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L’Express

La France et l’IA : les dessous d’une formidable remontada

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L’ancien patron de Google Eric Schmidt, le PDG de Nvidia Jensen Huang, le cofondateur de Mistral AI, Arthur Mensch… des pointures de la tech migrent ce 17 novembre à Paris pour la grand-messe de Xavier Niel sur l’intelligence artificielle, ai-Pulse. Le signe d’un profond changement d’atmosphère. Malgré ses cadors en maths et en IA, la France avait été un peu prise de court en 2022 par le séisme ChatGPT. Un an plus tard, elle a redressé la barre et est scrutée avec intérêt par la communauté internationale de l’IA.C’est ainsi le seul pays hors-Etats-Unis, dont une entreprise, Mistral AI était conviée à débattre régulation avec la vice-présidente américaine Kamala Harris et le secrétaire général de l’ONU António Guterres lors du sommet international de Bletchley Park. Toutes les autres entreprises invitées à cette table ronde prestigieuse battaient pavillon américain : OpenAI, Meta, Google/Deepmind, Anthropic et Inflection. Avoir placé un maillot tricolore dans la brochette n’est donc pas une mince victoire. Fondé par Arthur Mensch, Timothée Lacroix et Guillaume Lample en avril dernier, la start-up Mistral AI a, il est vrai, vite réussi à s’imposer sur la scène de l’IA : l’entreprise a levé 105 millions d’euros, et élaboré un premier grand modèle de langage. Ce n’est pas le seul “frenchie” à se distinguer dans le secteur. LightOn a eu le flair de pivoter dans l’IA générative dès 2020, et s’est spécialisé dans les solutions aux entreprises.Laboratoires mondiaux et supercalculateurCes derniers mois, d’autres pépites locales se sont retrouvées sous le feu des projecteurs. À commencer par Nabla. Son outil Copilot, capable d’automatiser la prise de notes et la rédaction de comptes-rendus de consultations a pour mission de faire gagner du temps à des médecins débordés par les tâches administratives. Expérimenté par plusieurs hôpitaux en France et au Royaume-Uni, il a déjà convaincu le groupe médical américain Kaiser Permanente qui gère 39 hôpitaux et 600 centres de soin. Citons aussi les français Photoroom, spécialiste de la retouche photo ; Giskard dans la sûreté des IA ou encore Dust, cofondée par Stanislas Polu, ancien ingénieur d’OpenAI, et Gabriel Hubert, ex-chef de produit chez Alan. Même les Américains envisagent désormais plus volontiers d’installer leur base à Paris : c’est le choix qu’ont fait les cofondateurs de Poolside, qui a récemment levé 126 millions de dollars.Pourquoi cet engouement ? Car des laboratoires d’intelligence artificielle de premier plan ont fleuri ces dernières années à Paris. En 2015, c’est l’emblématique Facebook AI Research (FAIR) qui ouvre ses portes dans la capitale sous l’impulsion de Yann LeCun, un des trois “parrains” de l’IA moderne. Et en 2018, le gouvernement a fait des pieds et des mains pour inciter la start-up DeepMind, ainsi que sa maison mère Alphabet (Google), à ouvrir successivement deux autres laboratoires. “Ces centres de recherche en IA ont été décisifs pour garder nos talents en France”, explique Willy Braun, cofondateur du fonds d’investissement dédié à l’amorçage Galion. exe. Sans eux, bon nombre de diplômés des masters prestigieux que la France compte en IA – tels le MVA (mathématique, vision, apprentissage) de Saclay – auraient probablement dû partir à San Francisco, pour trouver des postes à leur niveau.”La puissance de calcul est notre autre force” confiait à L’Express Guillaume Avrin, le coordinateur national de la stratégie sur l’IA début novembre. Grâce à son supercalculateur Jean Zay, la France a déjà fait naître le grand modèle de langage Bloom. Parmi les quelque 800 millions d’euros d’investissements dans l’IA annoncés par le président Emmanuel Macron cet été, 300 millions seront d’ailleurs dédiés à augmenter ces capacités de calcul (dont 50 millions à très court terme pour quadrupler les capacités de Jean Zay). Le nucléaire français et l’énergie décarbonée qu’il offre sont un autre argument auquel la filière IA, dont les besoins vont croissant, peut être sensible.Bien sûr, le fossé entre la France et les US demeure profond dans l’intelligence artificielle. “Le grand challenge, c’est le différentiel de ressources financières”, souligne Franck Sebag, associé du cabinet EY. Si Mistral a récemment levé une centaine de millions d’euros, OpenAI lui a reçu de Microsoft… 10 milliards de dollars. Les nouveaux entrants trouvent cependant des réponses ingénieuses à ce problème de ressources, en s’appuyant notamment sur la communauté open source. “Beaucoup font des progrès étonnants, avec bien moins de ressources que les acteurs initiaux”, nous expliquait Mitchell Baker, président de la Mozilla Foundation. Et cette voix de référence du web et de la sphère open source de préciser : “On n’a pas toujours besoin, ni même intérêt, à utiliser un grand modèle de langage à usage général entraîné sur le meilleur et le pire d’Internet. Dans certains cas, il est préférable d’avoir un outil entraîné sur les données de son entreprise uniquement. Et dans cette branche, les petits acteurs ont toutes leurs chances face aux grands.”Xavier Niel à l’assaut de l’IALa France a donc de belles cartes à jouer. Et avec Xavier Niel, un poids lourd visiblement prêt à mettre des jetons dans la partie. Comme l’explique l’enquête de L’Express publiée mercredi, le trublion des télécoms a lancé son empire Iliad à l’assaut de ce marché en Europe. Ses trois leviers pour y arriver ? D’abord, un laboratoire d’intelligence artificielle doté de 100 millions d’euros dont l’équipe sera présentée dans la journée. Ensuite, Nabuchodonosor, un supercalculateur construit sur un millier de puces sophistiquées (leur prix catalogue est de 36 000 euros chacune). Enfin, son cloud adossé à huit data centers (Scaleway et Free Pro). Des arguments qui permettent de mieux comprendre pourquoi des stars de la tech telles le PDG de Nvidia se pressent à l’évènement du Français.



Source link : https://www.lexpress.fr/economie/high-tech/la-france-nouvelle-star-mondiale-de-lia-lincroyable-remontada-AEBANBA2PBFVRFPTF2EIN2DSLM/

Author : Anne Cagan

Publish date : 2023-11-17 04:53:10

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Guerre Israël – Hamas : Jénine, ce camp de réfugiés cible de Tsahal

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C’est une “icône de la résistance, de la lutte et du défi” pour le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas. Mais “une plate tournante du terrorisme” pour Israël. Le camp de réfugiés de Jénine, en Cisjordanie occupée, est considéré comme l’un des foyers historiques de la résistance armée palestinienne à l’occupation israélienne. Il est particulièrement dans le viseur d’Israël depuis le début du conflit, le 7 octobre, à la suite de l’attaque du Hamas.L’armée israélienne a annoncé ce vendredi 17 novembre avoir tué au moins “cinq terroristes” à Jénine, tandis que le Hamas annonçait la mort de trois de ses combattants “dans la bataille du Déluge d’al-Aqsa à Jénine”. Le ministère palestinien de la Santé a rapporté de son côté “trois morts et 15 blessés, dont quatre dans un état critique”. Un bilan qu’aucune source indépendante n’est en mesure de vérifier.Des véhicules militaires à JénineDans la nuit de jeudi à vendredi, une journaliste de l’AFP a vu des véhicules militaires israéliens s’enfoncer dans les rues du camp de réfugiés de Jénine. Des drones israéliens survolaient la zone alors que des Palestiniens jetaient des pierres et au moins un engin explosif en direction des véhicules. Les soldats ont tiré quelques grenades lacrymogènes avant que des échanges de tirs ne résonnent dans le camp, d’où des colonnes de fumée noire se sont élevées.JénineUne “action antiterroriste” menée le 9 novembreLes soldats israéliens s’en étaient retirés vendredi matin. L’armée a affirmé avoir mené une opération “antiterroriste” dans le camp et découvert des “engins explosifs artisanaux placés sous et au bord des rues pour attaquer les forces de sécurité israéliennes”. Elle a aussi annoncé avoir “frappé une cellule terroriste armée”, évoquant “six armes confisquées” et une quinzaine de “suspects arrêtés”.Le 9 novembre, l’armée israélienne avait déjà expliqué avoir mené une “action antiterroriste au camp (de réfugiés) de Jénine” lors de laquelle “plus de dix terroristes ont été tués” et “plus de 20 suspects recherchés appréhendés”. Parmi eux, deux militants du Djihad islamique qui “tiraient sur” ses soldats ou les “mettaient en danger”, avait-elle affirmé.Les abords de la mosquée emblématique du camp de réfugiés de Jénine sont le théâtre d’une escalade de la violence depuis le début de la guerre entre Israël et le Hamas à Gaza. Les forces israéliennes multiplient les raids, des combattants palestiniens les affrontent dans les rues, et les affiches à l’effigie des “martyrs” se superposent les unes sur les autres.Comme le rappelle France 24, en 2002, lors de la seconde Intifada, Israël avait assiégé le camp pendant plus d’un mois durant une opération militaire en Cisjordanie. Cinquante-deux Palestiniens et 23 soldats israéliens avaient alors été tués dans ces combats. Plus de 400 maisons avaient été détruites, selon l’Agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens (Unrwa), et plus d’un quart de la population s’était retrouvé sans abri.Un camp miné par la pauvretéDans le camp de réfugiés de la ville de Jénine, qui, comme toutes les grandes villes de Cisjordanie, est censée être sous le contrôle unique de l’Autorité palestinienne et de ses forces de sécurité, s’entassent entre 18 000 et 23 000 habitants selon l’ONU, qui le gère. Ce camp, d’une superficie de 0,43 km2 est miné par la pauvreté et le chômage.Il avait été fondé en 1953 pour accueillir une partie des 760 000 Palestiniens qui ont fui ou ont été chassés de chez eux au moment de la création de l’Etat d’Israël en 1948. Avec le temps, les tentes ont été remplacées par des maisons et le lieu ressemble maintenant à un quartier de la ville de Jénine. Ce camp a progressivement échappé au contrôle des forces de sécurité de l’Autorité palestinienne au profit de groupes armés locaux.Parmi ces groupes figure le Djihad islamique, soutenu par l’Iran. Comme le Hamas, ce groupe armé bien implanté à Jénine est considéré comme une organisation terroriste par l’Union européenne et les Etats-Unis. Le Djihad islamique, le mouvement islamiste du Hamas et la branche armée du Fatah du président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas opèrent dans le camp de réfugiés sous l’égide des “Brigades de Jénine”, rappelle France 24.Le 12 juillet 2023, Mahmoud Abbas avait promis de reconstruire ce camp de réfugiés. Les 3 et 4 juillet, la ville de Jénine et le camp de réfugiés avaient été le théâtre d’une opération de 48 heures, la plus importante menée depuis des années par Israël en Cisjordanie.Douze Palestiniens et un soldat israélien avaient été tués lors de ce raid qui a mobilisé des centaines de soldats, des drones et des bulldozers de l’armée israélienne, endommageant des dizaines de maisons, d’écoles et de rues. La dernière visite de Mahmoud Abbas dans le camp de réfugiés remontait à décembre 2004, alors qu’il était candidat à l’élection présidentielle palestinienne après le décès de Yasser Arafat.



