabe en direction du musée d’Art et d’Histoire du judaïsme. Le but de la marche étant d’éviter tout débordements et éclats d’opinions, elle devra être “silencieuse, solidaire, humaniste et pacifique” avec un mot d’ordre clair : ni revendications politiques ni slogans, uniquement des drapeaux et mouchoirs blancs.

Parmi les centaines de signataires, on retrouve Isabelle Adjani, Mona Achache, Juliette Binoche, Christophe Honoré, Leïla Slimani ou encore Samir Guesmi.



Source link : https://www.lesinrocks.com/actu/gaza-israel-500-personnalites-appellent-a-une-manifestation-sans-revendications-ni-slogans-600614-14-11-2023/

Author : Jolan Maffi

Publish date : 2023-11-14 13:07:29

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“Gueules noires”, un film d’horreur dans les mines qui touche le fond

“Gueules noires”, un film d’horreur dans les mines qui touche le fond



D’abord film social, Gueules noires s’ouvre sur le recrutement de jeunes Marocains prêts à tout pour travailler dans les difficiles conditions des mines du nord de la France. La photographie est plutôt belle, la mine semble réaliste, le protocole que suivent les travailleurs avant de descendre est détaillé, convainquant.

Le groupe est alors formé de sept personnages, tous clichés (le jeune raciste, le chef qui veut sauver ses hommes, l’Italien au fort accent, le gros rigolo…) et dont le détail de la caricature est proportionnel à leur temps d’apparition à l’écran. L’ascenseur s’enfonce dans la mine, et ce qui était au mieux un film maladroit en germe, s’apprête à fleurir en parfait nanar.

Tendu comme un épisode de Scooby-Doo

Supposément horrifique, la seconde partie du film consiste en l’enfermement de l’équipe dans une partie profonde de la mine, accompagnée d’un professeur venu faire des recherches (Jean-Hugues Anglade) qui se révélera spécialiste de la civilisation dont provient le monstre. De ce champ des possibles qui s’ouvre avec cette culture entière, il n’en sera rien, si non de pauvres indices pour faire avancer la maigre enquête relative à un mystérieux tombeau. Et alors que les premiers meurtres commencent à révéler quels personnages étaient secondaires, le film prend le virage de l’aventure : lecture d’alphabets inconnus sur les murs, mini-énigmes pour ouvrir des pièces, première rencontre frontale avec la bête.

Mathieu Turi aimerait s’inscrire dans la lignée d’Alien et d’Indiana Jones, mais le design du monstre et la lecture sans difficulté de plusieurs lignes de symboles anciens prêtent plutôt à rire, tant tout le sépare de ses références d’origine. Gueules noires suit alors son programme très prévisible, et se conclut dans un final aussi gênant que paradoxal : à mesure que les derniers survivants essaient de remonter à la surface dans un long tunnel vertical, ils défient les lois de la gravité et parviennent, en s’élevant peu à peu, à toucher le fond.

Gueules noires de Mathieu Turi avec Samuel Le Bihan, Amir El Kacem. En salle le 15 novembre



Source link : https://www.lesinrocks.com/cinema/gueules-noires-un-film-dhorreur-dans-les-mines-qui-touche-le-fond-600641-14-11-2023/

Author : Nicolas Moreno

Publish date : 2023-11-14 11:31:29

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Dorothy Arzner, icône féministe réhabilitée

Dorothy Arzner, icône féministe réhabilitée



En 2021, Elephant Films ressortait deux de ses plus éblouissants longs métrages : Honor Among Lovers et Merrily We Go To Hell. C’est qu’il devenait urgent de redécouvrir Dorothy Arzner, où plutôt de la re-redécouvrir : cinéaste-phare des années 1930 à Hollywood, retraitée à 45 ans et tombée dans l’oubli, elle fut redécouverte dans les années 1970, en pleine effervescence féministe et nostalgie des vieux studios – pour être à nouveau éclipsée au cours des décennies suivantes, perdue pour l’histoire du cinéma. Un comble quand on sait qu’Arzner fut l’une des deux seules femmes réalisatrices de l’âge d’or hollywoodien (avec Ida Lupino), nous rappelle l’éclairant documentaire qui lui est consacré, Dorothy Arzner – Une pionnière à Hollywood.

