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L’Express

Philippe Vilain, ses vérités sur sa liaison avec Annie Ernaux : “Elle m’a présenté comme un plouc”

Philippe Vilain, 2024.




Mai 2022. Quelques mois avant de recevoir le prix Nobel de littérature, Annie Ernaux sort Le Jeune Homme, une plaquette d’une quarantaine de pages où elle raconte avec beaucoup de condescendance une histoire vécue avec un garçon d’une vingtaine d’années quand elle-même était dans sa cinquantaine. A Saint-Germain-des-Prés, tout le monde sait de qui il s’agit : Philippe Vilain. Mais son nom ne sort nulle part dans la presse, Ernaux ayant défendu aux journalistes de le “pister”, comme elle le déclare alors à Lire Magazine. Trois ans plus tard, Philippe Vilain signe aujourd’hui Mauvais élève, un récit d’une finesse psychologique digne de Benjamin Constant, qui est en un sens sa réponse au Jeune Homme, mais aussi à L’Occupation (2002) où Ernaux l’anonymisait et le rabaissait déjà avec un mépris de classe déconcertant de la part d’une pythie de la gauche intellectuelle. Avant toute chose, précisons que Mauvais élève n’est en rien un livre règlement de comptes : Vilain y fait souvent part de son admiration pour l’œuvre littéraire d’Ernaux. Le portrait qu’il brosse de l’Annie qu’il a connue, peinte en bourgeoise coupée du peuple dont elle se prétend la porte-parole, devrait en revanche dessiller ses lecteurs les plus idolâtres.Au bar de l’hôtel d’Aubusson où il nous a donné rendez-vous pour répondre à nos questions, Vilain parle comme dans son livre : avec sincérité et précision, sans la moindre amertume. Comment avait-il pris la publication du Jeune Homme, depuis Naples où il venait de s’installer et vit toujours ? “Au début, je n’ai pas pensé un seul instant qu’il s’agissait de moi. J’ai vu la couverture passer sur Instagram, je ne m’y suis pas attardé. C’est une de mes tantes qui m’a envoyé un texto après avoir vu Annie Ernaux chez François Busnel [NDLR : à La Grande Librairie sur France 5]. N’était-il pas question de moi ? J’ai attendu un mois et demi avant d’acheter le livre. Ça m’a déstabilisé. J’ai trouvé ça littérairement très bon : ce n’est pas si facile d’être synthétique, concis, d’aller vers une forme de justesse. Mais j’ai aussi lu ce texte comme le jeune homme que j’ai été, et là je n’ai pas compris la démarche d’Annie Ernaux : pourquoi, après tant d’années, me décrire encore de manière aussi dépréciative ? Un universitaire a dit que j’apparais comme le jeune homme sans qualités, et c’est très vrai. Si vous faites deux colonnes d’adjectifs, les négatifs et les positifs, vous verrez que la colonne négative se remplit bien plus vite… Annie Ernaux me présente comme un plouc – elle emploie le mot, et ce n’est pas rien. Comment peut-elle manquer à ce point de bienveillance à mon égard ? On a passé plus de cinq ans ensemble, en voyageant dans le monde entier, en partageant beaucoup de choses. Son récit retranscrit factuellement la vérité des situations, mais tout est tellement décontextualisé que ça donne un texte tissé de mensonges par omission…”Entre dix exemples, Philippe Vilain en choisit un, particulièrement significatif : “Dans le livre, le jeune homme est caractérisé par ses goûts populaires, par exemple sa passion pour le foot. Et c’est vrai : je suis un grand amateur de foot. A l’époque, je regardais Téléfoot le dimanche matin. Mais n’est-ce pas injuste de me réduire à cinquante minutes de télé par semaine alors que j’étais en maîtrise de lettres modernes, fou de l’œuvre de Marguerite Duras, et que j’écrivais déjà ? Outre la violence de son jugement sur quelqu’un d’origine plus modeste qu’elle, Annie Ernaux n’est pas honnête intellectuellement, alors qu’elle se revendique d’une littérature de la vérité – c’est un peu gênant…”Fasciné par “La Place”Rembobinons les faits. Né en 1969 dans une cité ouvrière cosmopolite de Normandie, Philippe Vilain vit à côté des dortoirs Sonacotra. Fils d’un alcoolique, inscrit en BEP, il est promis à l’échec scolaire. Sa découverte de la littérature le sauve, lui permettant de “déjouer les déterminismes et le destin social, d’échapper à la fatalité” – il finira son cursus docteur ès lettres. A la fac de lettres de Rouen, il est fasciné par La Place, qu’il étudie. Il écrit à Annie Ernaux. Une correspondance commence entre eux. Un samedi soir d’octobre 1993, ils se rencontrent à Paris, au premier étage du Café de Flore. Un deuxième rendez-vous a lieu en janvier 1994 au Café de Cluny. La célèbre écrivaine de 53 ans propose à l’inconnu de 24 ans de l’accompagner chez elle à Cergy, où elle en fait son amant. Il accepte “sans plaisir” et se sentant “piégé”. Le lendemain, au réveil, le jeune homme est frappé par la beauté des lieux, “le parc de son importante maison bourgeoise” : “La maison était baptisée La Fabula – l’histoire. Je m’étonnais qu’on puisse nommer une maison, la personnaliser ainsi, suspectant du snobisme dans cette désignation italienne, l’orgueil affecté de la propriété et du territoire familial, la fierté patrimoniale, conservatrice, et je me demandais quel nom j’aurais donné à mon pavillon de la cité où j’habitais : La Zona ?” Vilain comprend qu’il s’est illusionné en lisant La Place : “Je pensais qu’Annie Ernaux venait du même milieu que moi, ce qui n’était pas le cas. Elle est issue de la France provinciale blanche. Ses parents étaient de petits possédants, propriétaires d’un café-épicerie à Yvetot. Elle a grandi derrière le comptoir, en allant à l’école privée. Si nous avions eu le même âge et que nous nous étions connus ados, je l’aurais considérée comme une bourge…”Pages de gratitudeDéjà notable chez Gallimard (elle a été lauréate du prix Renaudot dix ans avant leur aventure), Ernaux devient pour l’étudiant une “fée sociale”, une “préceptrice du XVIIIe siècle” : “Dans Le Jeune Homme, elle dit qu’elle se plaît à avoir été mon initiatrice, et elle l’a été d’une certaine façon. J’étais en maîtrise, sur la voie de la guérison scolaire ; elle a parfait ma culture et m’a rééduqué. Elle m’a mis à l’école de l’exigence littéraire, de la rigueur, de la méthode. Elle a restructuré ma pensée. Et puis elle m’a fait voyager et découvrir des mondes. C’est pourquoi il y a tant de pages de gratitude dans Mauvais élève.” La lune de miel ne dure qu’un temps. Dès 