Source link : https://www.lexpress.fr/monde/proche-moyen-orient/guerre-israel-hamas-jenine-ce-camp-de-refugies-cible-de-tsahal-WDQZNKTX5VHRTO4WGJZWBTFUQI/

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Publish date : 2023-11-17 10:22:18

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Climat : banquise, permafrost… Les dangers de la fonte des glaces

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Le constat est très inquiétant. Un rapport annuel sur les régions glacées, publié jeudi 16 novembre, montre comment la dégradation des glaciers, des pôles et du permafrost “aura des conséquences rapides, irréversibles et désastreuses dans le monde entier”. Ce bilan, effectué par l’ONG Initiative internationale sur le climat de la cryosphère, insiste sur la nécessité de maintenir le réchauffement climatique à 1,5° maximum au-dessus des niveaux préindustriels.La cryosphère, définie comme l’ensemble des régions du monde recouvertes par la glace au moins une partie de l’année, est particulièrement vulnérable face à la montée des températures, qui cause une fonte des glaces et une acidification des eaux néfaste à la vie marine.Effets pour la cryosphère d’un réchauffement climatique à 1,5° ou 2°”Certaines parties de l’Arctique ou de l’océan Atlantique nord ont atteint des températures 4° à 6° supérieures à la normale”, insiste le rapport. L’ONG fait état d’une année de “désastres climatiques”, et prend pour exemple des records battus à la baisse pour la mer de glace de l’Antarctique, des incendies qui ont touché le permafrost canadien, ou encore la perte de 10 % des glaciers suisses depuis deux ans. “Aucun de ces événements tragiques ne nous a surpris”, affirment sept scientifiques dans leur avant-propos.Les dangers d’un réchauffement de 2°Les scientifiques internationaux à l’origine de cette publication mettent en garde contre les effets d’un réchauffement climatique de 2°C, qui aurait de nombreux effets délétères sur le climat et la biodiversité, provoquerait de potentielles catastrophes climatiques et affecterait les conditions de vie partout sur la planète.Le dégel du permafrost, terme qui désigne les sols dont la température se maintient en dessous de 0 degré pendant plus de deux ans, aurait ainsi pour effet de libérer du dioxyde de carbone et du méthane, des émissions qui contribuent à l’augmentation des températures.Projection de la taille des glaciers en fonction du réchauffement climatiqueSi le réchauffement atteint 2°, la fonte des calottes glaciaires entraînera “une élévation importante, potentiellement rapide et irréversible du niveau des océans”, préviennent les auteurs, qui enjoignent les participants à la COP28 à prendre des décisions pour maintenir le réchauffement climatique à 1,5 degré. Ils appellent à ce titre à établir un plan de sortie des énergies fossiles et à développer des mécanismes financiers, notamment pour soutenir l’action climatique.Réduction de la taille de la banquise depuis 1980La publication de ce rapport, qui a été revu par des dizaines de scientifiques internationaux, intervient quelques jours après que l’ONU a averti que le monde ne parvenait pas à maîtriser la crise climatique.



Source link : https://www.lexpress.fr/environnement/climat-banquise-permafrost-les-dangers-de-la-fonte-des-glaces-XBOQODBOIND45DJNIWC5WYB7LA/

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Publish date : 2023-11-17 09:43:34

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Qu’est-ce qu’un “cessez-le-feu” ? L’Express vous explique tout

Qu’est-ce qu’un "cessez-le-feu" ? L’Express vous explique tout




Cette semaine, Cyrille Pluyette, rédacteur en chef adjoint du service Monde de L’Express, nous explique ce qu’est un cessez-le-feu alors que de nombreux politiques et organisations internationales appellent à l’instaurer entre Israël et le Hamas.RETROUVEZ TOUS LES EPISODES DE LA LOUPEEcoutez cet épisode et abonnez-vous à La Loupe sur Apple Podcasts, Spotify, Deezer, Google Podcasts, Podcast Addict et Amazon Music.Inscrivez-vous à notre newsletter.L’équipe : Mathias Penguilly (présentation), Charlotte Baris (écriture), Léa Bertrand (montage) et Jules Krot (réalisation).Crédits : BFMTV, France Info, France 24, TV5 MondeMusique et habillage : Emmanuel Herschon/Studio TorrentCrédits image : Kena Betancur/AFPLogo : Anne-Laure Chapelain/Benjamin ChazalComment écouter un podcast ? Suivez le guide.Mathias Penguilly : Le cessez-le-feu. La définition de ce terme vous semble évidente, mais sachez que c’est nettement moins clair qu’il n’y paraît. Pour nous éclairer, j’ai fait appel à Cyrille Pluyette, le rédacteur en chef adjoint du service Monde de L’Express.Cyrille Pluyette : Contrairement à des termes comme couloir humanitaire ou crimes de guerre, il n’y a pas de définition légale claire, universellement acceptée. Ni de règles claires sur quand il doit être négocié, ce qu’il doit contenir et comment il doit être appliqué.Pour aller plus loinConférence humanitaire sur Gaza : Macron appelle “à oeuvrer à un cessez-le-feu”Gaza : Netanyahu exclut de nouveau tout cessez-le-feu sans libération des otagesA Gaza, le bombardement des civils doit cesserManifestation à Paris pour un “cessez-le-feu” à Gaza



Source link : https://www.lexpress.fr/podcasts/laloupe/quest-ce-quun-cessez-le-feu-lexpress-vous-explique-tout-I4MBSOEXXRATTJVYOVZVPIYHMY/

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Publish date : 2023-11-17 04:55:56

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Budget allemand censuré : “Il va y avoir un conflit au sein du gouvernement”

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Le coup porté au gouvernement d’Olaf Scholz est rude et risque de créer une nouvelle crise politique chez nos voisins. Dans une décision rendue publique mercredi 15 novembre, la Cour constitutionnelle a estimé que l’exécutif allemand avait contourné les règles budgétaires en allouant un fonds destiné en premier lieu à la lutte contre la pandémie de Covid-19 à un autre fonds consacré à la transformation et au climat. L’addition est lourde : les 60 milliards d’euros ciblés ne pourront plus être utilisés et le gouvernement va devoir rogner sur son budget. En Allemagne, une règle, appelée “frein à l’endettement”, régit l’utilisation des recettes et la gestion des dépenses. Il plafonne à 0,35 % du PIB le déficit budgétaire annuel autorisé, limitant ainsi les écarts. La justice considère que la redirection du fonds Covid est contraire au “frein à l’endettement”.Pour l’économiste Marcel Fratzscher, président de l’Institut de recherche économique de Berlin, si cette décision devrait avoir de lourdes conséquences politiques, le gouvernement allemand ne devrait toutefois pas avoir de mal à trouver une solution de secours. Il estime par ailleurs que cela devrait être le moment pour réformer la règle du “frein à l’endettement”, au vu des besoins futurs de transformation du pays dans les domaines du climat, du numérique ou encore de l’éducation.L’Express : Quelle est l’importance de cette décision de la Cour constitutionnelle allemande ?Tout d’abord, le gouvernement allemand aura 60 milliards d’euros – 1,5 % du PIB -, en moins à dépenser, en particulier dans le domaine du climat et de la transformation. Mais dans l’immédiat et pour les prochains mois, il n’y a pas de menace. Il faudra qu’il décide à un moment ou à un autre de recourir à une autre exemption du “frein à l’endettement” l’année prochaine. C’est une option qui consiste à dire : “D’accord, nous faisons une exception, car nous avons besoin des 60 milliards qui ne sont pas disponibles dans le cadre du budget”.Cette prise de position était-elle inattendue ?Oui, car il y a déjà eu des cas dans le passé où des personnes ont poursuivi le gouvernement devant la Cour constitutionnelle au regard du “frein à l’endettement”. Jusqu’à présent, la Cour constitutionnelle s’était toujours rangée de son côté. C’est donc une surprise qui constitue une atteinte à la réputation du gouvernement. L’utilisation de ce fonds est vue comme de l’incompétence. C’est certainement une victoire pour le parti conservateur, dont les membres ont intenté un procès. Il est important de se rappeler que le débat sur le financement des besoins de transformation futurs est très controversé en Allemagne.Que dit cette décision sur la politique budgétaire allemande ?Avec le recul, il montre que notre gouvernement a dépensé beaucoup d’argent. Les Allemands ont tendance à oublier qu’il n’y a pratiquement aucun autre pays dans le monde, à part peut-être les Etats-Unis, qui a distribué autant d’argent pendant la pandémie et désormais avec la crise de l’énergie. Une grande partie de ces fonds n’est pas allée aux citoyens, mais aux entreprises. 60 milliards d’euros, ce n’est pas rien, mais c’est peu par rapport à tout ce qui a été dépensé ces trois dernières années.Pour ce qui est de l’avenir, il y aura un conflit au sein du gouvernement. Le ministre des Finances et chef du parti libéral, Christian Lindner, est probablement assez satisfait de cette situation parce qu’il pense qu’il va pouvoir montrer qu’il est ferme et dire : “Nous devons économiser”. Il veut profiter de cette occasion pour signaler sa rigueur, même si, d’une certaine manière, il est le principal responsable de ce fiasco.Cet épisode illustre-t-il l’ordolibéralisme allemand ?La Cour constitutionnelle n’a pas dit qu’il fallait mener telle ou telle politique. Elle a simplement conclu que ce n’était pas conforme aux règles. Cela déclenche en revanche un débat encore plus intense sur ce que nous allons faire du frein à l’endettement. Est-il encore opportun ? Est-il encore judicieux alors que l’économie allemande est à la traîne sur d’importants projets de transformation, sur le numérique, la protection du climat, l’énergie, ou encore l’éducation. L’industrie, elle, est en difficulté.Est-ce le moment d’avoir une politique encore plus restrictive ? Il est important de faire la distinction entre les politiques budgétaires structurelles et le soutien à la crise. En ce qui concerne le soutien à la crise, le gouvernement allemand est allé très loin et a apporté une aide considérable. Pour les dépenses structurelles, le gouvernement allemand n’a pas été bon, tout comme ses prédécesseurs au cours des 20 dernières années.En quoi cette décision différencie-t-elle l’Allemagne de la France ?Je ne pense pas qu’il y ait une grande différence. La France est assez responsable. Chaque gouvernement est confronté à une décision très difficile, qui consiste à limiter les dépenses ou, du moins, à ne pas trop augmenter la dette publique. Et les niveaux de dette publique ont augmenté partout en Europe au cours des trois dernières années, y compris en Allemagne. D’autre part, il faut investir dans l’avenir.En ce sens, nos deux gouvernements luttent chacun à leur manière. Le gouvernement français est parfois plus courageux, par exemple avec la réforme des retraites, qui est plus urgente en Allemagne qu’en France. Nous, nous avons un problème démographique beaucoup plus important. L’Allemagne a également besoin de grandes réformes en matière de fiscalité, de sécurité sociale, comme je l’ai dit. Et ces réformes ne se font pas.Cela va-t-il compromettre la transition énergétique souhaitée par le pays ? Le gouvernement allemand doit maintenant trouver 60 milliards d’euros…Les ministres des Finances allemands sont très créatifs. Il y a quatre semaines, le ministre allemand a déclaré qu’il n’y avait plus d’argent pour financer le plan d’action national allemand pour la garantie de l’enfance. Il s’agit d’un programme visant à réduire la pauvreté des enfants et à redéfinir les allocations familiales. Il y a eu un grand conflit au sujet de seulement 4 milliards d’euros par an.Or la semaine dernière, le gouvernement a déclaré qu’il allait réduire les coûts de l’énergie pour les entreprises de l’ordre de 10 milliards d’euros par an au cours des prochaines années. Et le ministre des Finances a déclaré : “Oh, je viens de trouver 10 milliards supplémentaires dans mon budget”. Cela témoigne donc d’une grande créativité… J’ai l’impression que le gouvernement va essayer d’esquiver la balle que la Cour suprême lui a tirée dessus en disant : “Ecoutez, ce fonds pour le climat et la transformation dispose encore d’argent. Il génère des revenus, par exemple grâce à la taxe sur le CO2, et il n’est donc pas nécessaire de réduire les dépenses dans l’immédiat.”