Liberté rebelle

Présenté au Festival Lumière et diffusé sur la plateforme OCS, le film des sœurs Clara et Julia Kuperberg – défricheuses de trésors cachés et réalisatrices de nombreux documentaires sur Hollywood – répare cette double injustice en retraçant le parcours de cette femme exceptionnelle, anticonformiste et lesbienne. Entrée à la Paramount à 20 ans comme dactylo, avant d’occuper plusieurs postes (montage, scénario), jusqu’à la mise en scène, elle réalisa la plupart de ses films dans cette parenthèse enchantée entre l’arrivée du parlant et la censure de la fin des années 1930.

Nés dans la période “pré-code”, ses principales œuvres font preuve d’une extraordinaire liberté centrée sur le regard féminin, qu’il s’agisse des héroïnes (nombreuses) ou du regard porté sur elles. Danseuses, aviatrices, employées de bureaux peuplent ses films, sous forme de communautés féminines qu’Arzner ausculte comme une entité organique aux liens complexes (Working Girl ou Dance, Girl, Dance, son film le plus connu.)

Constitué d’archives sonores (la voix tendrement féroce de la cinéaste dans deux entretiens donnés en 1970 et 1975), ainsi que de nombreux extraits de films et photos, le documentaire rappelle aussi combien Arzner était une impitoyable observatrice du couple, sapant ce trompe l’œil du mariage, pour en révéler les gouffres (son grand chef-d’œuvre Merrily We Go to Hell) et les injustices ruinant, à travers le système patriarchal, le corps féminin (le sublime Christopher Strong, avec Katharine Hepburn). Son cinéma était “insane” commente l’un des intervenants – c’est à dire fou et hallucinant pour son époque. Cette folie nous parvient aujourd’hui magique et intacte.

Dorothy Arzner – Une pionnière à Hollywood de Clara et Julia Kuperberg. Sur OCS.



Source link : https://www.lesinrocks.com/cinema/dorothy-arzner-icone-feministe-rehabilitee-600632-14-11-2023/

Author : Emily Barnett

Publish date : 2023-11-14 11:59:25

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Ce que l’on sait de la saison 2 de “Mercredi”

Ce que l’on sait de la saison 2 de “Mercredi”



On en sait un peu plus sur la saison 2 de la série phénomène de Netflix produite par Tim Burton, Mercredi. Alors que le tournage de la première saison s’était étendu de septembre 2021 à mars 2022 en Roumanie, Deadline vient d’annoncer que la série se délocalisera vers l’Irlande pour sa deuxième saison.

Si ce tournage dans les Carpates avait vivifié le tourisme du pays, il posait également de nombreux problèmes logistiques pour la production, justifiant ainsi cette relocalisation (pour des raisons similaires, la deuxième saison du Seigneur des anneaux : Les Anneaux de Pouvoir s’était déplacé de la Nouvelle-Zélande au Royaume-Uni). Le média américain ajoute que le tournage devrait débuter à la fin du mois d’avril 2024.

Une saison plus sombre

Après sa diffusion fin 2022, la série phénomène s’est hissée tout en haut du classement des audiences du géant du streaming et est devenue l’un des titres phares du géant du streaming. Particulièrement attendue, cette saison 2 reste pourtant encore bien mystérieuse… Comme le rapporte Deadline, les créateurs de la série Al Gough et Miles Millar ont indiqué que cette deuxième saison nous présentera de nouveaux membres de la famille Addams et se concentrera davantage sur la relation entre Mercredi et sa mère.