1996, Annie Ernaux fait paraître dans la revue L’Infini un texte très cru, “Fragments autour de Philippe V.”, où son amant est réduit au rang de “potiche sexuelle” – ce qui reviendra dans L’Occupation et dans Le Jeune Homme.Comment expliquer que toutes les plus grandes femmes de lettres françaises des deux derniers siècles aient eu en commun ce goût pour les hommes nettement plus jeunes qu’elles ? George Sand avec Alexandre Manceau, Colette avec son beau-fils mineur Bertrand de Jouvenel, Marguerite Yourcenar avec Jerry Wilson, Simone de Beauvoir avec Claude Lanzmann, Marguerite Duras avec Yann Andréa, Annie Ernaux avec Philippe Vilain… On parle à juste titre de prédateurs, mais les prédatrices sont légion. Vilain y voit une explication limpide : “Ce n’est pas une question de genre, mais de pouvoir. Un homme ou une femme qui a de la notoriété ou de l’argent s’autorise à rechercher la jeunesse, tout simplement. Le geste d’émancipation qu’a eu Annie Ernaux en imposant son désir au jeune homme que j’étais ressemble, j’imagine, à l’attitude de tous ces hommes de pouvoir avec des filles beaucoup plus jeunes. Pourquoi me chosifie-t-elle en se présentant comme dominante ? Dans les trois textes que je lui ai inspirés et où je la désire soi-disant beaucoup, le jeune homme n’est pas un être pensant, un apprenti écrivain qui s’est extrait de sa classe sociale ; il n’est plus qu’un corps, c’est violent… Inversons une seconde : si, aujourd’hui âgé de 55 ans, j’écrivais La Jeune Fille en employant les mêmes termes qu’Annie Ernaux, est-ce que ce serait apprécié ? Il y a fort à parier que je serais au contraire blacklisté…” En 1997, Vilain publie chez Gallimard son premier livre, L’Etreinte, un roman où il imagine sa séparation d’avec Annie Ernaux. En 1999, c’est elle qui le quitte. Mais, en l’an 2000, elle fait tout pour le ravoir, s’humiliant à ses pieds, lui proposant même qu’il s’installe chez elle à Cergy, avec un espace à lui. Il refuse. Il y a quelque chose de pathétique à se souvenir des textes d’Ernaux après avoir refermé Mauvais élève : la femme puissante était en vérité bien plus soumise qu’elle ne voulait l’admettre à son jeune amant…Mauvais élève rappelle Gare Saint-Lazare, une pépite méconnue parue en 1976 dans laquelle Betty Duhamel dévoile le vrai visage de son ex-petit ami Patrick Modiano, présenté comme un garçon manipulateur, cruel et intéressé par l’argent derrière ses airs de faux rêveur. Avec Mauvais élève tombe le masque de l’Ernaux officielle quand apparaît la véritable Annie. Dans l’un des passages les plus savoureux, Vilain manifeste avec elle aux côtés d’Arlette Laguiller et d’Alain Krivine, en hurlant : “Nous sommes tous des enfants d’immigrés, première, deuxième, troisième génération !” Ernaux est ensuite choisie comme “marraine républicaine” par un sans-papiers algérien désireux de se marier avec une Française. Elle va déjeuner avec le garçon à Amiens. Hélas, c’est un très pénible plouc – le genre à regarder Téléfoot. L’écrivaine n’a rien à lui dire, et Vilain clôt la scène ainsi : “En milieu populaire, c’était elle l’intruse.” Lors de notre conversation, il enfonce le clou : “Le peuple ne fait pas partie de l’entourage d’Annie Ernaux. Pour développer une pensée de classe sincère, les relations courantes comptent, il ne suffit pas de défiler de temps à autre. C’est la fréquentation assidue du peuple qui fait qu’on en est ou non. Avec ce sans-papiers, j’étais dans mon élément ; alors que c’était exotique pour elle. Elle était en plein dépaysement social…”Personnage démagogiqueDans des pages merveilleuses de poésie et d’humour, Vilain décrit la “vie luxueuse” de son initiatrice, ses “nombreuses prospections pour acheter une résidence secondaire”, “son raffinement byzantin pour le cérémonial du dîner”… Rappelons qu’Ernaux soutient La France insoumise. En 2022, l’écrivaine engagée avait participé avec Jean-Luc Mélenchon et Mathilde Panot à une marche contre la vie chère – un problème auquel elle n’est pas directement confrontée, avec ses tirages mirifiques ou le million d’euros reçus avec son prix Nobel. Etre l’icône de la littérature de transfuges de classe l’oblige à se composer un personnage démagogique : “C’est Annie Ernaux qui, la première, a emprunté à la sociologie le terme de transfuge de classe, et l’a fait entrer dans le champ littéraire avec La Place. Aujourd’hui, je vous concède qu’il y a une forme de falsification dans cette notion : beaucoup de gens veulent se présenter comme des transfuges de classe, sans doute pour accentuer leur mérite. C’est à la mode, mais l’expression est ambiguë et victime de son succès. On n’est pas transfuge de la même manière que l’on vienne des classes moyennes ou des classes inférieures. Un écrivain comme Nicolas Mathieu n’est pas transfuge de la même manière que moi : il était comme Annie Ernaux dans une école privée. Pour définir un véritable transfuge, il faut mesurer l’écart entre le point de départ et le point d’arrivée – même si on n’est jamais tout à fait arrivé avant la mort…” De telles comédies ne dupent pas les esprits lucides et Vilain, magnanime, se refuse à accabler Ernaux pour ses positions idéologiques : “Je regarde ça de loin désormais, du haut du Vésuve, avec mes jumelles. Je n’ai pas envie de commenter ce qu’elle dit sur le plan politique.”Nous aurions pu terminer sur cette note conciliante. Or, à la fin de Mauvais élève, Vilain glisse cet aveu nu : “Peut-être pour m’émouvoir, je ne sais plus, elle m’avait dit cette phrase terrible, que, en elle, la femme n’était pas toujours à la hauteur de l’écrivain.” Si l’écrivaine n’a rien d’une sainte, ça ne l’empêche pas d’être une icône dans les cercles les plus chics, les milieux les plus privilégiés. Interrogée par L’Express en 2022, elle reconnaissait trois “héritiers directs” : Didier Eribon, Edouard Louis et Nicolas Mathieu, l’actuel compagnon de Charlotte Casiraghi. Hasard ou coïncidence, un an avant cette interview, Annie Ernaux avait reçu le prestigieux prix littéraire Prince Pierre-de-Monaco pour l’ensemble de son œuvre. Eternel dilemme entre ghettos et gotha. Au pays des transfuges de classe (ou prétendus tels), les princes et les princesses vaudraient-ils mieux que les ploucs et les sans-papiers ?Mauvais élève, par Philippe Vilain. Robert Laffont, 236 p., 20 €.