Source link : https://www.lexpress.fr/economie/budget-allemand-censure-il-va-y-avoir-un-conflit-au-sein-du-gouvernement-RFN65BZTMBDCHKRL2NJ2KUM55U/

Author : Thibault Marotte

Publish date : 2023-11-17 08:24:43

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Rencontres de Saint-Denis : ces partis qui boudent Emmanuel Macron

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“Les absents ont toujours tort”. Emmanuel Macron retrouve, ce vendredi matin, les chefs de partis qui ont répondu présent pour les deuxièmes “rencontres de Saint-Denis” avec la ferme intention de montrer aux oppositions ayant décliné l’invitation qu’elles ont raté le coche.Comme le 30 août, lors de la première édition, cet exercice très macroniste destiné à “créer du consensus” dans un pays fracturé se tiendra à la Maison de l’éducation de la Légion d’honneur, à deux pas de la basilique où reposent les rois de France, aux portes de Paris. Au menu des discussions : la situation à Gaza et en Ukraine, l’élargissement du référendum aux sujets de société, la décentralisation et de possibles réformes constitutionnelles sur le statut de la Corse et de la Nouvelle-Calédonie.Tous les chefs de partis avaient fait le déplacement pour la première édition, ainsi que pour une rencontre à l’Elysée après l’attaque du Hamas contre Israël. Mais, cette fois-ci, Eric Ciotti (Les Républicains), Olivier Faure (Parti socialiste) et Manuel Bompard (La France Insoumise) ont opté pour la politique de la chaise vide.Monsieur le Président,
Voici les raisons pour lesquelles je ne me rendrai pas à votre invitation demain. pic.twitter.com/f0oqBnXclO— Olivier Faure (@faureolivier) November 16, 2023Les Républicains seront néanmoins représentés par le président du Sénat, Gérard Larcher, invité au même titre que la présidente de l’Assemblée, Yaël Braun-Pivet. Côté opposition, seuls Marine Tondelier (Europe Ecologie Les Verts), Fabien Roussel (Parti communiste français), Jordan Bardella (Rassemblement national), Hervé Marseille (Union des démocrates et indépendants) et Guillaume Lacroix (Parti radical de gauche) ont accepté d’honorer le rendez-vous présidentiel. Le chef de l’Etat pourra aussi compter sur ses alliés, Stéphane Séjourné (Renaissance), François Bayrou (MoDem), Edouard Philippe (Horizons), Laurent Hénart (Parti radical).Une “obsession du palabre sans lendemain”Chez Les Républicains, le patron du parti, Eric Ciotti, a accusé Emmanuel Macron d’alimenter la crise démocratique. Après avoir “accordé le bénéfice du doute” lors des premières rencontres, Eric Ciotti refuse désormais d’être “caution d’une nouvelle séquence de narration qui n’aboutira à rien”, fustigeant une “obsession du palabre sans lendemain”.”En démultipliant les initiatives extérieures au champ institutionnel, vous participez à les affaiblir et à nourrir la crise de la démocratie”, a-t-il estimé dans une lettre ouverte dont l’AFP a obtenu copie. La discussion “doit être publique, soit au Parlement, où le peuple délègue ses représentants, soit directement avec le peuple lui-même par référendum”, insiste-t-il.”Vous êtes le président de la République française et vous devez en respecter les institutions”, écrit le député des Alpes-Maritimes, dont l’absence à Saint-Denis a été décriée par le chef de l’Etat comme “une faute politique”.A gauche, le Premier secrétaire du PS Olivier Faure dénonce “une mise en scène”, quand chez LFI on évoque “un exercice monarchique” visant à contourner le Parlement. Des jugements négatifs sur l’exercice aussi portés par 61 % des Français, selon un sondage Odoxa pour Le Figaro.Des “exercices sans fin”La nouvelle rencontre de Saint-Denis doit montrer que les demandes des partis politiques ont “été entendues” et “qu’une suite leur a été donnée”, indique le porte-parole du gouvernement Olivier Véran.La première réunion avait débouché sur une conférence sociale sur les bas salaires et un débat au Parlement sur la situation internationale. Trop peu, a déploré jeudi Jordan Bardella dans une lettre adressée à Emmanuel Macron, affirmant que “ces exercices sans fin masquent de moins en moins l’inertie présidentielle”.Avec ceux qui seront présents vendredi, “on peut s’entendre sur le fait que la démocratie est usée, contestée” et sur les moyens de “réparer le lien” avec les Français, assure le porte-parole de Renaissance, Loïc Signor.



Source link : https://www.lexpress.fr/politique/rencontres-de-saint-denis-ces-partis-qui-boudent-emmanuel-macron-QJ2JAWRU4ZHYXLYXI7V2I6OICQ/

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Publish date : 2023-11-17 08:27:03

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Guerre en Ukraine : Zelensky constate une baisse des livraisons d’obus et de missiles

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Faits essentiels⇒ Une baisse des livraisons d’obus et de missiles⇒ Des opérations ukrainiennes “réussies” sur la rive du Dniepr⇒ Un nouveau poste frontalier polonais bloquéBaisse des livraisons d’armes depuis le conflit Israël – HamasLe président ukrainien Volodymyr Zelensky, qui s’est exprimé jeudi 16 novembre devant des journalistes étrangers, a fait état d’une baisse des livraisons d’obus et de missiles à l’Ukraine depuis le déclenchement du conflit entre Israël et le Hamas le 7 octobre dernier. “Au Moyen-Orient, que pensez-vous qu’ils aient commencé à acheter en premier ? Les (obus de) calibre 155. Nos approvisionnements ont diminué”, a-t-il déclaré, tandis que le pays se prépare à vivre un deuxième hiver de conflit.Après l’attaque du Hamas, les Etats-Unis, principaux pourvoyeurs de matériel militaire à l’Ukraine, se sont en effet engagés à fournir davantage d’armes à l’armée israélienne, qui effectue depuis des frappes quotidiennes sur la bande de Gaza.The geography of our cooperation to strengthen Ukraine’s air shield is very wide.

Not everything can already be revealed, but one thing is certain: Ukraine is constantly getting stronger. Our air defense capabilities are increasing.

Of course, they do not yet provide complete… pic.twitter.com/2NKbc5eKJG— Volodymyr Zelenskyy / Володимир Зеленський (@ZelenskyyUa) November 16, 2023Des opérations “réussies” sur la rive occupée du DnieprL’armée ukrainienne a annoncé vendredi avoir mené “une série” d’opérations “réussies” sur la rive gauche du fleuve Dniepr, occupée par les forces russes dans le sud du pays.”Les forces de la défense ukrainiennes ont mené une série d’actions réussies sur la rive gauche du fleuve Dniepr” dans la région de Kherson (sud), a indiqué sur Facebook le commandement des marines ukrainiens.Un nouveau poste frontalier polonais bloquéLe poste frontalier de Myka, situé dans le sud-est de la Pologne, devrait être bloqué à partir de lundi par plusieurs organisations de routiers polonais, a annoncé jeudi l’un de leurs représentants. Le même jour, le ministère ukrainien des Infrastructures avait annoncé l’échec des négociations entre les deux pays pour débloquer les trois postes frontaliers fermés depuis trois semaines, bloquant la quasi-totalité des trafics de marchandises entre les deux pays.”Nous attendons un nouveau tour de négociations avec les gouvernements polonais et ukrainien. Nous ne sommes pas contents avec la vitesse à laquelle elles se déroulent”, a ajouté l’un des organisateurs du mouvement. Le ministère ukrainien n’a pas précisé si une nouvelle session de discussions était prévue dans les prochains jours.Depuis le 6 novembre, plusieurs dizaines de compagnies de transport polonaises ont organisé ce blocage pour réclamer notamment la restauration de permis d’entrée pour les routiers ukrainiens, une obligation levée par l’Union européenne. Les chauffeurs polonais accusent leurs voisins de “concurrence déloyale”.L’OTAN réaffirme son soutien à l’UkraineInterrogé jeudi sur le blocage de l’aide à l’Ukraine au Congrès américain, le secrétaire général de l’OTAN Jens Stoltenberg a réaffirmé le soutien de l’organisation à l’Ukraine, et la nécessité de tous ses pays membres de maintenir leurs engagements contre la Russie.”C’est un intérêt de sécurité nationale pour tous les pays de l’Otan et donc aussi pour les Etats-Unis, d’empêcher le président Poutine de gagner en Ukraine”, a-t-il déclaré. Certains élus du parti Républicain s’opposent en effet au déblocage de fonds à destination du pays, remettant en question l’aide américaine.Trois morts dans des frappes sur KhersonLe bilan des attaques russes de jeudi sur la ville de Kherson s’élève désormais à trois morts et une dizaine de blessés, touchés par différentes frappes. Libérée il y a un an par les forces ukrainiennes après des mois d’occupation, la ville n’a jamais cessé d’être touchée par des frappes russes, quasi quotidiennes.Deux citoyens russes condamnés, une arrestationTrois citoyens russes ont fait jeudi l’objet de condamnation ou d’arrestation concernant leur positionnement sur la guerre qui oppose leur pays à l’Ukraine. Arrêtée en mars 2022 pour avoir remplacé les étiquettes de prix d’un magasin russe par des messages de soutien à l’Ukraine, l’artiste Alexandra Skotchilenko a été condamnée à sept ans de détention. Dans un communiqué, l’ONG Amnesty International a déclaré que cette affaire était “emblématique de la répression du Kremlin contre la société civile russe”.Les services de renseignements russes, le FSB, ont annoncé le même jour l’arrestation d’une ancienne fonctionnaire accusée de transferts d’argent au profit de l’Ukraine. Elle aurait depuis mai 2018 réalisé “plus de 60 virements pour un total de plus de 330 000 roubles (environ 3 400 euros, NDLR) sur des comptes bancaires ukrainiens”, et encours 20 ans de prison pour “haute trahison”.




Source link : https://www.lexpress.fr/monde/europe/guerre-en-ukraine-zelensky-constate-une-baisse-des-livraisons-dobus-et-de-missiles-2EENO5K3KVA5DNF76FRJ4V76IE/

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Publish date : 2023-11-17 07:50:21

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Pedro Sanchez reconduit : en Espagne, un régime politique à bout de souffle

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Il aura donc fallu quatre mois à l’Espagne, qui préside actuellement l’Union européenne, pour se doter d’un gouvernement. Quatre mois d’invectives sur l’avenir judiciaire à réserver aux indépendantistes catalans, auteurs d’une sécession clownesque en 2017, pour que le socialiste Pedro Sanchez soit finalement reconduit au pouvoir par un vote d’investiture à très courte majorité de trois voix, jeudi 16 novembre.Sanchez “rempile” donc, au prix d’une amnistie dont la constitutionnalité reste à démontrer – seul moyen, selon la gauche, de rétablir le dialogue entre Madrid et Barcelone, afin de reconnaître définitivement le fait indépendantiste et permettre à la Catalogne de gagner en autonomie, tout en entérinant son appartenance immuable à l’Espagne. L’argument tient la route, à ceci près que ladite amnistie répond d’abord à un calendrier politique. Il y a encore six mois, Pedro Sanchez jurait qu’il ne se résoudrait jamais à pareille solution.Aucun débat de fondQuant à la droite, elle possède un certain culot à dénoncer un “coup d’Etat”, elle qui a tendu la main aux mêmes indépendantistes, cet été, et bloque depuis cinq ans le renouvellement des instances nationales du pouvoir judiciaire. Ce faisant, les Espagnols n’ont eu droit à aucun débat de fond sur les sujets qui les préoccupent, l’inflation, le logement, la santé, le climat… A la place, ils ont assisté à la déliquescence d’une monarchie parlementaire à bout de souffle.Arrivées à égalité aux législatives du 23 juillet, droite et gauche ont déroulé (comme en 2016 et 2019, où les Espagnols avaient fini par revoter) le scénario indigne qu’impose un système politique à la proportionnelle donnant place aux petits partis, parfois les plus radicaux.Rafraîchir la ConstitutionIndigne, le Parti populaire (PP) d’Alberto Núñez Feijóo, toujours empreint de nostalgie franquiste, et marié à Vox, la formation d’extrême droite créée par des transfuges sortis de ses propres rangs pour tenter de prendre les rênes du pays. Il a échoué fin septembre et défile maintenant dans la rue pour contester les résultats du scrutin.Indigne aussi, le Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE), qui a opéré un virage à 180 degrés sur l’amnistie, pour chercher à son tour à réunir une majorité autour de lui. Les voix de l’extrême gauche, rassemblées sous la bannière de Sumar, n’y suffisaient pas. Dans ce contexte, il y a peu à parier sur la longévité du nouveau gouvernement, qui va pouvoir s’attaquer aux vrais problèmes du pays. Et rafraîchir la Constitution de 1978, qui en a manifestement grand besoin.