Pour cette nouvelle salve d’épisodes, l’actrice principale Jenna Ortega (à qui la série doit beaucoup) sera aussi la productrice exécutive et devrait donc avoir un poids plus important sur les décisions artistiques de la série. En mars dernier, la comédienne révélait que la prochaine saison serait plus sombre et moins axée sur les romances adolescentes. Pour le podcast ArmchairExpert, Ortega était revenue sur plusieurs de ses désaccords avec le scénario de la première saison, notamment en ce qui concerne le triangle amoureux qu’elle juge inintéressant : “Je ne crois pas avoir déjà eu à me bagarrer autant sur un tournage que j’ai eu à le faire sur Mercredi. Rien de ce que fait Mercredi, rien de ce que j’ai eu à jouer, ne faisait sens pour ce personnage. La mettre dans un triangle amoureux ? C’est le monde à l’envers.”



Source link : https://www.lesinrocks.com/series/ce-que-lon-sait-de-la-saison-2-de-mercredi-600650-14-11-2023/

Author : Robin Vaz

Publish date : 2023-11-14 12:17:21

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“Ricardo et la peinture” de Barbet Schroeder : portrait d’une amitié

“Ricardo et la peinture” de Barbet Schroeder : portrait d’une amitié



Un homme plus tout jeune, chargé comme un baudet, crapahute à marée basse au milieu des rochers. Qui est-il ? Que fait-il ? C’est un peintre d’origine argentine qui répond au nom de Ricardo Cavallo et la scène se passe au bord de la Manche, dans le village breton nord-finistérien de Saint-Jean-du-Doigt (l’église se prévaut de posséder un index supposé de saint Jean-Baptiste…), où il s’est installé depuis le début du millénaire, après avoir longtemps vécu à Paris. Ricardo aime le gabbro, cette roche de plus de 350 millions d’année, et il est en train d’aller peindre dans une grotte avec son matériel. Un cinéaste, accompagné de sa petite équipe – le suit : c’est Barbet Schroeder.

À la croisée des arts

Au fil des discussions et des déplacements, nous découvrons que Ricardo Cavallo est un homme hors du commun : par exemple il ne mange quasiment que du riz et des oranges, dort toujours la fenêtre ouverte (quel que soit le temps). Un ascète souriant. Un homme de près de 70 ans à l’allure juvénile. Il lit beaucoup. Le Caravage et surtout Vélasquez sont ses maîtres de prédilection. Il ne s’en lasse pas. Le voici qui va chercher, dans sa collection de livres d’art, des œuvres qui le nourrissent.

Il a aussi fondé, attenante à son logement, une école de peinture et de dessin destinées aux enfants qui est gratuite. Certain·es sont très doué·es. Il a parmi ses amis de longue date un cinéaste, Barbet Schroeder, qui a décidé de tirer son portrait en images mouvantes. Les voici qui devisent des techniques de Ricardo, qui peint des œuvres gigantesques à partir de petites toiles agencées les unes aux autres. Ils vont ensemble dans les musées, et Ricardo décrit les grandes œuvres qu’ils voient et Barbet l’écoute en souriant, passionné.

Une escale au calme

On est d’abord surpris : Schroeder est surtout connu, comme documentariste, pour sa “trilogie de la terreur” (même s’il a aussi tourné un film sur un gorille à qui une scientifique américaine apprenait à parler, Koko le gorille qui parle), trois portraits de gens un peu ou franchement inquiétants, comme le dictateur et président à vie de l’Ouganda, le général Idi Amin Dada (Général Idi Amin Dada : autoportrait, 1974), Maître Jacques Vergès (L’Avocat de la terreur, en 2007), l’avocat sulfureux qui défendit notamment Klaus Barbie, et Ashin Wirathu (Le Vénérable W., en 2016), un moine bouddhiste birman nationaliste et radicalement islamophobe, initiateur de la haine et des crimes contre les Rohingyas…

À chaque fois, Schroeder filmait et laissait parler ses sujets sans les contredire, les montrant sympathiques à l’occasion, misant sur l’intelligence du spectateur, sur sa capacité à mesurer combien le Mal propose souvent un visage sinon avenant, du moins normal.