Source link : https://www.lexpress.fr/culture/livre/philippe-vilain-ses-verites-sur-sa-liaison-avec-annie-ernaux-elle-ma-presente-comme-un-plouc-HOHKO76ZNZHCTODLWZ2542K5NY/

Author : Louis-Henri de La Rochefoucauld

Publish date : 2025-01-04 10:45:00

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Etats-Unis : ce rachat à 15 milliards de dollars bloqué par Joe Biden

Le président américain Joe Biden arrive à l'aéroport de Wilkes-Barre Scranton (Pennsylvanie, est) le 2 novembre 2024




Une importante transaction bloquée par Joe Biden. Le président américain vient de mettre son veto à la reprise d’US Steel, symbole de la sidérurgie outre-Atlantique, par le géant japonais du secteur, Nippon Steel. Un rachat qui “placerait l’un des plus grands producteurs américains d’acier sous contrôle étranger et poserait des risques pour notre sécurité nationale et nos chaînes d’approvisionnement essentielles”, a estimé le dirigeant, vendredi 3 janvier. L’accord était estimé à 15 milliards de dollars.Cette décision a été entérinée par Joe Biden à l’issue de discussions non concluantes du Comité pour l’investissement étranger aux États-Unis (Cfius), une instance chargée d’étudier les projets en la matière aux États-Unis. L’organisme n’est pas parvenu à déterminer s’il existait ou non un risque pour la sécurité nationale au sujet de la fusion d’US Steel avec Nippon Steel. Fin décembre, le Cfius avait donc laissé le soin à Joe Biden de trancher sur le dossier, qui fait l’objet de longues tractations ces derniers mois.Un rare consensus entre démocrates et républicainsFait rare, d’autant plus dans le contexte politique tendu des derniers mois sur la scène américaine : le choix du locataire de la Maison-Blanche sur ce dossier emporte le consensus des démocrates et des républicains. Malgré sa proximité avec certains acteurs économiques japonais, le président élu Donald Trump, dont l’investiture aura lieu le 20 janvier prochain, a également indiqué qu’il aurait lui aussi refusé d’autoriser la proposition de Nippon Steel. Le milliardaire s’est dit sur son réseau Truth Social “totalement opposé à ce que l’ancienne grande et puissante US Steel soit achetée par une entreprise étrangère”.Pourquoi Joe Biden a-t-il bloqué cette tentative de rachat ? La décision s’apparente avant tout à une volonté politique de ne pas laisser tomber dans l’escarcelle étrangère une entreprise qui fut un joyau de l’industrie américaine. US Steel a longtemps été un fleuron du secteur sidérurgique aux États-Unis. Créée en 1901, l’entreprise emploie aujourd’hui environ 14 000 salariés dans le pays. Le groupe a connu un riche passé, constituant notamment un des acteurs majeurs de l’économie de guerre durant la Seconde Guerre mondiale.Pour le président démocrate, l’image d’une firme passant sous le joug d’un groupe étranger n’aurait pas forcément été facile à faire accepter dans l’opinion publique américaine, d’autant plus à quelques jours de la passation de pouvoir avec Donald Trump et sa vision protectionniste. Le syndicat des métallurgistes USW a ainsi dit être “reconnaissant” vis-à-vis de cette décision. “Nous n’avons aucun doute qu’il s’agit du bon choix pour nos membres et notre sécurité nationale”, a salué l’organisation.Une position cruciale dans la “Rust Belt”Autre aspect stratégique qui a pesé dans cette procédure de blocage : la situation géographique des sites de l’entreprise. US Steel est très implanté en Pennsylvanie et son siège social est basé à Pittsburgh, grande ville de l’ouest de l’État. Soit au plein cœur de la “Rust Belt”, cette ceinture de territoires ouvriers qui s’étend sur une grande partie du nord-ouest des États-Unis.Une région particulièrement cruciale au moment du scrutin présidentiel américain, la Pennsylvanie constituant lors de ces dernières élections un swing state déterminant lors des résultats : remporté en 2020 par Joe Biden, l’État a été récupéré par son rival républicain après le vote de 2024. Pour le camp démocrate, l’ensemble des politiques socio-économiques mises en place dans cette zone, traditionnel berceau de l’acier américain, revêt donc un caractère politique toujours très sensible.Toutefois, avec l’abandon de ce projet de rachat par Nippon Steel, Joe Biden pourrait s’exposer à d’autres conséquences, cette fois sur le plan international. Le Japon a déjà fait part de sa désapprobation avec l’annonce officielle du veto du président américain. “[Il est] incompréhensible et regrettable que le gouvernement Biden ait pris une décision de ce type en invoquant des préoccupations pour la sécurité nationale”, a ainsi taclé le ministre japonais de l’Économie, du Commerce et de l’Industrie Yoji Muto, dans un communiqué transmis à l’AFP.Un mauvais signal pour les investissements étrangers ?Le refus opposé à l’entreprise du pays asiatique, principal investisseur sur le sol américain, pourrait-il freiner les velléités en la matière dans d’autres secteurs aux États-Unis ? La crainte est formulée par certains experts économiques. “Même si le Japon est à la fois un proche allié et un investisseur de longue date dans le pays, nous voyons l’abandon de ce projet comme une claire dissuasion pour les acteurs étrangers souhaitant s’engager dans le secteur de l’acier américain”, estime Bill Peterson, analyste spécialiste de l’industrie au sein de la banque d’affaires JPMorgan et dont les propos sont rapportés par Bloomberg.Les deux groupes, favorables à ce rachat, ont fustigé la décision de Joe Biden. Selon US Steel, cette décision pourrait même mettre en péril “des milliers” d’emplois. L’entreprise américaine a publié un communiqué commun avec Nippon Steel pour dénoncer, d’après elles, un choix sans “aucune preuve crédible d’un problème de sécurité nationale”. Elles disent envisager une action en justice pour contester l’arbitrage présidentiel, promettant “de prendre toutes les mesures appropriées pour protéger [leurs] droits”.