Source link : https://www.lexpress.fr/monde/europe/pedro-sanchez-reconduit-en-espagne-un-regime-politique-a-bout-de-souffle-QWT5B72TN5BMJE56U5EARCDTSQ/

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Publish date : 2023-11-17 07:29:59

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Sofi Oksanen : “La poésie n’est pas d’une grande aide face à un tank russe”

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Les années passent et, en apparence, Sofi Oksanen ne change pas : face à nous, dans les bureaux de son éditeur français (Stock), elle a toujours son look à la Amy Winehouse. Sur le fond, en revanche, elle a évolué. La guerre en Ukraine lui a fait délaisser le roman pour l’essai. Dans Deux fois dans le même fleuve, elle consacre des pages glaçantes aux crimes sexuels des soldats de Poutine, et les inscrit dans la longue histoire d’une Russie impérialiste – “colonialiste”, selon ses mots. Le tout en nous renvoyant souvent, nous Occidentaux, à notre cécité. Entretien.L’Express : Vous nous tenez vraiment pour des aveugles ?Sofi Oksanen : Laissez-moi vous le démontrer par une digression… J’ai toujours voulu écrire, mais quand j’étais enfant, je ne savais pas sur quoi j’allais écrire. L’histoire de l’URSS, de la Russie et de l’Estonie me passionnaient. Au début des années 2000, j’ai remarqué que les vents politiques changeaient en Russie. Et j’avais l’impression qu’en Finlande les gens de ma génération ne s’en rendaient pas compte – parlons clairement : ils s’en foutaient.Dès mon premier livre, Les Vaches de Staline (2003), j’ai parlé du passé soviétique de l’Estonie en voulant faire comprendre aux Occidentaux l’essence de l’impérialisme russe. Quand la journaliste Anna Politkovskaïa a été assassinée en 2006, ça a fait quelques vagues mais ça n’a pas suffi à ouvrir les yeux des gens. Puis il y a eu les cyberattaques en Estonie en 2007, l’annexion de la Crimée en 2014, et enfin l’invasion de l’Ukraine en 2022… Lorsque je parle à de prétendus experts de la Russie des cyberattaques contre l’Estonie, ils s’en souviennent parfois à peine, alors que tout était déjà là : le mépris des voisins et la rhétorique fasciste. Personne n’a bien analysé ça, j’y vois pour ma part un point de départ. Mais les Russes avaient déversé des flots d’argent partout, à Londres et ailleurs, et beaucoup de gens avaient intérêt à rester aveugle…Vous évoquiez dans Purge les crimes sexuels commis dans l’Estonie soviétique, que l’on retrouve en Ukraine aujourd’hui. Comment expliquez-vous cette répétition de l’histoire ?Les crimes sexuels font partie du cahier des charges du colonialisme. La Russie n’est jamais considérée comme une puissance coloniale, et ceci est une des clefs de l’incompréhension occidentale. Quand vous partez de ce principe, tout s’éclaire : Poutine et les Russes ne sont pas fous, ils se conduisent juste comme une puissance coloniale.Selon vous, impérialisme et misogynie vont de pair ?Absolument. Naguère, l’URSS avait de bons outils pour se répandre – le meilleur d’entre eux étant l’illusion communiste, très jolie sur le papier, moins dans la réalité. La religion orthodoxe étant plus difficile à transmettre, ils avaient besoin d’autre chose, et il faut reconnaître que la misogynie et l’homophobie sont fédératrices – dans toutes les sociétés, vous avez des gens misogynes et homophobes. Même en France, où l’égalité est très défendue, le virilisme russe peut séduire.Vous écrivez dans votre livre que les femmes russes sont solidaires des crimes de leurs maris, frères ou enfants…Tout d’abord, une bonne patriote doit soutenir son mari et le régime. La loyauté est importante. Et je vous rappelle qu’historiquement les femmes ne trouvaient pas l’esclavage plus problématique que les hommes. Les Russes estiment que les Ukrainiens sont des êtres humains inférieurs, et voient l’Ukraine comme une colonie qui doit se soumettre et à laquelle on peut prendre ce qu’on veut. Cela explique d’ailleurs souvent la violence des soldats russes à travers l’histoire : ils pensent arriver chez des gens arriérés, tombent sur des gens qui ont plus de moyens qu’ils ne pensaient – et l’envie attise la haine.Partagez-vous l’avis de Timothy Snyder décrivant le régime russe comme “schizo-fasciste” ?Tout à fait : la Russie décrit tous ses opposants comme “fascistes” alors que, s’il y a un pays qui l’est sur notre continent, c’est bien elle. J’ai eu le sentiment qu’en Occident on trouvait folklorique Poutine quand il disait vouloir “dénazifier” l’Ukraine. Je pense au contraire qu’il faut prendre sa rhétorique au sérieux. Ces dernières années, en France, vous aviez de belles âmes qui voulaient maintenir un dialogue avec la Russie. Mais le dialogue avec la Russie de Poutine est un écran de fumée.On connaît votre admiration pour Svetlana Alexievitch, que vous évoquez dans votre essai. Quels sont les livres ou auteurs que vous nous conseilleriez pour sortir de notre aveuglement ?En premier lieu, Ukraine : The Forging of a Nation de Yaroslav Hrytsak. C’est un excellent livre sur l’histoire de l’Ukraine, très accessible. Et tout le monde devrait lire Famine rouge d’Anne Applebaum, qui raconte le Holodomor, cette famine orchestrée par les Soviétiques en Ukraine au début des années 1930, et qui avait tué 4 millions de personnes, soit 10 % de la population ukrainienne de l’époque. C’est un événement majeur du XXe siècle, un véritable génocide, mais il a savamment été occulté par Staline. La famine est un outil politique dont les Russes se servent encore en ce moment même en détruisant les champs. Pour qui connaît l’histoire, ce n’est pas une surprise. Rien de ce qui se passe actuellement n’est nouveau…Parlons un peu de vous. Quelle est votre situation en Russie ? Vos livres y sont interdits ?Oh, je ne suis plus allée en Russie depuis 2010, et le moins que l’on puisse dire est qu’il ne m’est pas conseillé d’y retourner… Purge avait été publié en Russie, mais ça avait été tout un roman… Au début, on m’avait juste acheté les droits, ça allait. J’avais rencontré l’éditeur : intelligent, gentil, rien à redire. Puis, quand j’avais reçu les épreuves, ça s’était corsé. Avant le texte proprement dit il y avait un avertissement disant que je décrivais à longueur de pages les Russes comme des ivrognes, tous “saouls comme des cochons” – ce qui n’était même pas vrai ! J’avais pu faire enlever cette mise en garde, avant de m’apercevoir que la traduction était mauvaise, très aléatoire, et qu’il manquait des chapitres… Puis le livre avait été très mal distribué, les libraires qui le demandaient avaient eu du mal à le recevoir. J’ignore à quoi ressemble la littérature qui se publie en Russie depuis dix ans. J’imagine que celle qui a un peu de visibilité est solidaire du régime et tient du soft power…Avez-vous un projet de roman en ce moment ou la situation actuelle vous condamne durablement à la non-fiction ?Mon dernier roman, Le Parc à chiens (2019), parlait déjà de l’Ukraine. J’ai un roman en chantier mais cela demande du temps et du calme, un certain confort. En 2023, l’essai est une forme plus nécessaire, qui peut épouser l’urgence de la crise. Comme le dit la poétesse ukrainienne Halyna Kruk : “Les métaphores et la poésie ne sont pas d’une grande aide face à un tank russe.”Dans un monde où les réseaux sociaux valorisent l’émotion, la littérature reste-t-elle malgré tout le refuge de la pensée ?Je ne critique pas ceux qui, en Europe, ne sont pas confrontés à la guerre en Ukraine : ils ont des journées chargées et n’ont pas le temps d’étudier la question. Mais les informations ont tendance à s’arrêter aux tanks et aux bombardements, et à évacuer l’analyse. S’interroger sur la permanence du viol comme crime de guerre, sur les racines profondes de ce conflit, sur les questions civilisationnelles qu’il pose et sur les répercussions qu’il aura pendant des décennies : voilà ce qui m’a poussée à écrire cet essai.Deux fois dans le même fleuve. La guerre de Poutine contre les femmes, par Sofi Oksanen, trad. du finnois par Sébastien Cagnoli. Stock, 302 p., 21,90 €.



Source link : https://www.lexpress.fr/culture/livre/sofi-oksanen-la-poesie-nest-pas-dune-grande-aide-face-a-un-tank-russe-4WRFRYYXFJGFPDDBXPH5QJJBOM/

Author : Louis-Henri de La Rochefoucauld

Publish date : 2023-11-17 06:52:10

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Gaza : l’armée israélienne annonce avoir retrouvé la dépouille d’une soldate otage

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Faits essentiels⇒ Tsahal annonce avoir retrouvé la dépouille d’une soldate otage⇒ La traque se poursuit dans l’hôpital al-Chifa⇒ Blinken demande des mesures “urgentes” contre la violence des colonsTsahal a retrouvé la dépouille d’une soldate otageL’armée israélienne annonce avoir retrouvé la dépouille d’une soldate otage à Gaza. Il s’agit de Noa Marciano, une soldate de 19 ans otage du Hamas à Gaza. “Le corps du caporal Noa Marciano, soldat de Tsahal, qui a été enlevé par des terroristes du Hamas le 7 octobre, a été extrait par les troupes de Tsahal d’une structure adjacente à l’hôpital al-Chifa dans la bande de Gaza et a été ramené en Israël”, a déclaré sur Twitter Ofir Gendelman, porte-parole de Benyamin Netanyahou auprès du monde arabe.Des mesures “urgentes” contre la violence des colonsLe chef de la diplomatie américaine Antony Blinken a appelé jeudi Israël à prendre des mesures “urgentes” pour mettre fin aux violences des colons contre les Palestiniens en Cisjordanie. Antony Blinken, qui se trouve à San Francisco pour un sommet Asie-Pacifique, a lancé cet appel lors d’une conversation téléphonique avec Benny Gantz, un dirigeant de l’opposition israélienne qui a rejoint le cabinet de guerre du Premier ministre Benyamin Netanyahou.Le ministre a “souligné la nécessité urgente de prendre des mesures concrètes pour désamorcer les tensions en Cisjordanie, notamment en s’attaquant aux niveaux croissants de violence de la part des colons extrémistes”, a déclaré le porte-parole du département d’État américain, Matthew Miller.La traque dans l’hôpital al-Chifa se poursuitL’armée israélienne intensifie ce vendredi sa traque de repaires du Hamas présumés cachés à al-Chifa, le plus grand hôpital de Gaza, territoire palestinien où la situation humanitaire inquiète et où les télécommunications sont désormais hors service, faute de carburant.Un responsable de l’armée israélienne a annoncé que les soldats procédaient “à la fouille de chaque étage, bâtiment après bâtiment alors que des centaines de patients et de membres du personnel médical se trouvent encore dans le complexe”. “Nous nous focalisons sur ce qu’il y a sous terre, y compris dans les hôpitaux. A ce titre, nos soldats ont découvert l’entrée d’un tunnel à l’hôpital al-Chifa et des ingénieurs militaires sont actuellement en train de déterrer l’infrastructure sur place”, a indiqué tard jeudi soir le porte-parole Daniel Hagari.Washington contre les frappes visant des hôpitauxLes Etats-Unis se sont déclarés jeudi “profondément préoccupés” par la frappe qui a touché l’hôpital militaire jordanien à Gaza et blessé sept personnes, se disant opposés à des frappes aériennes sur des hôpitaux.Le secrétaire d’Etat américain Antony Blinken s’est entretenu par téléphone avec le ministre jordanien des Affaires étrangères “pour lui faire part de sa profonde inquiétude concernant le personnel médical jordanien blessé à l’extérieur de l’hôpital de campagne jordanien alors qu’il prodiguait des soins médicaux essentiels à Gaza”, a fait savoir le département d’État. Le chef de la diplomatie américaine “a réitéré que les civils et le personnel médical dans les hôpitaux doivent être protégés”, selon un communiqué.Le corps d’une otage retrouvé près d’al-ChifaL’armée israélienne a annoncé jeudi avoir découvert, près de l’hôpital al-Chifa de Gaza, le corps d’une otage enlevée par le Hamas lors de l’attaque du 7 octobre en Israël et assassinée, selon elle, par le mouvement islamiste palestinien.Le corps de cette femme, enlevée dans le kibboutz de Beeri, “a été extrait par les troupes de l’armée israélienne d’une structure adjacente à l’hôpital al-Chifa dans la bande de Gaza et a été transféré en territoire israélien”, a précisé un communiqué de l’armée. La victime est identifiée par l’armée comme se nommant Yehudit Weiss.Otages : le ministre des Armées a de “l’espérance”Le ministre français des Armées, Sébastien Lecornu, a déclaré avoir de “l’espérance” concernant le sort des otages français retenus par le Hamas, après avoir fait le point jeudi au Qatar sur les discussions en cours.”Cette halte ici au Qatar a un rôle particulier, elle permet de faire le point sur les différentes discussions qui sont en cours. Tout est fait pour obtenir leur libération”, a-t-il déclaré à France info après avoir échangé avec les autorités qataries à Doha. “C’est l’espérance qu’on va adresser aux familles” des personnes retenues en otage dans la bande de Gaza par le mouvement islamiste palestinien.