Ici, tout le contraire. Le cinéaste nous montre un homme bienveillant, féru de peinture, qui ne vit que pour son art et qui ne veut apparemment de mal à personne. Plus encore, il se montre à ses côtés – le film est aussi un film sur l’amitié, l’amitié simple, qui passe par le bavardage, des gestes simples du quotidien, une main sur l’épaule ou le partage d’une orange. Pas de terreur. Que des bons sentiments. Pourtant, Barbet Schroeder ne change pas de technique : il filme et laisse parler Ricardo, au spectateur de s’en faire une idée. Bien sûr, tout le monde se souvient de cette phrase d’André Gide, qui disait qu’on ne fait pas de bonne littérature avec de bons sentiments. Mais quoi de plus beau, émouvant de simplicité que deux vieux amis qui escaladent des rochers, au risque de s’y blesser parce qu’ils ne sont plus tout jeunes, pour aller créer, l’un avec ses pinceaux et ses couleurs, l’autre avec sa caméra et un micro ?

À lire également : un livre pour enfant illustré de François Place, L’enfant, le peintre et la mer, également inspiré par Ricardo Cavallo, à l’École des loisirs, collection “Pastel”, 15 euros.



Source link : https://www.lesinrocks.com/cinema/ricardo-et-la-peinture-de-barbet-schroeder-portrait-dune-amitie-600392-14-11-2023/

Author : Jean-Baptiste Morain

Publish date : 2023-11-14 11:32:36

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Michel Ciment (1938-2023), disparition d’un passionné de cinéma

Michel Ciment (1938-2023), disparition d’un passionné de cinéma



Une voix qu’on écoutait, mêlée à d’autres, le dimanche soir, sur France Inter, dans la fameuse émission, Le Masque et la Plume, à laquelle il participait sans discontinuer depuis le début des années 1970. Une voix qui incarnait des parti-pris qu’on pouvait trouver discutables, voire parfois irritants, mais qui avaient le mérite de leur singularité et qui, en tout cas, ne devaient pas grand-chose à l’air du temps, tant, pour Ciment, la critique de cinéma et la politique des auteur·ices faisaient figure de religion révélée.

Animateur infatigable de la revue Positif, spécialiste de la civilisation américaine, et de ce fait, parfaitement anglophone, correspondant personnel de Stanley Kubrick – il était un des très rares critiques à avoir conversé régulièrement avec un cinéaste presque invisible – et grand spécialiste de Joseph Losey ou d’Elia Kazan, Michel Ciment était un pur produit de la cinéphilie française et plus précisément d’une génération nourrie à la fois au cinéma classique américain et aux Nouvelles Vagues du monde entier qui avaient fleuri dans les années 1960, période où il avait commencé à exercer sa sagacité critique.

Entretiens avec des icônes

Héritier de la querelle historique entre Positif et les Cahiers du Cinéma, Ciment n’avait jamais cessé de ferrailler contre la revue d’André Bazin et de Serge Daney. On peut dire que les Cahiers, dont il était le meilleur ennemi, lui étaient presque aussi indispensables que sa revue Positif, car il savait que ces deux piliers de la cinéphilie française étaient les deux faces d’une même passion pour le cinéma.

Contempteur acharné, voire féroce, de Godard, Rivette, Akerman ou Straub et Huillet – cinéastes totems des Cahiers – il était parti à la recherche d’une modernité alternative représentée par des cinéastes comme Francesco Rosi, Theo Angelopoulos, Jerry Schatzberg, John Boorman, Jane Campion ou Terrence Malick… Des cinéastes avec lesquels, pour la plupart, il s’était souvent entretenu, au point de devenir un vrai spécialiste d’un exercice qui faisait, pour lui, partie intégrante du travail de critique. Plusieurs livres d’entretiens en témoigne, en particulier, Kazan par Kazan ou Le Livre de Losey dans lesquels la grande culture de Ciment lui permettait de parler à la bonne hauteur avec des cinéastes dont la trajectoire était tout de même assez complexe.