Source link : https://www.lexpress.fr/monde/amerique/etats-unis-ce-rachat-a-15-milliards-de-dollars-bloque-par-joe-biden-OB2NNWM6GJFV3HMZPA47GJTNKM/

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Publish date : 2025-01-04 10:50:35

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François Molins : “La réaction à Charlie Hebdo fut le dernier moment de concorde nationale”

François Molins à Lyon, le 6 avril 2024




Dix ans après les attentats de 2015 qui ont frappé Charlie Hebdo et l’Hyper Cacher, François Molins, procureur de Paris de 2011 à 2018, revient sur ces quelques jours qui ont profondément marqué la France. Au-delà des défis rencontrés et des leçons apprises, il partage aujourd’hui ses réflexions sur l’impact de ces événements dramatiques, non seulement sur la magistrature, mais aussi sur la société française.L’Express : Que vous reste-t-il dix ans après l’attentat contre Charlie Hebdo et l’Hyper Cacher ?François Molins : L’attentat, d’abord, ce sont des images qu’on n’oublie pas. Le souvenir est tellement fort que j’ai du mal à croire que c’était il y a dix ans. C’est aussi le souvenir d’une époque qui était vraiment très anxiogène. On avait l’impression d’être enfermés dans une spirale de la terreur qui se traduisait par une répétition régulière des attentats et qui nous renvoyait finalement à une forme d’impuissance, d’incapacité. C’est une période qui a duré trois ans, de 2015 à 2017, très dure à vivre parce que vous vous rendez compte que, quelles que soient l’ampleur et la valeur de votre travail, l’amélioration que vous y apportez ou la qualité de la collaboration avec les services de renseignement, vous n’arrivez pas à endiguer le phénomène terroriste.Que représentent les attentats de 2015 pour la magistrature en particulier ?Charlie Hebdo, c’est la bascule dans l’exportation de ce qu’on pourrait appeler le djihad global en Europe à son plus haut niveau. C’est la première étape des attentats majeurs qui vont secouer toute l’année 2015. Pour nous, magistrats, cette date charnière nous conduira à une autre façon de travailler face à l’augmentation considérable de la menace. Nous revoyons notre réponse judiciaire. Nous prenons l’habitude de fonctionner avec des retours d’expérience pour essayer de corriger ce qui fonctionne mal. Charlie Hebdo, par exemple, nous permet de nous rendre compte que la police judiciaire, à l’inverse du parquet, n’a pas des référents uniquement dédiés aux victimes et que la prise en charge n’est pas optimale. Le soir du 13 novembre révèle aussi des dysfonctionnements dans l’accueil des familles. Nous en tirons des enseignements pour éviter que cela se reproduise lors de l’attaque de Nice. Nous nous rapprochons aussi beaucoup des services de renseignement, nous travaillons beaucoup mieux qu’avant avec eux.Et en matière de politique pénale ?Avec les attentats de 2015, nous prenons conscience d’un phénomène que nous n’avions pas du tout pressenti : l’alliance entre les gens du terrain, qui appartiennent à al-Qaeda et à Daesh. En Syrie, ils se combattent mais chez nous, ils sont sans une entente objective pour se répartir les objectifs et s’entraîner pour préparer les attentats contre des Français, où qu’ils se trouvent. A partir de 2015, nous conduisons une réflexion qui va nous amener à modifier notre politique pénale et à considérer que tous ceux qui partent en Syrie rejoignent une association de malfaiteurs terroristes qui a pour but de commettre des attentats contre les personnes. Du jour au lendemain, toutes ces personnes sont mises en examen sur des bases criminelles et non plus correctionnelles. Elles ne sont plus justiciables du tribunal correctionnel de Paris avec des peines maximales de dix ans de prison, mais de la cour d’assises spéciale où elles encourent des peines de trente ans. Du jour au lendemain, nous avons un peu plus de 80 dossiers dans ce cas.Comment préserve-t-on les principes du droit dans un climat d’angoisse aussi intense que celui de 2015 ?Il est difficile de dire qu’on est complètement insensible à la pression, non pas à la pression populaire, mais à la pression de l’événement. Il y a alors des enjeux majeurs en termes de sécurité. La Syrie n’est pas loin, nous sommes confrontés au défi “d’entraver” l’action de tous ces gens qui ont basculé et sont susceptibles de commettre des attentats. Mais, et c’est en cela qu’on est dans un Etat de droit, c’est à la justice qu’on confie cette tâche à la suite du travail des services de renseignement. Et ce, dès 1986 avec la suppression de la justice d’exception – cour de sûreté de l’Etat et tribunaux militaires – et avec la création d’une équipe de magistrats spécialisés dans le terrorisme agissant dans le respect des grands principes conventionnels de la procédure pénale.Pendant l’année 2015, vous prenez beaucoup la parole. Pourquoi est-ce important ?Les attentats causent beaucoup de peur dans la population. Ils génèrent des situations de chaos. Et dans le chaos, il faut remettre les choses en ordre. Avec les attaques de Mohammed Merah déjà, nous avions pris conscience de la nécessité et de l’utilité de nommer les choses, de prendre la parole et de donner des éléments d’information aux gens. Or, le seul qui peut le faire, c’est le procureur, puisque la loi lui donne le monopole de la communication sur les enquêtes judiciaires.Dans les procès des attentats de masse, il y a beaucoup de victimes et un petit nombre d’accusés. Comment gère-t-on ce déséquilibre numérique ?Le 13 novembre est un très bon exemple montrant que la justice sait s’adapter. Le procès aura toujours pour but premier de statuer sur des accusations portées contre des personnes. Mais effectivement, il y a des centaines de victimes qui ont des droits parce qu’elles sont parties civiles et qui attendent beaucoup du procès. C’est une occasion pour elles de commencer à se reconstruire. Il faut le prendre en compte. La justice s’est adaptée, elle a fait en sorte que les victimes puissent toutes s’exprimer et leur a réservé suffisamment de temps. C’est un exemple qui montre que la justice française fonctionne bien quand on lui en donne les moyens. Et le fait que ce soit une cour d’assises spéciale – et non une justice populaire – n’y change rien. L’essentiel, c’est qu’on applique le droit. On l’a vu récemment avec la leçon donnée sur la définition de l’association de malfaiteurs terroristes dans le dernier arrêt de la cour d’assises à propos de l’affaire de Carcassonne et de Trèbes.La situation actuelle en Syrie réveille-t-elle vos inquiétudes ?Il faut être prudent à l’égard d’Abou Mohammed al-Joulani qui était un djihadiste mais qui semble être devenu très pragmatique. On saura assez vite à quoi s’en tenir en se fondant sur un élément : sa tolérance à l’égard des autres cultes en Syrie, qui sont nombreux – sunnites, chrétiens d’obédiences diverses, alaouites… Ce sera un signal. Mais c’est aussi de l’espoir pour les gros dossiers judiciaires que nous avons avec la Syrie. Quand j’étais en poste à Paris, j’avais ouvert une enquête à partir du fichier César (des dizaines de milliers de photographies documentant la pratique de la torture par le régime syrien d’Assad). A l’époque, il n’y avait aucune coopération internationale. Ce serait bien d’avoir des éléments qui permettent de faire avancer ces dossiers sur des faits qui sont particulièrement graves.Avez-vous le sentiment que les attentats de Charlie ont changé la société française ?Charlie, pour moi, à travers les réactions du pays aux attentats des 7, 8 et 9 janvier, est le dernier moment de concorde nationale, avec la manifestation monstre du dimanche 11 janvier, même s’il y avait des questions et des polémiques. Mais est-ce qu’il y a eu, depuis, une manifestation de concorde comme celle-là dans notre pays ? Clairement, la réponse est non. Je n’ai pas le sentiment que le pays soit plus uni aujourd’hui qu’il ne l’était il y a dix ans.Où serez-vous du 7 au 9 janvier ?Je serai aux cérémonies commémoratives. Sauf rares absences pour raisons professionnelles à l’étranger, j’ai toujours été présent.



