Commençons par deux questions naïves. La première : le prix d’un logement est-il le même à Paris et dans la Creuse ? La seconde : aller de République à Bastille en métro coûte-t-il aussi cher qu’un trajet en voiture entre Aubusson à Guéret, à 50 kilomètres de distance ? Dans les deux cas, bien sûr, la réponse est non. Mais cela a le mérite de faire comprendre cette idée importante : selon notre lieu de vie, les dépenses auxquelles nous sommes confrontés varient considérablement. En ville, se loger reste souvent hors de prix. Loin des villes, le budget transports est plus onéreux. Comment tout cela s’équilibre-t-il ? Cette fois, la question n’a rien d’anodin et deux études passionnantes publiées récemment par France Stratégie (1) y répondent.Cet organisme de recherche rattaché au Premier ministre a mesuré les coûts cumulés du logement et du transport selon notre lieu d’habitation. Sans surprise, plus la taille d’une agglomération est importante, plus les prix de l’immobilier s’avèrent élevés. Une règle qui se renforce à mesure que l’on se rapproche du centre, en particulier en région parisienne. Ainsi, une famille vivant dans la capitale dépense en moyenne… 30 % de plus qu’un foyer de même configuration résidant dans une “aire urbaine” de 200 000 à 700 000 habitants comme Tours, Rennes ou Strasbourg, qui elle-même dépense 10 % de plus qu’une troisième famille vivant à la campagne.Quand on se penche sur le coût des déplacements, ce n’est plus la taille de “l’aire urbaine” (la ville-centre et les territoires en dépendant) qui importe, mais la distance du logement par rapport au centre. Lorsque l’on réside en périphérie, les sommes consacrées au transport sont supérieures de 20 % à celles d’un habitant du cœur de l’agglomération, en raison des frais liés à la voiture (achat, entretien, carburant).Au total ? C’est dans les grandes agglomérations que les dépenses sont globalement les plus importantes car le budget logement est trois fois plus élevé que le budget transport. De ce point de vue, la métropolisation, réputée bénéfique pour l’emploi et les revenus, l’est beaucoup moins pour le coût de la vie, comme le soulignent les auteurs de la première étude, Boris le Hir et Pierre-Henri Bono. En particulier à Paris, folie immobilière oblige.Un “indicateur d’aisance financière”Le plus intéressant est cependant à venir. Car les chercheurs de France Stratégie ne se sont pas contentés pas de mesurer nos dépenses. Ils les ont également comparées à nos ressources pour en déduire un “indicateur d’aisance financière” : en clair, ce qu’il reste sur notre compte en banque une fois déduites nos dépenses contraintes, qu’il s’agisse non seulement de transport et de logement, donc, mais aussi d’alimentation. Et là, la perspective change du tout au tout : en effet, bien que le logement y soit beaucoup plus cher qu’ailleurs, c’est en région parisienne que le “reste à dépenser” est le plus élevé.L’explication de cet apparent paradoxe ? Elle est simple à comprendre. Si les contraintes financières sont plus fortes dans la capitale, c’est également là que les revenus sont les meilleurs dans la mesure où s’y concentrent les emplois les plus qualifiés. Pour prendre un exemple extrême, se loger coûte plus cher à Neuilly-sur-Seine que dans une ville industrielle comme Dunkerque. Mais comme les ressources des Neuilléens – où résident de nombreux patrons du CAC 40 – sont sans commune mesure avec celles des ouvriers de la cité flamande, leur pouvoir d’achat disponible reste in fine bien plus confortable. Sachant qu’il faut se garder de toute généralisation car ce qui est vrai en moyenne pour la région parisienne ne se vérifie pas pour chaque Francilien. Une femme de ménage de Clichy-sous-Bois n’a évidemment pas le même “reste à dépenser” qu’un cadre dirigeant de La Défense. Au total, le pouvoir d’achat restant diminue à mesure que l’on s’éloigne du centre de Paris, précisent dans la seconde étude Pierre-Yves Cusset et Alain Trannoy.Un autre facteur explique la bonne performance parisienne en matière de “reste à dépenser” : dans les zones les plus chères, les ménages sacrifient le confort de leur logement. A configuration égale, un couple avec deux enfants qui réside dans la capitale dispose, en effet, d’une surface plus petite et/ou de moindre qualité qu’une famille de même configuration de Toulouse, de Brest ou de Laval. Disons-le autrement. En Ile-de-France, un pavillon avec terrasse et jardin reste accessible à la classe moyenne qui vit en périphérie. En revanche, elle est rigoureusement inenvisageable à Montparnasse ou dans le Marais.Ce sont donc les différences de ressources qui expliquent les écarts de “reste à dépenser” entre les territoires. Une constatation qui, avec le recul, permet de mieux comprendre le mouvement des gilets jaunes. Certes, dans la mesure où les dépenses supplémentaires liées aux déplacements sont plus que compensées par les économies sur le logement, le coût de la vie reste moindre quand on vit en périphérie que dans le centre d’une agglomération. Le problème est que les Français qui habitent loin des centres urbains disposent de ressources plus modestes et, in fine, d’un “reste à dépenser” plus faible. En 2018, la hausse des taxes sur les carburants a diminué celui-ci et a renchéri leur budget transport – l’un de leurs rares avantages comparatifs. D’où l’ampleur et la durée de ce conflit.(1) “Dépenses de logement et de transport : quels arbitrages ?” et “Restes à dépenser et territoire”, notes d’analyse n° 117 et 118 de France Stratégie.
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Author : Michel Feltin-Palas
Publish date : 2023-11-14 08:34:57
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