La passion éteinte

Pour l’avoir fréquenté régulièrement, en particulier, pendant dix ans (entre 1993 et 2003), à la tribune du Masque et la Plume, j’aimais l’idée d’une sensibilité critique différente de la mienne avec laquelle il était stimulant de se disputer, même s’ils nous arrivaient parfois de tomber d’accord, par exemple, sur Hou Hsiao-hsien ou Wong Kar-wai. Michel Ciment était un “adversaire” critique valeureux et coriace, qui vous mettait en situation de hausser le niveau de votre argumentation et c’était en soi une vraie qualité. Quelle que soit la manière dont on se référait à lui, il faut reconnaître à Ciment une insatiable curiosité pour le cinéma qui, jusqu’au bout, ne s’est jamais démentie.

On peut même parler à son sujet de véritable passion pour la nouveauté, lui qui adorait découvrir, à Cannes ou ailleurs, de nouveaux auteurs qu’il s’efforçait, la plupart du temps, d’inscrire dans une généalogie historique aussi précise que possible. L’érudition et le sens de la polémique étaient, chez lui, inséparables. Sa disparition coïncide avec la fin d’une époque où la critique était encore considérée comme fondamentale. Sans lui, le paysage critique français, voire international, n’aura plus tout à fait le même visage, et nos dimanches soir, plus tout à fait la même saveur.



Source link : https://www.lesinrocks.com/cinema/michel-ciment-1938-2023-disparition-dun-passionne-de-cinema-600647-14-11-2023/

Author : Thierry Jousse

Publish date : 2023-11-14 11:11:31

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Génocide en Palestine : l’art passe à l’action directe

Génocide en Palestine : l’art passe à l’action directe



L’art suit à distance et se demande comment agir, comme citoyen·ne, humain·ne certes, mais aussi plus spécifiquement comme les acteur·rices d’un certain monde et milieu.

À cette autre échelle, le conflit signifiait, il y a quelques jours encore, des initiatives plutôt timides, ou peut-être tout simplement désemparées : des lettres ouvertes, des pétitions, pourtant déjà loin d’être sans impact. Il y a deux semaines, nous nous faisions l’écho, entre ces colonnes, du licenciement du rédacteur en chef d’Artforum, la plus prestigieuse des publications artistiques. David Velasco, à sa tête depuis six ans, avait dû quitter le navire amiral suite à la publication d’une lettre qui appelait au cessez-le-feu et affirmait le soutien des signataires à la libération palestinienne.

L’insupportable silence

En France également, la scène culturelle française avait, durant ces jours-là, commencé à faire circuler une lettre ouverte. D’abord dans une confidentialité relative, sans encore faire apparaître les noms des signataires et s’entourant des conseils d’un avocat. Cette lettre de soutien au peuple palestinien était rendue publique le 7 novembre par une publication dans Le Club de Médiapart. Les quelques 7000 artistes et travailleur·euses de l’art exprimaient leur inquiétude mais surtout, dénonçaient “l’insupportable silence, voire complicité de nos politiques”. La tribune, qui rassemblait encore des signatures après publication via un lien GoogleDoc, était cependant retirée quelques jours après.

Dans ce climat d’une liberté d’expression muselée, d’une propagande débridée sur les réseaux sociaux – le premier conflit à l’ère de l’Intelligence Artificielle ? – l’art passait à l’action directe. La rue, et non les médias, restait ou redevenait l’endroit où se faire entendre. Une nouvelle phase était enclenchée. Le 9 novembre à New York, une centaine de journalistes, regroupé·es sous de nom de Writers Bloc [l’alliance des écrivains] pénétraient dans les bureaux du New York Times pour en occuper le lobby. Durant l’heure que dura l’action, ils et elles avaient notamment distribué aux passant·es un exemplaire factice du journal, The New York War Crimes [le New York Crimes de Guerre] tout en lisant au mégaphone les noms des milliers de palestinien·nes tué·es à Gaza par les frappes d’Israël – dont 36 journalistes.

Action Guggenheim 

Puis, samedi dernier en fin d’après-midi, le Guggenheim Museum à New York était le théâtre d’une autre action. Au cœur de sa rampe, huit artistes et travailleur·euses culturel·les masqué·es y déployaient huit bannières tissées. Ensemble, celles-ci formaient deux images de palestinien·nes pleurant leurs enfants mort·es, avec au centre, l’icône du son coupé. Depuis une décennie, le Guggenheim aura en effet été l’épicentre des protestations et actions menées dans l’espace IRL par le monde de l’art ou ces 99 % qu’on entend rarement – cela commençait durant Occupy Wall Street. Violences économiques dans les années 2010, violences nécropolitiques aujourd’hui : les causes changent, les acteur·ices demeurent.