Source link : https://www.lexpress.fr/societe/francois-molins-la-reaction-a-charlie-hebdo-fut-le-dernier-moment-de-concorde-nationale-QRJ3SPLJBNEPBAAVXM7U7ONZTE/

Author : Agnès Laurent

Publish date : 2025-01-04 11:00:00

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Les ETF séduisent de plus en plus : comment les utiliser pour un portefeuille performant

La salle de contrôle d'Euronext, société qui gère la Bourse de Paris




Si les ETF (exchange traded funds) ont mis du temps à s’installer dans le panorama des placements pour les particuliers, leur essor est aujourd’hui spectaculaire. Ces instruments associés à la gestion passive visent – pour la plupart – à reproduire un indice de marché. Une approche simple, lisible et peu onéreuse quand les fonds traditionnellement vendus aux épargnants cherchent à battre le marché, avec plus ou moins de succès. Désormais mieux connus et davantage diffusés dans les enveloppes d’épargne grand public, les ETF séduisent un nombre grandissant d’investisseurs en bourse. L’Autorité des marchés financiers (AMF) a ainsi noté une multiplication par quatre du nombre de particuliers français ayant réalisé au moins une transaction sur ETF entre le deuxième trimestre 2019 et le deuxième trimestre 2024.Investisseurs français actifs en ETF par trimestre (en milliers)Un engouement qui suscite des débats houleux entre promoteurs des ETF et défenseurs de la gestion active. “Certains pensent que la gestion active peut compenser ses frais par une bonne sélection de titres et d’autres estiment qu’il vaut mieux bénéficier des ETF qui répliquent des indices sans payer des commissions de gestion significatives, résume Pierre-Marie Piquet, responsable de la gestion sous mandat de BNP Paribas Banque Privée France. Cette dualité s’est accentuée ces dernières années car la gestion active a été mise en difficulté du fait de marchés dirigés par des phénomènes particuliers tels que l’explosion des “7 Magnifiques” aux Etats-Unis [NDLR : sept entreprises aux performances boursières exceptionnelles, Tesla et Nvidia en plus des Gafam].” Pourtant, rien n’oblige à choisir un camp et à s’y retrancher. “On oppose deux gestions qui peuvent être complémentaires”, assure Denis Khamphou, gérant de portefeuille chez Myria AM (groupe UFF). En effet, ces instruments peuvent se combiner pour tirer parti de leurs propriétés respectives.Difficile de faire mieux que le S & P 500Les fonds indiciels cotés sont généralement utilisés pour investir sur les grands marchés internationaux, lesquels représentent le cœur d’un portefeuille. En effet, plus un marché attire d’investisseurs et d’analystes, plus il enregistre de transactions, et plus il sera difficile pour un gérant de faire mieux que l’indice. C’est le cas de la Bourse américaine, réputée particulièrement compliquée à battre, a fortiori pour un gérant français qui ne dispose pas d’équipes locales. “Sur notre contrat Placement-direct Vie, assuré par Swiss Life, qui donne accès à 54 ETF, les plus souscrits répliquent des grands indices : le S & P 500, le MSCI World et le Nasdaq 100”, rapporte Henri Réau, directeur du développement du courtier en ligne. Une conclusion également valable pour la zone euro, sauf à vouloir se constituer un portefeuille de titres en direct sur ce marché domestique.Les ETF se prêtent aussi bien à un investissement thématique car l’offre s’est grandement étoffée. “Nous avons assisté à beaucoup de développement de produits autour de thèmes comme les infrastructures, la biodiversité, l’intelligence artificielle ou encore l’économie circulaire, souligne Pierre-Marie Piquet. Ces produits se rapprochent de la gestion active car ils répliquent un indice étroit composé d’une sélection de valeurs.”Par ailleurs, il est possible de combiner ce socle avec des gestions plus typées, proposées par des gérants de conviction. “Les ETF permettent de capter la hausse du marché et la gestion active vient apporter une surperformance potentielle, note Denis Khamphou. La combinaison des deux stabilise le portefeuille en limitant le risque de paris erronés.” Enfin, l’expertise de gérants spécialisés pourra être privilégiée pour des catégories d’actifs plus spécifiques telles les petites et moyennes capitalisations. “Sur un portefeuille équilibré en assurance-vie avec 50 % de fonds en euros et 50 % d’unités de compte, il est possible d’investir les trois quarts de la poche unités de compte sur les grands indices mondiaux via des ETF et de miser le solde sur des marchés plus réduits par l’entremise de gérants réalisant de la sélection de titres”, estime Henri Réau.Les épargnants avec une gestion plus réactive de leur portefeuille, notamment au sein d’un compte-titres, pourront aussi recourir aux ETF pour relever rapidement leur exposition à un marché, ces supports étant cotés en continu, contrairement aux fonds. Enfin, “nous pouvons réduire la proportion d’ETF lorsque la dispersion des performances sur un marché rend la gestion active plus pertinente”, ajoute Denis Khamphou. De l’avantage de disposer de multiples outils au service d’un même but : la performance.