Source link : https://www.lexpress.fr/monde/proche-moyen-orient/gaza-larmee-israelienne-annonce-avoir-retrouve-la-depouille-dune-soldate-otage-Z5IJEHT5DZGYLMBNRLQ65PZCKA/

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Publish date : 2023-11-17 06:37:47

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Loi immigration : chez LR, un peu de calme avant le saut dans l’inconnu

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A sa sortie de l’ENA, Laurent Wauquiez a choisi d’intégrer le Conseil d’Etat plutôt que le corps diplomatique. Ce mardi 14 novembre, le candidat putatif des Républicains (LR) pour 2027 endosse pourtant le rôle de casque bleu. Le président de la Région Auvergne-Rhône-Alpes se mue en garant de l’unité de la droite, menacée de fractures autour du projet de loi immigration. L’homme commence sa journée par un rendez-vous matinal avec Bruno Retailleau. Le patron des sénateurs LR lui vante le durcissement du texte par la chambre haute, qui a adressé une copie musclée à l’Assemblée nationale. L’Aide médicale d’Etat y est supprimée, le regroupement familial durci et le versement des allocations familiales conditionné à cinq ans de résidence en France.Quelques heures plus tard, Laurent Wauquiez file à la réunion du groupe LR à l’Assemblée. Il est urgent de calmer le jeu. Le projet de loi Darmanin a envenimé les relations entre Bruno Retailleau et le patron des députés LR Olivier Marleix, qui souhaitait que le Sénat rejette le texte. L’élu du Lot Aurélien Pradié dénonce une “reculade” des sénateurs LR, coupables d’un compromis avec les centristes. L’ancien ministre joue l’apaisement. Il salue l’unité idéologique de son camp et appelle à ne pas antagoniser les deux chambres. “Il n’y a pas une feuille de papier entre nous à l’Assemblée et au Sénat sur l’immigration. Le Sénat a fait passer un tournant clair à ce texte, mais la question est ce qui va se passer à l’Assemblée”, explique-t-il.”Quel texte viendra dans l’hémicycle ?”Voilà la droite dotée d’un argumentaire. Elle applaudit le tour de vis de la droite sénatoriale, mais relativise sa portée politique. Le texte issu du Sénat sera en effet examiné à partir du 27 novembre en Commission des Lois de l’Assemblée. L’aile gauche de la majorité, qui y est bien représentée, promet de le déconstruire et d’envoyer une copie plus modérée en séance le 11 décembre. “Quel texte viendra dans l’hémicycle ?, s’interroge Olivier Marleix. Celui du Sénat ou un texte détricoté par la majorité et Sacha Houlié [NDLR : président Renaissance de la Commission des lois et ex-PS] ? Tout le sujet est là.”A court terme, ce brouillard sert la droite. Le président de LR Éric Ciotti et Olivier Marleix prennent soin de ne pas émettre d’avis définitif sur le texte de leurs collègues sénateurs et attendent la suite. Et puis, la droite défend à l’unisson sa proposition de loi constitutionnelle (PPLC) sur l’immigration, attendue le 7 décembre à l’Assemblée. Le texte permet de déroger au droit européen en matière migratoire et ouvre le champ du référendum à ce sujet. “Si la majorité s’oppose totalement à notre proposition et que le texte du Sénat est largement déconstruit, il n’y a aucune raison qu’on le vote”, juge Eric Ciotti.L’édifice bâti par LR est théorique… donc fragile. Nul ne peut prédire l’ampleur du remodelage du projet de loi immigration par la majorité. L’équation recèle plusieurs inconnues : que pèse arithmétiquement la frange de la majorité décidée à retravailler la loi en profondeur ? Quelles alliances de circonstances peuvent nouer gauche et Renaissance sur certains amendements ? Mystère. De l’intensité de la réécriture peuvent découler des dissensions internes à droite. Un cadre LR n’est pas loin de faire brûler un cierge au nom de “Saint-Houlié” : “Cela nous faciliterait la tâche que la majorité ramollisse le texte.” L’unité est à ce prix.”Une deuxième négociation s’ouvre”Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin mise en effet sur l’appui d’une quinzaine de députés LR pour emporter la mise. L’homme ne restera pas les bras croisés à l’Assemblée. Il échange avec des élus LR et sera attentif à ce que le texte ne soit pas dévitalisé par les troupes macronistes. “Après le Sénat, une deuxième négociation s’ouvre, davantage avec la majorité”, note un conseiller de l’exécutif. “Nous serons porteurs du compromis du Sénat à l’Assemblée”, assurait-on à Beauvau avant l’examen du texte par la chambre haute. Gérald Darmanin compte enfin s’appuyer sur l’inconstitutionnalité de la suppression de l’AME – un “cavalier législatif”, disposition sans rapport direct avec le texte – pour enterrer la mesure.La brume enveloppe le texte immigration. En témoigne le sort réservé à l’article 4 bis du texte, relatif à la régularisation des clandestins exerçant un métier en tension. Le dispositif adopté au Sénat durcit l’ex-article 3, chiffon rouge de la droite. Mais nul ne sait comment il sera modifié par la majorité à l’Assemblée. La droite ne parle d’ailleurs pas d’une seule voix sur la disposition sénatoriale. Bruno Retailleau vante un durcissement du droit existant, tandis qu’Olivier Marleix et Éric Ciotti affichent leur scepticisme. Ce flou ne sera pas éternel, il se dissipera dès le 27 novembre.



Source link : https://www.lexpress.fr/politique/lr/loi-immigration-chez-lr-un-peu-de-calme-avant-le-saut-dans-linconnu-YA3XPRCZOZBUHNS26KDRXAOKDE/

Author : Paul Chaulet

Publish date : 2023-11-17 04:58:30

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Un Etat unique israélo-palestinien est-il une solution viable ? Elie Beressi répond à Rima Hassan