Édito initialement paru dans la newsletter Scènes du 14 novembre. Pour vous abonner gratuitement aux newsletters des Inrocks, c’est ici !



Source link : https://www.lesinrocks.com/arts-et-scenes/genocide-en-palestine-lart-passe-a-laction-directe-600635-14-11-2023/

Author : Ingrid Luquet-Gad

Publish date : 2023-11-14 10:29:30

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“Vincent doit mourir” : le premier long de Stéphan Castang ne survit pas

“Vincent doit mourir” : le premier long de Stéphan Castang ne survit pas



Un jour comme les autres et sans qu’il sache pourquoi, Vincent (Karim Leklou) devient la cible de son entourage. À son approche, les gens perdent la raison et se mette en quête de le tuer. Alors qu’il il tente de poursuivre une vie normale, le phénomène s’amplifie et commence à toucher des personnes qui lui sont proches. Il doit désormais fuir et changer de mode de vie.

Présenté à la Semaine de La Critique, le premier long métrage de Stéphan Castang commence comme une comédie noire intrigante et laisse présager toute la charge subversive et politique d’un sujet cousin du film de zombie. Mais alors qu’au cœur de son récit, le film se situe à l’embranchement de plusieurs pistes prometteuses (notamment celle d’une communauté vivant à l’écart de la société), il choisit de s’aventurer vers la plus attendue (l’histoire d’amour) de façon extrêmement consensuelle. D’une marge un temps espéré, le récit est alors reconduit, par paresse ou habitude, sur les rails dramaturgiques attendus.

Vincent se prend au piège

Il devient alors particulièrement frappant de constater à quel point Vincent doit mourir porte le symptôme d’un certain cinéma de genre désireux de déborder d’un paysage français supposé plus normatif tout en se déportant, inévitablement, vers le centre. C’est-à-dire, ici, un territoire au fond très conservateur tapissé en arrière-plan par une ironie cocasse permanente, comme si son réalisateur ne croyait pas totalement à ce qu’il racontait, qu’il ne prenait pas totalement au sérieux son film.

Une impuissance que les récentes expérimentations fantastiques françaises porté par Le Règne animal et Acide ont su pourtant parfaitement déjouer précisément par l’usage du genre. Celui-ci devenant l’agent d’une certaine radicalité portée sur notre époque (le premier par une vibrante ode à la désobéissance, le second par une plongée d’une âpreté foudroyante dans une résistance face à l’apocalypse). Ne prônant pour sa part, ni une ouverture au monde ni un repli sur soi, Vincent doit mourir ne fait pas de choix, contourne la question que porte pourtant son enjeu initial et ne parvient à explorer aucune forme véritable, qu’elle soit esthétique ou politique.



Source link : https://www.lesinrocks.com/cinema/vincent-doit-mourir-le-premier-long-de-stephan-castang-ne-survit-pas-600598-14-11-2023/

Author : Ludovic Béot

Publish date : 2023-11-14 09:52:44

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Michel Ciment, critique emblématique de “Positif” et du “Masque et la Plume”, est mort

Michel Ciment, critique emblématique de “Positif” et du “Masque et la Plume”, est mort



Il écrit à Positif dès 1963, avec un texte dédié au Procès d’Orson Welles. Et il ne quittera plus cette revue durant les soixante prochaines années, défendant Luis Buñuel, Andreï Tarkovski ou Federico Fellini, à une époque de vive opposition avec les Cahiers du cinéma. On l’entendra également à la radio, au Masque et la Plume dès 1970, et dans sa propre émission sur France Culture, Projection Privée, de 1990 à 2016. Il nous racontait en détail son travail au long cours en 2014, pour la sortie de son livre Le Cinéma en partage.