Source link : https://www.lexpress.fr/argent/placements/les-etf-seduisent-de-plus-en-plus-comment-les-utiliser-pour-un-portefeuille-performant-3QLPAMLVXBBBRGFQNKJ4UAC6LA/

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Publish date : 2025-01-04 10:00:00

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Affaire Stormy Daniels : Donald Trump connaîtra sa peine… dix jours avant son investiture

Donald Trump lors d'un meeting le 22 décembre 2024 à Phoenix, dans l'Arizona




Mauvais timing pour Donald Trump. Si le président élu sera investi le 20 janvier prochain, une nouvelle échéance vient de se greffer à son calendrier personnel. Dix jours plus tôt, le 10 janvier, Donald Trump doit “comparaître pour sa sentence, à la suite de sa condamnation” au printemps dernier à New York pour des paiements cachés à Stormy Daniels, une star du X, a ordonné vendredi 3 janvier le juge du tribunal de Manhattan, Juan Merchan. Il a précisé ne pas être “enclin à imposer une peine d’incarcération” à l’ancien et futur locataire de la Maison-Blanche, âgé de 78 ans.Le magistrat a toutefois rappelé qu’une peine de prison ferme – avec un possible mandat de dépôt – était rendue juridiquement possible par la condamnation pénale historique au 30 mai dernier, après six semaines de procès en pleine campagne électorale, dans un climat électrique. Le condamné devra se présenter en personne au tribunal, au palais de Justice dans le sud de la grande île new-yorkaise de Manhattan, ou à distance par vidéo, mais il a jusqu’à ce dimanche pour faire connaître sa “préférence”.Le jury du tribunal de Manhattan l’avait reconnu coupable l’an dernier de 34 chefs d’accusation pour des paiements cachés à une star du porno, Stormy Daniels, effectués juste avant la présidentielle de novembre 2016. Il lui est reproché une “falsification comptable aggravée pour dissimuler un complot visant à pervertir l’élection de 2016”, qu’il avait remportée contre la démocrate Hillary Clinton.”Attaque politique illégitime”La justice a conclu que les 130 000 dollars versés à Stormy Daniels, Stephanie Clifford de son vrai nom, étaient censés la faire taire sur un bref rapport sexuel en 2006, alors que Donald Trump était déjà marié à Melania, alors enceinte de leur fils. L’intéressé nie toute relation sexuelle. Après des mois de recours et la victoire à la présidentielle du 5 novembre, le camp Trump n’a pas réussi à faire annuler ce verdict historique sur la base de l’immunité présidentielle. Celle-ci avait été élargie le 1er juillet par une décision de la Cour suprême des Etats-Unis.Sous une énorme pression politique, le juge Merchan avait plusieurs fois repoussé depuis le 30 mai le prononcé de la peine. Dans la soirée, Donald Trump a tonné sur son réseau Truth Social contre une “attaque politique illégitime qui n’est rien d’autre qu’une mascarade”, et s’en est pris une nouvelle fois au juge Merchan, “partisan extrémiste” et “sans respect pour la Constitution”.La volonté de ce magistrat d’aller au bout de la procédure pénale “est une atteinte directe à la décision de la Cour suprême concernant l’immunité”, avait écrit plus tôt dans un communiqué le porte-parole de Donald Trump, Steven Cheung. Il a dénoncé “les chasses aux sorcières” orchestrées selon lui par l’administration sortante de Joe Biden.”Prudence, rigueur et indépendance”Les avocats de Donald Trump – déjà nommés futurs numéros deux, trois et quatre du ministère de la Justice – avaient présenté cet automne un énième recours contre le verdict de Manhattan, invoquant le statut présidentiel de leur client, à la fois 45e et bientôt 47e président. Sans succès. Reste que depuis sa réélection retentissante, le républicain a vu son horizon judiciaire pénal se dégager presque complètement.La justice fédérale a abandonné deux procédures pénales pour tentatives illégales d’inverser les résultats de la présidentielle de novembre 2020, perdue contre Joe Biden, et pour rétention de documents classés après son départ chaotique de la Maison-Blanche. Au civil, en revanche, malgré là aussi l’argument de l’immunité, Donald Trump reste redevable de centaines de millions de dollars de dommages et intérêts dans au moins trois affaires jugées à New York.Le cas Stormy Daniels, instruit et jugé par la justice locale de l’Etat de New York, est donc le seul au pénal à aller jusqu’à son terme. Un scénario inédit dans l’histoire américaine. Des juristes pensent qu’il est beaucoup plus facile d’imposer à un président en exercice une responsabilité civile que pénale. Mais “l’excellent” juge Merchan a fait preuve dans ce dossier de “prudence, rigueur et indépendance”, s’est réjoui auprès de l’AFP le professeur de Droit de l’université de Richmond, Carl Tobias.



Source link : https://www.lexpress.fr/monde/amerique/affaire-stormy-daniels-donald-trump-connaitra-sa-peine-dix-jours-avant-son-investiture-6B4NS4VGFBCIJFT6SN2WAMRMWI/

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Publish date : 2025-01-04 07:54:26

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Macha Makeïeff au Mucem : “Je crois beaucoup à la puissance de la fantaisie”

La metteure en scène Macha Makeïeff investit le Mucem avec l'exposition "En piste !", un hommage aux saltimbanques.