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Depuis le 7 octobre 2023, les événements ont remis la confrontation israélo-palestinienne au cœur de l’attention du public international. Rapidement, les prises de position des uns et des autres au cours de la succession des controverses ont permis de distinguer une ligne de démarcation entre d’une part les critiques de la politique israélienne et d’autre part les opposants à l’existence d’une politique israélienne, quelle qu’elle soit.Cette opposition se décline selon deux modalités. La première est celle de l’éradication du fait juif en ex-Palestine mandataire. Il n’y a pas lieu d’en discuter ici en détail. L’idée consisterait à refouler la population israélienne vers l’Europe et les États-Unis d’où elle serait au fond originaire, ou, à mi-chemin, de la noyer dans la Méditerranée. La justification – que cette population soit un amas de colons ou simplement des juifs – importe ici assez peu. Le sort fait aux civils israéliens lors de l’opération “Déluge d’el-Aqsa” menée le 7 octobre conjointement par plusieurs factions armées palestiniennes résume assez bien les perspectives attendues de cette modalité.La seconde modalité est celle de la réconciliation : un État démocratique laïc, unitaire ou confédéral, où les Israéliens, la population juive installée consécutivement au projet sioniste, bénéficieraient de droits civiques, d’une autonomie communale et de garanties constitutionnelles égales à celle de la population palestinienne. A priori, le refus israélien de la réconciliation sur la base de l’égalité, n’est pas compréhensible autrement que par une méchanceté raciste congénitale que beaucoup n’hésitent pas à postuler.Pour comprendre cette perspective, il faut la replacer dans le contexte historique de l’édification d’Israël en tant qu’Etat ethno-confessionnel juif ainsi que dans le contexte régional d’édification des États arabes et de leurs politiques d’homogénéisation ethno-religieuses.L’impasse de la solution minoritairePromouvoir une solution qui renverrait le groupe juif à une solution minoritaire ferait fi et de l’histoire juive en diaspora et de l’histoire régionale de l’ancienne aire ottomane (pour ne rien dire de l’Europe centrale et orientale). C’est précisément ce que fait Madame Rima Hassan, franco-palestinienne, présidente et fondatrice de l’ONG “L’observatoire des camps de réfugiés” lorsqu’elle déclare dans un entretien pour le quotidien L’Humanité en date du 6 novembre 2023 : “La seule solution viable est un État binational démocratique et laïc” et dans une publication sur son compte X (anciennement Twitter) : “Quand je dis qu’il y a un Etat d’apartheid, réponse : non il y’a [sic] 20 % de Palestiniens en Israël et ça se passe super bien. Quand je dis dans ce cas Etat binational seul le fait d’avoir des intérêts communs pourra nous unir : non hors de question ça ne peut pas bien se passer. Roh. Les intérêts communs : la sécurité pour tous les Israéliens, la liberté et le droit à l’autodétermination pour tous les Palestiniens. Il faut sortir de la peur d’être minoritaire, la garantie de sécurité n’est pas dans le rapport démographique elle est dans l’égalité de droit. On ne peut pas faire perdurer cette injustice du non-retour des Palestiniens au nom de cette logique démographique ça reste une injustice que vivent dans leur chair tous les réfugiés palestiniens et surtout elle entache le droit à l’autodétermination car elle exclut des millions de Palestiniens.”Les arguments de Rima Hassan, s’ils mettent en avant comme de juste les souffrances et les revendications palestiniennes, reposent sur une lecture unilatérale et tronquée de la confrontation arabo-sioniste en ex-Palestine mandataire, qu’elle revendique d’ailleurs de manière péremptoire (“Mon propos n’est pas de m’opposer à l’idée d’un foyer juif au Moyen-Orient mais de critiquer les moyens utilisés par le sionisme et les répercussions qu’elles ont eues sur nous. Je dirais même que les désirs nationaux juifs ne me concernent pas. Je n’ai rien à dire, en soi, à ce sujet. Mon point, ce sont les sacrifices endurés par le peuple palestinien pour que vive la doctrine sioniste.”). La comparaison avec la minorité arabe palestinienne qu’elle opère est trompeuse, nous y reviendrons.Un “État binational démocratique et laïc” ne serait en réalité pas viable pour les juifs, compte tenu de l’expérience juive en diaspora et des expériences comparables d’autres minorités ethno-confessionnelles dans l’ancienne aire de domination ottomane. Le sionisme, justement, c’est avant tout une réaction politique à la condition juive minoritaire en diaspora et que Vladimir Ze’ev Jabotinsky, représentant de la voie révisionniste du sionisme, qualifiait de “xénophobie de la vie elle-même” dans son audition auprès des autorités britanniques en 1937.Un État commun, à majorité arabe car incluant le retour des descendants de réfugiés arabes palestiniens ayant été évincés du territoire israélien lors de la guerre de 1947-1949 en ex-Palestine mandataire, renverrait les juifs à leur situation minoritaire antérieure à celle-ci, ce qui ne saurait garantir ni leur sécurité ni la non-aliénation propre à la condition diasporique. Pire encore, aucune donnée empirique, sur le plan historique et comparatif, ne permet de penser qu’un tel État serait viable.En effet, la plupart des États binationaux ou multinationaux en Europe et au Moyen-Orient ont soit maintenu leur intégrité via une gouvernance autoritaire (la Tchécoslovaquie et la Yougoslavie sous régime communiste à parti unique) et n’ont pas survécu à leur transition démocratique (la Tchécoslovaquie a connu une partition pacifique tandis que la Yougoslavie s’est effondrée dans une succession de guerres ethniques), soit ont bénéficié d’un contexte régional spécifique adossé à un développement institutionnel historiquement non reproductible dans le cas israélo-palestinien. La Suisse et la Belgique représentent des exemples d’États plurinationaux dont la viabilité dépend de l’existence d’États nationaux adjacents et de leur développement démocratique endogène.Dans l’aire régionale de l’ancien Empire ottoman, aucun État n’a réussi à conjuguer une gouvernance démocratique, une sécularisation et une population pluri-ethnique : l’issue a toujours été le génocide des minorités ou la guerre civile entre groupes communautaires aux forces comparables. La mémoire historique de l’État d’Israël qui surdétermine sa politique actuelle prend en compte et l’histoire juive en diaspora, et l’histoire régionale et internationale. Les dirigeants sionistes, dans l’orientation de leur politique, ont été contraints à la fois par l’évolution des relations communautaires judéo-arabes en ex-Palestine mandataire et par les développements internationaux contemporains relatifs à des relations entre groupes ethniques et nationaux dans le reste du monde.Leur politique prenait en compte la condition juive en Europe et les déplacements forcés de population en Europe, au Moyen-Orient et dans le sous-continent indien entre 1917 et 1947, ainsi que le sort des minorités ethniques et confessionnelles dans les États du Proche-Orient qui pouvait offrir un exemple de ce qui attendait potentiellement les juifs de Palestine dans une situation minoritaire similaire : le génocide de près de deux millions d’Arméniens, Grecs et Assyriens par les régimes ottoman et kémaliste en Turquie entre 1894 et 1924 ; le massacre de la minorité assyrienne par le régime hachémite irakien en 1933 et le farhud (pogrom) contre la minorité juive de Bagdad par des putschistes pro-nazis en 1941 ; plus récemment, le génocide commis par le régime ba’athiste (toujours en Irak) contre sa minorité kurde en 1988, enfin, la situation délicate des maronites libanais mis en minorité qui conduisit à une guerre civile et à une émigration de masse. La solution à de telles violences inter-communautaires et à la vulnérabilité des minorités a presque toujours été le transfert de populations et la partition territoriale par souci “humanitaire”.L’analogie trompeuse de la colonisation européennePuisque beaucoup a été écrit sur le “contexte” du 7 octobre et la dimension réactive de la violence des factions armées palestiniennes, on ne devrait pas juger inapproprié de penser le “contexte” et la dimension réactive de la violence sioniste, étant entendu que l’analyse ne justifie pas sur le plan moral le choix du recours à la violence collective organisée.Le sionisme a été tantôt classé comme un ethno-nationalisme comparable aux séparatismes ethniques est-européens et balkaniques, tantôt comme un colonialisme de peuplement comparable aux colonialismes de peuplements européens aux Amériques, en Océanie et surtout en Afrique (avec une insistance sur les cas algérien et sud-africain). Plusieurs arguments en faveur de cette conception existent : l’imaginaire colonial des fondateurs du sionisme politique, “l’esprit pionnier des immigrants sionistes”, la relation de violence aux populations locales, notamment dans le conflit sur les régimes fonciers et salariaux, qui culmine dans la guerre de 1947-1949 et la Nakba (“catastrophe” en arabe), qui voient 750 000 Palestiniens déracinés hors de leurs terres, auquel succède la loi israélienne “des absents” de mars 1950, qui entérine leur exil.Néanmoins, si on tient à une analyse comparative du sionisme dans le cadre de l’expansion coloniale européenne, l’analogie entre le projet de colonisation sioniste de la Palestine et les cas algérien, rhodésien et sud-africain semble inopérante : les juifs appartenaient à un groupe racialisé subalterne, ils n’ont pas bénéficié – ni pendant la période ottomane ni pendant la période mandataire – d’un régime de supériorité légale sur les populations préétablies avant l’indépendance. Plus encore, définir une métropole pour les immigrants sionistes est l’objet de débats complexes qu’on ne peut trancher au détour d’une phrase (l’objectif sioniste étant plutôt de “reconstituer” une métropole juive). Dans le cadre de l’analogie coloniale, ce ne sont pas les colonies “blanches” qui offrent les similarités les plus instructives, mais les “colonies de rapatriement” d’affranchis afro-américains dans l’ouest africain.Mais cette analyse néglige néanmoins plusieurs éléments. L’histoire des populations de la région ne permet pas de tracer une dichotomie entre colonisateurs et indigènes aussi nette que dans les cas des colonies d’affranchis. S’il y a bien, à partir de l’indépendance israélienne, et surtout à partir de 1967 dans les territoires occupés, un groupe colonisateur et un groupe colonisé, ces deux groupes peuvent être également qualifiés d’autochtones et d’immigrants pour peu que l’on se place dans leur rapport à ce territoire sur le temps long.En effet, au cours du long XIXe siècle, l’Empire ottoman a pratiqué une politique de recolonisation de ses marges par des réfugiés musulmans originaires de territoires conquis par les puissances européennes. L’immigration juive proto-sioniste et sioniste s’inscrit dans la phase tardive de ce mouvement de réfugiés vers l’Empire ottoman mais en diverge en ce que là où les réfugiés musulmans viennent renforcer un ordre impérial ottoman fondé sur la suprématie musulmane, les réfugiés juifs viennent subvertir cet ordre en introduisant une question nationale de plus dans un Empire miné par les séparatismes ethno-confessionnels réels ou supposés.Nous ne sommes ainsi pas dans une opposition entre colons sans racines qui se seraient greffés ex nihilo sur une terre où ils étaient exogènes et indigènes enracinés de tout temps. Il s’agit en effet plutôt d’un antagonisme entre deux groupes mêlant des arrivées récentes et un lien historique ancien au territoire revendiqué : les groupes juifs et arabes se rattachent tous les deux à un peuplement continu sur ce territoire depuis l’Antiquité, mais nourris de flux de migrations qui ont connu une forte accélération au cours du XIXe siècle, avec une forte vague migratoire musulmane (qui s’assimile à l’arabité locale) au début de ce siècle et une forte vague migratoire juive à la fin de celui-ci et au début du XXe siècle (qui est perçue comme étrangère).La différence est ici dans les coordonnées politiques de ces immigrations : l’immigration musulmane n’a pas de projet politique propre (elle repose sur les acquis de la conquête musulmane) et est utilisée par les autorités impériales contemporaines (égyptienne et ottomane) pour maintenir un ordre démo-politique confessionnel préexistant, là où l’immigration juive est motivée idéologiquement à opérer une bascule révolutionnaire de cet ordre démo-politique en faveur des juifs.Les termes “colons” et “indigènes” sont des signifiants qui disent aussi le degré d’identification du groupe immigrant à la terre et aux populations locales, autant que le déni appliqué aux juifs quant à leur droit à s’identifier à cette existence régionale, nonobstant le fait que la culture juive est entièrement “située” dans le cadre géographique d’Eretz Israël (“le pays d’Israël”). Pour parler en termes marxisants, les populations juives ont continuellement vécu, durant les dix-huit siècles de diaspora, dans l’infrastructure de leurs sociétés et territoires d’accueil mais avec une superstructure culturelle dont les coordonnées étaient celles de leur ancien territoire des époques bibliques et talmudiques. Ici, le rapport à la littérature biblique doit être envisagé avec précaution par ceux qui ne partagent pas une culture hébraïque : il est fondamentalement différent entre juifs et chrétiens.Pour le groupe juif, la bible hébraïque (c’est-à-dire le Tanakh, acronyme de Torah (Pentateuque), Nevi’im (écrits prophétiques) et Ketuvim (autres écrits)) et son commentaire talmudique servent de patrie portative, qui contient la mnesis et le nomos d’un territoire perdu et qui lui sera restitué d’une manière ou d’une autre, tôt ou tard. Pour les chrétiens, la Bible, avec son second testament, est une vague mythologie déterritorialisée (“Mon royaume n’est pas de ce monde”, Jean, 18:36) dont la valeur tient à ses vérités théologiques et morales.La revendication politique du sionisme comme continuité culturelleDe fait, appréhender la revendication biblique juive sur Eretz Israël avec les lunettes du christianisme, c’est faire un contresens majeur, car c’est penser que la revendication politique du sionisme repose sur un article de foi, alors qu’elle repose sur une continuité culturelle qui le définit et l’aliène vis-à-vis du monde non-juif et le rattache à un territoire précis qui surdétermine ce territoire en tant que lieu nécessaire de la réalisation de l’auto-émancipation juive. Le refus de l’argument biblique n’est pas qu’un simple refus de l’argument religieux dans un débat politique. C’est, en fait, nier aux juifs le droit de mobiliser leur culture et leur histoire qui les rattachent à ce territoire.Pour les juifs, et c’est sur cet affect axiomatique que repose le mouvement sioniste, Eretz Israël est moins la “Terre sainte” (expression d’abord chrétienne que l’on retrouvera beaucoup dans les discours de la puissance coloniale britannique) qu’Eretz Avotenu (“le pays de nos aïeux”). La négation du lien juif à la terre devient alors en grande partie une négation du fait juif lui-même. Ce déni est le pendant de la négation sioniste de l’histoire arabe dans le cadre de ce même territoire sous un autre toponyme, avec un rapport très similaire au territoire national aliéné qui se déploie à la fois sur le registre de la révélation (“terre des prophètes”) et de la filiation (“terre des ancêtres”).Si les dynamiques d’immigration et d’indigénisation, dans le contexte de l’Empire ottoman tardif et du Proche-Orient mandataire, ne suffisent pas à assurer la qualification du sionisme comme colonialisme sans faire perdre à celui-ci une définition propre, il faut également remarquer ici que le paradigme du colonialisme de peuplement sur le modèle européen n’est pas nécessaire pour rendre compte de la violence de l’appropriation des terres sur une base ethnique, ni lors de la période mandataire (1917-1947), ni lors de la période d’indépendance (1947-1967), ni lors de la période qui s’ouvre après la saisie en 1967 des territoires de l’ex-Palestine mandataire qu’Israël n’avait pas conquis lors de la précédente période. Là encore, l’histoire de l’ancien Empire ottoman est suffisamment fournie en exemples de conflits ethno-territoriaux impliquant des rectifications violentes de frontières et d’équilibres démographiques pour qu’on n’ait pas à convoquer le paradigme colonial.Avant la guerre de juin 1967, la logique est celle d’un peuple minoritaire et dispersé qui veut se regrouper dans un