La richesse de son œuvre critique tient également à ses livres et entretiens conséquents, avec des cinéastes de renom. Premier à donner une large place à la parole de Martin Scorsese qu’il découvre à la Quinzaine des réalisateurs en 1974, il aura aussi interviewé Stanley Kubrick à de nombreuses reprises. L’année dernière, une édition augmentée de son ouvrage Jane Campion par Jane Campion était ressortie aux éditions Cahiers du cinéma ; tout comme l’édition révisée de son Passeport pour Hollywood (livre d’entretiens avec des réalisateurs de légende parmi lesquels Billy Wilder, John Huston, Roman Polanski ou encore Milos Forman), sous l’égide de Carlotta.

Nous reviendrons plus en détail sur le travail critique de Michel Ciment dans les prochaines heures.



Source link : https://www.lesinrocks.com/cinema/michel-ciment-critique-emblematique-de-positif-et-du-masque-et-la-plume-est-mort-600603-14-11-2023/

Author : Nicolas Moreno

Publish date : 2023-11-14 09:20:14

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Des pierres selon son humeur, des vinyles collectors, Noël avec Charles de Vilmorin et Hyères avec Chanel

Des pierres selon son humeur, des vinyles collectors, Noël avec Charles de Vilmorin et Hyères avec Chanel



Bijoux à composer chez Colombe d’Humières
“Si vous vous sentez étourdi, ajoutez des bijoux, ou changez la couleur de leurs pierres”, indique la notice du kit bijou réalisé par la joaillière Colombe d’Humières.
Connue pour ses pièces en argent massif aux lignes mi-gothiques, mi-fairypunk, la créatrice ayant confectionné des bijoux pour Études ou Maitrepierre révise la sémiotique du kit préado et le mantra punk DIY. Bracelets, bagues ou colliers sont assortis de trois pierres interchangeables permettant d’accompagner les variations d’humeur.
colombedhumieres.com
Pièces à collectionner chez Saint Laurent
Alors que le 5 bis, rue de Verneuil a ouvert ses portes au public, la maison Saint Laurent recrée trois pièces du vestiaire de Serge Gainsbourg et propose, dans le cadre de sa plateforme culturelle Rive Droite, l’édition de plusieurs vinyles collectors. Les albums You’re under Arrest ou Bonnie and Clyde, dont le fameux duo avec Brigitte Bardot, font partie du programme.
ysl.com
Le Noël rêvé de Charles de Vilmorin

Cette année, les Galeries Lafayette invitent le jeune créateur Charles de Vilmorin, connu pour son univers féerique, à s’emparer de leurs vitrines. Il y dessine la Dame étoile, symbole de la nuit comme un clin d’œil aux subcultures nocturnes parisiennes qui inspirent ses collections couture. Cette dernière croise un père Noël longiligne avec veste ceinturée et se retrouve perchée sur le grand sapin du magasin, flottant sous la coupole. Charles de Vilmorin signera également plusieurs collaborations mode et beauté exclusivement pensées pour les fêtes.
Le Noël de mes rêves par Charles de Vilmorin, aux Galeries Lafayette, Paris, du 15 novembre au 31 décembre.
galerieslafayette.com
Chanel défile à Hyères
Depuis mars, Chanel accompagne un dense programme célébrant le centenaire de la Villa Noailles, chef-d’œuvre de l’architecture moderniste niché sur les hauteurs de Hyères, qui fut un centre d’art dès les années 1920 sous l’égide du couple Noailles. Ajoutant un chapitre à l’année de célébrations, Virginie Viard, directrice artistique de Chanel, s’est inspirée des jardins de la villa et de la garde-robe de Marie-Laure de Noailles pour proposer une collection solaire et nocturne fidèle à l’esprit avant-gardiste du lieu.
chanel.com



Source link : https://www.lesinrocks.com/ou-est-le-cool/des-pierres-selon-son-humeur-des-vinyles-collectors-noel-avec-charles-de-vilmorin-et-hyeres-avec-chanel-597834-14-11-2023/

Author : Manon Renault

Publish date : 2023-11-14 08:00:00

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