Si l’on excepte le vestibule, qui fait office de préambule dans le vaste espace d’exposition temporaire du Mucem, En piste ! se déploie d’un seul tenant, riche en propositions et surimpressions, mises en regard d’objets, animaux empaillés grandeur nature, œuvres d’art d’hier et d’aujourd’hui, accessoires forains en tous genres. Beaucoup de choses, donc, mais que le regard peut embrasser dans leur ensemble. Hommage aux clowns, pitres et saltimbanques, c’est un parcours tissé de nostalgie et de lumière. Pour L’Express, la metteure en scène et scénographe Macha Makeïeff, inoubliable créatrice des Deschiens avec Jérôme Deschamps, revient sur la genèse de cette “exposition-spectacle” dont elle est la femme-orchestre. Entretien.L’Express : En piste ! se présente comme une “exposition-spectacle”. Comment l’avez-vous abordée ?Macha Makeïeff : C’est un spectacle immobile. J’ai trouvé intéressant d’investir ce grand parallélépipède, comme une nouvelle scène. Ce qui m’importait, c’est ce qui allait se passer avec le public. On a inventé une mécanique, une géométrie, où on peut déambuler, regarder. Dans un spectacle, on est très attentif à la musicalité, à la rythmique, et ici cette rythmique est faite de séquences, de couleurs, de mouvements. Il se passe quelque chose de cinétique pour les visiteurs. Il fallait que ce soit une machine qui se mette à bouger avec eux. Avec leur imaginaire, surtout, car tout n’est pas dit, on n’accumule pas les informations sur les objets, c’est l’imaginaire de chacun qui leur donne vie. Il s’agit, comme au théâtre, de rester dans le questionnement, dans la proposition. Qu’est-ce que tu fais de ça ? De ce dialogue entre Niki de Saint Phalle, ces trapèzes rapiécés, ce chien qui a l’air d’attendre la parade des clowns ? Ce qui se dit ici, c’est que le spectacle n’en finit jamais.D’où vient ce besoin intense d’exhumer des objets mis au rebut, de garder vivantes des choses qui n’existent plus ?Il y a l’obsession de mettre ces pauvres choses, ces attirails, ces bazars, ces bêtes à l’intérieur d’un récit qui raconte l’humanité. Là réside d’ailleurs la force du lien que j’ai avec le Mucem, qui conserve des objets déclassés. Les choses, celles du spectacle en particulier, constituent un conservatoire très humain. Et je voudrais qu’on sorte un point de vue là-dessus, sur le destin des choses et des êtres. Cela vient aussi de mon histoire personnelle : quand je termine un spectacle, je me retrouve avec ces costumes, ces accessoires, ces bouts de décor voués à disparaître, qui racontent le déclassement, le destin de l’artiste une fois la scène, la piste et les loges désertées. J’ai pensé l’exposition comme le prolongement du spectacle, une autre célébration de ceux qui sont laissés-pour-compte.N’y a-t-il pas quelque chose de l’ordre de la tristesse dans l’exhumation de ces vestiges d’un monde disparu ?Dans l’exposition, comme au théâtre, je crois beaucoup à la puissance de la fantaisie. Les figures convoquées ici sont souvent des artistes qui ont fait rire, qui ont fait sourire, qui disparaissent une fois le plateau démonté, le music-hall fermé ou le maquillage enlevé. Ils ont la conscience de ce décalage et de la fragilité de leur condition. Agnès Varda, qui a photographié partout des gens du cirque, du théâtre, a attrapé ça d’une façon admirable, ce quelque chose de joyeux et d’en même temps profondément mélancolique. J’ai eu la chance de bien la connaître et on parlait souvent de ces choses immobiles qui se mettent à bouger parce que notre regard sur elles bouge.”Hommage à Tati” (théâtre optique), 2010, par Pierrick Sorin.Vous avez créé des spectacles vivants, mais aussi des scénographies d’exposition. Aujourd’hui les deux se fondent finalement…La part plastique du spectacle vivant m’a toujours importée. Pour moi, relier les deux est juste. Dans cette déambulation au Mucem, il y a très peu de mots, hormis quelques textes d’introduction, des pancartes ici ou là où les poètes prennent la parole, mais il n’y a pas de commentaires écrasants parce que les objets, les bêtes et les œuvres sont suffisamment éloquents. On les a mis en perspective de manière qu’ils dialoguent, qu’ils racontent énormément à l’image des théâtres sans texte, comme le théâtre italien, par exemple, dont Molière s’est inspiré. Sur scène, on peut dire beaucoup de choses sans les mots.Vous convoquez notamment Jacques Tati…Il était venu voir les premiers spectacles qu’on a montés avec Jérôme Deschamps, il nous faisait venir dans son bureau et on passait des heures à l’écouter. C’était un grand monsieur qui a déposé en nous une exigence incroyable. Il figure dans l’exposition, notamment à travers l’œuvre de Pierrick Sorin, parce qu’il fait partie de ces saltimbanques. Avant même d’être un cinéaste, il partait en tournée dans des spectacles de music-hall. Colette disait de lui que c’était un centaure magnifique.Colette, justement, est l’une des figures tutélaires d’En piste !Elle est là à chaque instant, elle nous a couvés de sa pensée et de son regard tout au long de cette aventure. Colette, l’immense Colette, nous accompagne avec La Vagabonde et L’Envers du music-hall qui sont des livres fondateurs, tout aussi fondateurs que Stravinsky et Balanchine.



Source link : https://www.lexpress.fr/culture/art/macha-makeieff-au-mucem-comme-au-theatre-je-crois-beaucoup-a-la-puissance-de-la-fantaisie-KRXUZ3SVTBGV3BC6CGFKTQIB6E/

Author : Letizia Dannery

Publish date : 2025-01-04 09:00:00

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Mohamed El Khatib, le théâtre qui “répare” la société

Mohamed El Khatib et ses acteurs lors d'une représentation de La vie secrète des vieux.