espace déjà peuplé. Cela représente un cas extrême de nationalisme de diaspora, comparable à celui des Grecs et des Arméniens, mais où l’immigration prend une importance extrême (ce qui permet de faire le lien avec l’exemple du Libéria et de la Sierra Leone). L’auto-émancipation juive passant forcément par une reterritorialisation qui allait mettre les “revenants” aux prises avec une population préétablie, le choix était soit d’y renoncer au risque de la survie du groupe juif, soit d’assumer le conflit. Le choix de la Palestine, plutôt que de l’Argentine ou de l’Ouganda, reposant alors sur le “droit historique” opposable aux Arabes palestiniens, mais ni aux Mapuches ni aux Bantous.De tout cela, le paradigme colonial est, ou bien incapable de rendre compte, ou bien n’est pas nécessaire pour qualifier la situation qui peut être tout aussi bien heuristiquement comparée à des conflits non-coloniaux. Ces constats limitent fortement son utilité heuristique dans le cadre d’une analyse historique de la confrontation israélo-arabe. Dès lors, si son utilité heuristique n’est pas établie, à quoi sert le paradigme colonial ? La réponse est à chercher ailleurs que dans un comparatisme historique prudent. Elle se trouve dans le rapport quasi mythologique à l’Etat d’Israël, qui, né dans la faute, devrait expier par son suicide. Ce rapport quasi mythologique au sionisme permet ainsi de réifier l’ennemi israélien sur le mode de la culpabilité impérialiste européenne. C’est, au fond, un levier rhétorique dans une vision passionnée et romantique du politique vécu comme la lutte révolutionnaire des opprimés contre les oppresseurs.Une illustration de cette utilité rhétorique se trouve dans le communiqué du syndicat Solidaires étudiant.e.s EHESS du 15 octobre 2023 : “Il n’est pas possible de dire qu’Israël est un État colonial sans en tirer toutes les conséquences. Le système ethno-nationaliste israélien est fondé sur un suprémacisme racial qui institue une séparation systématique avec les Palestinien. ne.s, et qui prend actuellement la forme d’un apartheid. […] L’histoire d’Israël est celle d’un processus colonial d’une violence absolue, au cours duquel meurtres, humiliations et viols sont le lot quotidien des Palestinien. ne.s […] Nous appelons : à ce qu’Israël mette fin à son occupation et à sa colonisation de toutes les terres arabes en démantelant le Mur ; à la reconnaissance des droits fondamentaux des citoyen.ne.s arabo-palestinien.ne.s d’Israël à une complète égalité ; à la mise en application du droit de retour des réfugié.e.s palestinien.ne.s ainsi que leur droit à retrouver leurs maisons et leurs biens comme le stipule la résolution 194 de l’ONU ; et, à terme, l’établissement d’un État unique et laïc, en Palestine historique où tous les habitant.e.s jouiraient des mêmes droits.”Semblable aux positions de Rima Hassan, telle lecture du conflit projette sur une situation dont on a rappelé ce qu’elle avait de comparable et d’incomparable avec certaines situations coloniales et certaines situations non-coloniales, tous les crimes du colonialisme européen. Il n’est question ici que d’une assignation d’Israël à une ontologie coloniale irrémissible car récapitulant et supplantant tout ce que la mauvaise conscience occidentale porte de pire en termes de culpabilité. Assigner à l’Israélien ce statut de colon, voire de colon nazi, c’est faire d’une pierre trois coups : libérer l’Européen du poids de la culpabilité du génocide nazi en montrant que la victime est loin d’être innocente, libérer l’Européen du poids de sa culpabilité coloniale propre en l’engageant dans la lutte contre le pire des fantasmes de colonialisme réifié, et dispenser de penser à une solution juste pour les Israéliens puisqu’ils ne sauraient constituer en tant que colons un groupe avec des droits collectifs reconnus.Le vingt-troisième Etat de la Ligue arabeSi les deux premières exigences du communiqué de Solidaires semblent de bon sens (elles sont d’ailleurs soutenues par la gauche sioniste en Israël), elles ne servent ici que d’introduction aux deux suivantes qui impliquent la mise en minorité démographique des juifs israéliens et la perte de l’indépendance nationale dans le cadre d’un rattachement d’Israël à ce qui sera de facto le vingt-troisième Etat de la Ligue arabe. Or, dans un Orient où les identités ethniques et religieuses jouent encore le rôle politique qu’on leur connaît, on ne peut croire sérieusement que les juifs “jouiraient des mêmes droits” que la majorité.Mais cela importe peu dans la mesure où les juifs, si on leur assigne la qualification infamante de “colons”, ne sont pas en mesure d’exiger des droits en tant que groupe national, mais ne peuvent que se les faire concéder par le seul demos réellement légitime car autochtone. L’asymétrie justement dénoncée dans les rapports actuels israélo-palestiniens ne serait ici pas abolie mais retournée, assurant un retour à la situation pré-48. Et pour justifier d’un tel retournement qui nie les droits des Israéliens, il faut assurer que les Israéliens sont une nation “artificielle” à laquelle le droit à l’autodétermination ne s’applique pas.L’assignation coloniale permet aussi de simplifier la question de l’occupation des territoires occupés par les Israéliens au cours de la guerre de juin 1967 dite “des six jours” ou, en arabe, al-Naksa (“le revers”). Le rôle de l’idéologie, c’est-à-dire de l’irrédentisme biblique propre à la culture juive et qui infuse le projet sioniste lorsqu’il se fait conquérant, n’est pas ici remis en doute, et a abouti à ce qu’il faut qualifier, en Cisjordanie, de situation coloniale et d’apartheid. Situation, par ailleurs, comparable aux politiques sud-africaines dans le territoire du Sud-Ouest africain (mais pas en Afrique du Sud proprement dite).En revanche, il faut rappeler qu’ici l’idéologie joue son rôle, mais adossée et articulée à des considérations stratégiques contingentes, motivée par le devoir de l’appareil d’État israélien d’assurer la sécurité, voire simplement la survie, de sa population dans le cadre d’une situation géographique précaire. L’assignation coloniale “oublie” ces considérations en envisageant l’expansionnisme israélien comme le simple fruit d’une logique interne de “prise de terre” propre au colonialisme. Or, la question géostratégique dans la politique de peuplement juif en Cisjordanie précède (hormis chez des marges politiques telle que l’opposition révisionniste du Herut pour qui il s’agit d’ailleurs plus d’une pétition de principe que d’un réel programme) la motivation irrédentiste : il s’agit de se constituer un territoire glacis de 40 km de large entre les puissances arabes et son principal bassin de peuplement, le territoire israélien dans les limites des lignes d’armistice de 1949 ne bénéficiant que de peu ou pas de profondeurs stratégiques alors qu’il se retrouve dans un environnement régional hostile où lui est opposée une rhétorique génocidaire. En cas d’évacuation de la Cisjordanie hors du cadre d’un règlement politique négocié offrant des garanties de sécurité, il n’y a que 18 km de route entre les principaux centres de peuplement israélien et une puissance hostile.L’usage de colonies de peuplements pour assurer le contrôle politique et militaire d’un territoire pour des raisons stratégiques est aujourd’hui en contradiction avec les conventions de Genève mais se trouve être une pratique fort banale. Machiavel en expliquait déjà la rationalité dans son Prince. Seulement, dans un cadre démocratique, le transfert de population civile de l’occupant vers le territoire occupé se fait nécessairement sur la base du volontariat des colons, ce qui opère une sélection idéologique avec des populations pionnières motivées par des considérations nationalistes et religieuses ici très actives alors que plus latentes dans le reste de la population. C’est ce qui explique le profil idéologique plus militant, religieusement déterminé, des colons israéliens en Cisjordanie. Le problème étant que leur motivation les met sur une trajectoire de collision avec les intérêts de la population locale (dont le droit propre est perçu comme négligeable) et avec les intérêts de l’Etat israélien si celui-ci souhaitait évacuer ces territoires dans le cadre d’une paix négociée : les colons préfèrent les territoires à la paix. Nous croyons devoir ici rappeler que si les colonies sont souvent présentées comme un obstacle insurmontable à la solution à deux États pour deux peuples, nous ne pensons pas que cet obstacle soit effectivement insurmontable, pourvu qu’il existe, du côté israélien comme du côté palestinien, une réelle volonté politique d’arriver à une partition définitive du territoire de l’ex-Palestine mandataire/Eretz Israël.Un autre argument souvent amené dans le débat est l’injustice subie par les Palestiniens qui auraient payé de leur territoire et leur exil les crimes des Européens vis-à-vis des juifs. Le reproche serait fondé si le sionisme et l’indépendance d’Israël étaient exclusivement une réaction à la persécution et l’extermination des juifs d’Europe par le régime nazi et ses vassaux fascistes. Simplement, le sionisme n’est pas une réaction au nazisme, il lui est bien antérieur. Le nazisme est une illustration paroxystique de ce à quoi le sionisme propose une échappatoire : la condition existentiellement défensive du fait minoritaire juif vis-à-vis du monde non juif. En ce sens, les sociétés arabes ne sont pas assimilables au régime nazi, mais entrent dans le cadre de la critique sioniste formulée quant à l’antisémitisme inhérent (“la xénophobie de la vie elle-même”) à toutes les sociétés non-juives majoritaires au sein desquelles les juifs ont vécu et auxquelles le sionisme demande des comptes, via la réclamation d’un territoire national aliéné.Les sociétés arabes ne peuvent être exclues du champ de cette critique globale de la condition minoritaire juive opérée par le sionisme, car, pour reprendre l’analyse de l’historien Bernard Lewis : “Leur situation ne fut jamais aussi mauvaise ni aussi bonne que dans la chrétienté. En effet, il n’existe pas dans l’histoire de l’Islam d’équivalent de l’Inquisition espagnole, des pogroms russes ou du génocide hitlérien, mais rien non plus qui se compare à l’émancipation et à l’intégration progressive des juifs dans les sociétés démocratiques occidentales au cours des trois derniers siècles.”En ce sens, la société palestinienne et les États de la ligue arabe ont payé, à travers la création de l’Etat d’Israël et les défaites militaires successives face à celui-ci, leur incapacité à formuler une solution à la question juive qui soit plus séduisante que le sionisme pour leurs propres populations juives et les réfugiés juifs d’Europe. De même que l’abolition de l’esclavage puis de la ségrégation raciale dans le sud des États-Unis n’a pas éliminé les structures mentales négrophobes dans la société américaine, de même les structures mentales héritées de l’institution de la dhimma ont survécu parfois deux siècles après son abolition dans le domaine du droit public en pays d’Islam et rendu les sociétés musulmanes comptables de la question posée aux juifs par leurs sociétés d’accueil au même titre que les sociétés occidentales. C’est, fondamentalement, l’une des promesses non-tenues de la Nahḍa et des Tanzimats, et à laquelle le sionisme répond aussi bien qu’à la situation européenne.Pour revenir à la solution proposée aujourd’hui par Rima Hassan, et qui repose sur une lecture de l’histoire des deux derniers siècles qui néglige certains éléments, il faut redire qu’il n’existe à ce jour aucune donnée empirique, historique ou comparative qui permette de fonder en raison la croyance en la viabilité d’un État unique binational démocratique et laïc et donc faire renoncer les juifs israéliens (et ceux parmi les non-juifs israéliens qui s’accommodent de la majorité juive) à leur Etat-ethnique.L’argument de la minorité arabe israélienne comme exemple d’une possibilité de coexistence de Rima Hassan ne tient pas : être une minorité arabe dans le seul Etat juif n’offre pas exactement les mêmes garanties qu’être une minorité juive dans un vingt-troisième État arabe, compte tenu de l’histoire des communautés juives des vingt-deux autres. Car l’Etat binational démocratique et laïc serait de facto un Etat à majorité arabe, entouré d’Etats à majorité arabe, avec un appareil d’Etat à majorité arabe, un espace public défini par la culture arabe, et où la population juive se retrouverait ce qu’elle fut durant la diaspora : une minorité tolérée, donc vulnérable. Il ne s’agit pas ici d’un fantasme motivé par une vision raciste et orientaliste de “l’Arabe” comme sauvage sanguinaire, mais du constat d’une récurrence de violence relationnelle entre minorités et majorités ethniques indépendamment des identités culturelles et religieuses mobilisées par les groupes concernés.Où que les juifs israéliens regardent, dans le temps et dans l’espace, ils ne peuvent faire qu’un constat : une minorité ethno-confessionnelle sans l’appui extérieur d’un Etat-parent ne vit pas, elle survit. Même si elle peut se trouver relativement prospère, cette prospérité peut toujours susciter une résurgence de “la xénophobie de la vie elle-même”, elle est un sursis permanent face à une majorité qui a maintes fois prouvé sa dangerosité. La plus grande part des Israéliens ne se considèrent pas comme des colons justiciables d’une illégitimité fondamentale sur leur territoire et considèrent donc le droit à l’indépendance dans un État avec une majorité ethnique juive comme non négociable. Mais une telle majorité n’est pas atteignable en maintenant un contrôle israélien sur la Cisjordanie et sa population de presque trois millions de Palestiniens. Restent donc les questions que posait déjà Raymond Aron : “Qu’est-ce que chaque Israélien craint le plus ? La corruption spirituelle de la nation par les conquêtes ? L’insécurité militaire par l’évacuation des territoires occupés ? La perte de l’identité juive par le gonflement de la minorité arabe ?”Enfin, un dernier point sur la question des droits aux retours juifs et palestiniens. Dans le cadre d’un Etat palestinien indépendant aux côtés d’Israël, il est évident que celui-ci serait souverain dans sa politique migratoire et pourra assumer, s’il s’en sent capable, le droit aux retours des réfugiés palestiniens et de leurs descendants, de la même manière qu’Israël assume un droit au retour pour les personnes juives de par le monde (droit qu’il étend indûment aux territoires occupés sous son contrôle). Un tel droit pourrait être articulé au paiement de compensations par Israël à ces mêmes réfugiés.Le retour des réfugiés palestiniens et de leurs descendants en Israël même n’est plus l’exercice d’un droit à un foyer, mais l’instrument d’une mise en minorité du groupe juif sur son territoire, donc, in fine de la disparition du seul Etat juif. Dans un Etat binational démocratique et laïc, la mise en minorité du groupe juif supprime les conditions qui font d’Israël un refuge pour les personnes juives de par le monde ; que leur droit au retour leur soit encore théoriquement reconnu, ou qu’il soit aboli comme certains l’exigent.En proposant un Etat binational qui serait de facto un Etat arabe, Rima Hassan propose de supprimer le seul Etat qui, dans sa politique étrangère comme dans sa politique extérieure, assume une perspective juive. Cela revient à faire des Israéliens juifs une minorité de plus et à suspendre le sort des communautés juives en danger au bon vouloir des politiques migratoires états-uniennes ou autres… renouvelant les conditions du drame de juillet 1938.Du côté de Rima Hassan, nous pouvons demander ce qu’elle souhaite vraiment : mettre les Israéliens au pied du mur en leur proposant le suicide politique au nom d’un idéal absolutiste et anhistorique de la justice et ainsi prendre le risque de crises toujours plus violentes lors desquelles, le rapport de force étant ce qu’il est, la situation des Palestiniens ne fera qu’empirer ? L’aboutissement sanglant d’une lutte armée à outrance qui élimine Israël et transforme les Palestiniens en tout ce que Rima Hassan prétend détester chez les Israéliens ? Ou aboutir à un compromis réaliste qui ne sera émotionnellement satisfaisant pour personne mais assurera des garanties et un avenir un peu moins dangereux pour toutes les parties du conflit ? Rima Hassan est libre de son choix, mais elle doit “en tirer toutes les conséquences”.Ce texte est une version expurgée des notes et références bibliographiques d’un article à paraître dans une revue spécialisée.* Elie Beressi est un analyste politique franco-israélien, diplômé de l’IEP de Paris.



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Publish date : 2023-11-17 05:00:15

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Nucléaire : EDF et le mystère de l’électricité perdue

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Il fut un temps où la France produisait beaucoup d’électricité. Ses centrales nucléaires paraissaient même surdimensionnées par rapport aux besoins en énergie du pays. Cette époque semble bel et bien révolue. L’an dernier, le niveau de production d’électricité d’origine nucléaire est tombé à 279 térawattheures (TWh), le pire résultat depuis 1988. Et la remontée promet d’être poussive.”La situation s’améliore”, assure pourtant Etienne Dutheil, directeur du parc nucléaire chez EDF. Le problème de corrosion sous contrainte devrait être définitivement résolu en 2025. Et le programme START, qui vise à augmenter l’efficacité des arrêts de tranche, commence à porter ses fruits. “On a reconstruit les plannings, travaillé les bonnes pratiques, donné plus d’autonomie aux équipes sur le terrain”, précise le responsable. Résultat : la durée de préparation à un changement de combustible est passée de 18 à 11 semaines et EDF vise désormais 9 semaines. Autre bonne nouvelle : les prolongations d’arrêts ont été réduites d’un tiers en 2023 par rapport à 2022. Et les sites les plus en difficulté affichent de bien meilleures performances. Ainsi, la dernière visite partielle sur le réacteur numéro 3 de la centrale de Paluel, comprenant le rechargement en combustible et un important programme de maintenance, n’a pris que 100 jours. Le meilleur résultat depuis au moins 12 ans. A Saint-Laurent, l’arrêt simple pour rechargement effectué l’an dernier n’a pris que 40 jours. La durée la plus courte des 8 dernières années.”Globalement, les délais relatifs à la première phase d’arrêt pour rechargement du combustible sont désormais respectés dans près de 70 % des cas, contre moins de 10 % en 2021, et à peine plus de 2 % en 2019″, résume Etienne Dutheil. Ces efforts permettent à EDF d’afficher de meilleures perspectives de production : 335-365 TWh en 2025, et 400 en 2030 grâce notamment à l’entrée en service de Flamanville 3 et l’augmentation de puissance à venir sur plusieurs réacteurs.Mais pour certains experts, quelque chose cloche. “Comment se fait-il que l’on ne revienne pas, même en 2030, aux niveaux de production que l’on a connus dans le passé ?”, interroge Jean-Jacques Nieuviaert, président de la Société d’études et de prospective énergétique. Selon les données publiées par RTE, la France produisait sans problème 430 TWh en 2005. Et que dire de la productivité de nos centrales comparée à celle des autres pays ? “Les taux normaux d’utilisation oscillent entre 78 % et 93 %. En fonctionnement normal, 1 GW de capacité nucléaire produit entre 7 et 8 TWh, alors qu’en France on atteignait péniblement 6 TWh en 2021. Avec les installations que nous possédons, nous devrions normalement produire 480 TWh”, assure l’expert.Fukushima est passé par là”Le revirement récent de stratégie du gouvernement français en matière de nucléaire a chamboulé l’agenda d’EDF, qui investissait surtout ses ressources dans le décommissionnement (NDLR : l’arrêt progressif) des réacteurs. Cela a entraîné une perte d’efficacité indéniable”, analyse Franck Gbaguidi, directeur du développement durable chez Eurasia Group. Face aux critiques, EDF se défend. “On ne met plus en œuvre le même programme industriel qu’il y a dix ou quinze ans. Fukushima est passé par là. Ainsi, les 4e visites décennales représentent, en volume d’opérations, six fois celui des 3e visites décennales. Et les travaux de préparation démarrent dix-huit mois en amont. Les exigences de sûreté se sont aussi renforcées. Il y a plus de contrôles à faire par rapport à ce qui se fait dans d’autres pays. Tout cela a un impact sur la disponibilité des centrales”, assure Etienne Dutheil.Revenir au niveau de production de 2005 semble donc hors de portée pour l’instant. La France peut quand même surmonter l’hiver. “L’essentiel c’est le passage de la pointe, pas la production en elle-même” confirme Hervé Machenaud, ancien directeur exécutif du groupe EDF. Et l’expert de se livrer à quelques calculs : quand l’EPR de Flamanville sera disponible l’an prochain, nous aurons environ 60 gigawatts mobilisables grâce au nucléaire. Or, en France, le maximum appelé à la pointe est d’environ 90 gigawatts. La différence peut aisément être comblée grâce à l’hydraulique, aux importations et aux centrales à gaz”.Mais même s’il ne met pas le réseau en grande difficulté, le déficit de production d’EDF fait quand même grincer des dents. “Beaucoup de spécialistes se disent que la France, avec un parc mieux géré, pourrait se passer complément d’énergies renouvelables (ENR)”, constate Franck Gbaguidi. “Il y a derrière ce raisonnement l’idée que les ENR constituent un obstacle car elles empêcheraient le nucléaire de fonctionner correctement. En effet, selon les règles en vigueur en Europe, l’énergie éolienne est appelée en premier sur le marché, obligeant les centrales nucléaires françaises à lever le pied”, rappelle un expert.Les ENR ont pourtant un avantage : celui de permettre à la France de ne pas mettre tous ses œufs dans un même panier. “La crise en Ukraine nous a montré qu’il valait mieux ne pas être dépendant d’une seule source d’énergie, quelle qu’elle soit, confirme Franck Gbaguidi. En outre, le développement d’une nouvelle filière peut être intéressant sur le plan économique”. L’expert en reste donc persuadé : il y a de la place en France pour le nucléaire et les renouvelables.



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Author : Sébastien Julian

Publish date : 2023-11-17 04:30:00

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Rendez-vous médicaux : en quoi consiste la “taxe lapin” proposée par les sénateurs ?

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Gare à ceux qui posent des lapins. Alors que les négociations entre les médecins libéraux et l’Assurance maladie se sont ouvertes ce mercredi 15 novembre, les sénateurs examinent cette semaine le projet de loi de Finance de la Sécurité sociale (PLFSS) à l’intérieur duquel s’est glissée une nouvelle taxe.Adopté en commission des affaires sociales de la chambre haute, l’amendement déposé par la sénatrice LR Corinne Imbert prévoit d’instaurer une pénalité financière pour tout patient qui se dispense d’honorer son rendez-vous chez le médecin. Une sanction forfaitaire dont le montant serait fixé par décret, au bénéfice de la Sécurité sociale.”Une partie de cette somme, définie dans le cadre des négociations conventionnelles, pourrait être reversée par l’Assurance Maladie aux professionnels de santé concernés en indemnisation”, précise l’amendement dans sa lettre.28 millions de rendez-vous perdus chaque annéeL’objectif ? Responsabiliser en frappant directement au portefeuille à l’heure où 6 % à 10 % des patients ne se présentent pas à leur consultation. Près de deux tiers de ces défections concerneraient un premier rendez-vous. Un manque de civisme “en constante augmentation” qui provoque chaque année la perte de 28 millions de consultations, déplore le Conseil national de l’ordre des médecins (CNOM).Invité sur le plateau de BFMTV, le président du conseil de l’ordre des médecins de Paris, Jean-Jacques Avrane, confirme l’épidémie de faux bond. “Nous recevons régulièrement beaucoup d’appels de médecins qui se plaignent de ce problème”. Et de mettre le doigt sur les résultats de l’étude réalisée par l’URPS Ile-de-France qui estime la perte causée par ces rendez-vous non honorés à deux jours de consultation par mois.Un amplificateur des déserts médicaux et de la pénurie de médecinsUn constat d’autant plus alarmiste que les questions de “déficit de médecins” et de “déserts médicaux” n’ont jamais été aussi prégnantes. Selon les chiffres de l’Atlas de la démographie médicale du Conseil national de l’ordre des médecins (CNOM), l’hexagone a perdu, entre 2010 et 2022, 10 128 médecins.À la faveur de la règle de l’offre et de la demande, bouder une consultation ne fait qu’amplifier les conséquences de la pénurie de médecins et “pénalise en premier lieu les patients eux-mêmes qui ont déjà du mal à trouver des rendez-vous”, déplore Jean-Jacques Avrane.Face à ce constat, Emmanuel Macron avait semblé envoyer des signaux favorables à la responsabilisation de la patientèle. “Trop de temps médical est gaspillé par un excès d’imprévoyance, de la désinvolture, avec en particulier des rendez-vous non honorés”, avait-il déclaré lors de ses vœux au monde de la santé en janvier dernier. Avant d’aller plus loin, le 23 avril dans un entretien accordé au Parisien, affirmant être favorable à ce que “ceux qui ne viennent pas aux rendez-vous”, soient “un peu sanctionnés”.Les plateformes, grandes fautives ?Pour le CNOM, l’embolie serait apparue avec la multiplication et la généralisation de l’utilisation des plateformes de prises de rendez-vous en ligne, accusées d’avoir démonétisé la relation entre le patient et le médecin. “Il faudrait qu’elles prennent des dispositions afin d’éviter ce problème, en rendant par exemple impossible la prise d’un nouveau rendez-vous dans les jours qui suivent une première prise de rendez-vous”, suggère Jean-Jacques Avrane sur BFMTV qui se réjouit de l’initiative du Sénat.En outre, dans un communiqué publié en janvier dernier, le CNOM soulignait la “fréquence des rendez-vous pris en double chez plusieurs praticiens en fonction de la convenance du patient”, et déplorait un phénomène de “déconsidération pour l’acte médical considéré comme un bien de consommation.”Si l’exécutif n’est pas fermé à l’instauration d’une pénalité, le ministre de la Santé Aurélien Rousseau soulève toutefois quelques difficultés dans la mise en œuvre de cette taxe “lapin”. Selon lui, un tel dispositif supposerait que “tout le monde” prenne un rendez-vous sur la plateforme. “Ce qui n’est pas le cas”, se défend-il.



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Publish date : 2023-11-16 17:23:43

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Hôpitaux ciblés en temps de guerre : au fait, que dit le droit international ?

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Le raid de l’armée israélienne dans le plus grand hôpital de Gaza, al-Chifa, qu’Israël accuse le Hamas d’utiliser comme centre stratégique et militaire, a soulevé une vague de condamnations, le Qatar invoquant même “un crime de guerre”.Que dit le droit international ?L’hôpital, un lieu protégé…“Les conventions de Genève protègent tout particulièrement les hôpitaux civils. Il est interdit d’utiliser les hôpitaux civils signalés, et reconnus comme tels, comme une zone de conflit. Il est également interdit d’utiliser les populations civiles, les malades, les blessés comme boucliers humains, c’est un crime de guerre”, tout comme le fait de “combattre à partir d’un hôpital”, explique à l’AFP Mathilde Philip-Gay, professeur de droit à l’Université française Lyon-3.Les conventions de Genève, qui définissent le droit international humanitaire, ont été adoptées au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, en 1949.Parmi une longue liste de crimes de guerre, l’article 8 du Statut de Rome de 1998, qui régit la Cour pénale internationale (CPI), stipule notamment qu’il est interdit “de diriger intentionnellement des attaques contre des bâtiments consacrés à la religion, à l’enseignement, à l’art, à la science ou à l’action caritative, des monuments historiques, des hôpitaux et des lieux où des malades ou des blessés sont rassemblés”.L’article 8 du Statut de Rome de 1998.… sauf si…Mais cet article 8 précise : “à condition (que ces bâtiments) ne soient pas des objectifs militaires”. “Si un acte nuisible – ce sont les termes du droit – est lancé à partir d’un hôpital civil, à ce moment-là, l’hôpital peut perdre sa protection”, explique Mathilde Philip-Gay.Mais là encore des conditions”Mais l’autre belligérant doit prendre toutes les précautions pour éviter de viser intentionnellement les civils”, une exigence permanente du droit humanitaire international, souligne l’experte en droit international, auteure de “Peut-on juger Poutine ?”.”Si un acte nuisible a eu lieu à partir d’un hôpital, on ne peut pas le bombarder pendant deux jours et le détruire complètement”, dit-elle à titre d’exemple. “La réaction doit être proportionnée” : “ce qui est compliqué dans le droit humanitaire international, c’est que c’est au cas par cas”.Par ailleurs, “une sommation, avec un délai, doit être donnée : attention nous allons intervenir dans tel service, veuillez évacuer, veuillez vous rendre. Il faut qu’il y ait des moyens d’évacuer (des ambulances, etc.) le personnel et les malades, ou qu’on leur demande de s’isoler dans une partie de l’hôpital”. “Et en même temps que l’intervention, il faut qu’il y ait des médecins, une prise en charge des malades”.Quid d’al-Chifa ?Dans le cadre de l’hôpital al-Chifa, où se sont réfugiés des centaines de civils palestiniens en plus des patients et personnels soignants, l’armée israélienne accuse le Hamas d’y avoir installé un centre stratégique et militaire, ce que conteste le mouvement islamiste.Elle dit avoir trouvé des armes, grenades, munitions et des gilets pare-balles portant l’insigne de la branche armée du Hamas lors de son raid sur place, une information là aussi contestée par le ministère de la Santé du Hamas qui assure “ne pas autoriser” la présence d’armes dans ses établissements.L’AFP n’a pas été en mesure de vérifier de manière indépendante ces affirmations. Le Hamas accuse de son côté les autorités israéliennes d’avoir, à l’aide de bulldozers, “détruit en partie l’entrée sud”, “près de la maternité”, déjà endommagée par des tirs d’obus de chars ces derniers jours.En cas de crimes de guerre, quelles poursuites ?La CPI n’intervient que si la justice nationale ne peut pas ou ne veut pas le faire. La compétence universelle s’applique aux crimes de guerre, qui sont imprescriptibles aux termes d’une convention de l’ONU de 1968, entrée en vigueur en 1970.Israël n’est pas membre de la CPI, mais la CPI a statué en 2021 sur le fait que sa compétence territoriale s’étendait à Gaza et à la Cisjordanie. La CPI peut de toute façon être saisie par tout Etat partie au Statut de Rome. Dans plusieurs conflits récents, des hôpitaux et cliniques ont été touchés par des bombardements en Syrie, au Yémen, en Afghanistan ou en Ukraine. En mars 2022, trois personnes, dont un enfant, ont été tuées dans un bombardement russe à Marioupol visant un bâtiment abritant une maternité et un hôpital pédiatrique, une frappe qualifiée de crime de guerre par Kiev et des puissances occidentales.



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Publish date : 2023-11-16 16:08:40

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