Des récits qu’il recueille auprès d’enfants de divorcés, auprès de résidents en Ehpad ou de supporters du RC Lens, il crée des pièces de théâtre jouées par ces mêmes témoins propulsés comédiens. D’une collection de boules à neige, il tire un spectacle mêlant histoires intimes et grande Histoire avec Patrick Boucheron. D’une Renault 12 (ou d’une Peugeot 504), il bâtit une exposition/performance racontant le “retour au bled” dans des voitures surchargées de millions de familles dans les années 1960 et 1970. Voilà dix ans que Mohamed El Khatib promène de théâtres en musées, de scènes en espaces culturels son projet tant artistique que politique : élargir inlassablement les frontières du théâtre, trop souvent réservé à une petite partie de la population. Avec une méthode toute personnelle : faire monter sur scène les milieux populaires, à défaut de parvenir à les attirer en salle comme spectateurs.Qu’il s’agisse d’une femme de ménage dans Moi, Corinne Dadat, de gardiens de musée avec Gardien Party ou des “vieux” dans La Vie secrète des vieux, il explore les angles morts de la société et dévoile crûment la “vraie” vie de ces invisibles. Mais sans misérabilisme, ni démagogie. Sans moquerie, ni mépris. Son ambition avec ces spectacles où, dans le rôle de Monsieur Loyal, il accompagne ses acteurs amateurs ? “La rencontre, résume-t-il. D’abord pour moi, en travaillant avec des gens avec qui je ne suis pas censé œuvrer naturellement. Ensuite, en essayant de mettre en contact les spectateurs avec des profils qu’ils n’attendent pas, des groupes un peu fragilisés qu’on voit peu sur les scènes de théâtre en France.”Toujours sur le fil entre humour, tendresse et propos qui bouscule ou heurte, quelque part entre récit véridique et fiction, ses textes relèvent du travail documentaire qui ne se veut pas donneur de leçon, du propos politique qui ne s’affiche pas comme tel et du divertissement qui se refuse à n’être que cela. “Je suis très sensible à l’humour, c’est une forme de délicatesse”, énonce-t-il. Mais sa légèreté est porteuse d’une vision qu’il veut émancipatrice de la société. Lorsqu’il met en scène des résidents d’Ehpad, il parle de sexualité, de désir, mais aussi de solitude, d’homosexualité difficile à assumer et d’infantilisation de la part des enfants. Dans la même pièce, un personnage lâche au moment de se présenter : “Comme mon nom l’indique – Yasmine Hadj Ali –, je suis d’origine aide-soignante”. Une brève réplique qui dit un monde. “Beaucoup de gens revendiquent un théâtre politique mais dans le fond, il y en a très peu qui, concrètement, transforment la vie des gens. J’essaye de faire un théâtre qui soit d’utilité publique, c’est-à-dire qui tente de réparer quelque chose dans la société”, analyse-t-il. Des sujets souvent tus qui, espère-t-il, vont donner à ses spectateurs l’impulsion de regarder autrement ceux qui les entourent. Il se souvient qu’après avoir vu sur scène Corinne Dadat, aujourd’hui décédée, certains prenaient conscience qu’ils ne disaient jamais bonjour à la femme de ménage sur leur lieu de travail. “Mais c’est tout petit comme effet, hein ?” reconnaît-il.Installation de Mohamed El Khatib au Mucem en septembre 2023 lors d’une exposition intitulé Renault 12. Mohamed El Khatib pourrait être une somme de clichés. Sans cesse, il prend soin de s’écarter des idées reçues et des facilités. Il ne cache rien des origines de ses parents, marocaines et populaires, il en a tiré plusieurs spectacles, dont le Finir en beauté sur la mort de sa mère. Il assume ses études à Sciences Po et sa thèse de sociologie non terminée après une enfance à Orléans, mais de tout cela, il ne fait jamais une marque de fabrique. Pas de vocabulaire de transfuge de classe chez lui – “ni nier, ni héroïser”, dit-il – mais une attention et une réflexion sur ce qu’est la culture populaire et sur les moyens de mettre l’art à portée de tous. Le succès venant, il pourrait s’installer dans le confort de ne travailler que pour ceux qui fréquentent spontanément les lieux culturels, il s’y refuse. “Les histoires de la petite bourgeoisie culturelle dans des appartements parisiens ou les classiques comme Andromaque ou Bérénice, ça intéresse un certain type de public, mais ça en exclut un autre. Si on veut traiter d’un fratricide, on n’est pas obligés de faire des détours par la Grèce antique, il y a des récits plus actuels”, insiste-t-il.En juin, il expose la Joconde au Grand PalaisDans quelques mois, du 13 au 29 juin, son travail fera l’objet d’une “rétrospective” au Grand Palais, à Paris. En association avec le Centre Pompidou, trois de ses expositions/performances, cinq de ses spectacles accueilleront plusieurs milliers de spectateurs chaque jour. Le mot rétrospective lui fait peur. L’institutionnalisation, aussi. Un peu. Pas tant que ça finalement. Son complice, l’historien Patrick Boucheron, se moque de lui en lui accolant l’étiquette d’”artiste d’Etat”. Lui assume : “Il pourrait y avoir une vision romantique où je préfère être dans la marge et dire, je résiste, mais je n’aurais alors pas les moyens de travailler. Là, cela m’oblige à une responsabilité, à mettre ces moyens et ma notoriété au service des gens pour qui c’est difficile de prendre la parole. Presque à assumer une délégation de service public.”Lors de ces deux semaines, il veille à ce que les personnes qui ont participé à ses différents projets puissent être présentes, en particulier, les gens en situation de précarité qui ont travaillé avec lui dans le cadre du festival C’est pas du Luxe à la Collection Lambert, à Avignon. De ce moment, il veut aussi faire autre chose qu’une simple revue de ses œuvres passées. Là encore, il s’amuse à détourner les codes du milieu. A ceux qu’il croise ces jours-ci, il annonce avec fierté qu’il y aura la Joconde en guest-star de l’événement intitulé “Le Grand Palais de ma mère” parce que “sa mère ne connaissait qu’elle dans l’histoire de l’art”. En réalité, l’œuvre – et les fantasmes, déceptions, emballements qu’elle suscite – sera l’occasion d’interroger une fois de plus la relation du public – ou plutôt des publics – à l’art.Le Grand Palais marquera, pour Mohamed El Khatib, la fin d’un cycle de plus de dix ans qui lui a apporté la notoriété et des satisfactions mais lui laisse des frustrations. Certes, durant cette période, il a vu le théâtre s’ouvrir à des sujets de société peu explorés jusque-là, l’écologie, les questions sociales, le féminisme. Certes, il a vu émerger des lieux, comme le 104 à Paris ou le Grand T à Nantes, qui mélangent les disciplines, les publics, les ambitions. Mais le théâtre est encore trop souvent, à ses yeux, une cathédrale dans laquelle certains n’entrent jamais. Fort de son expérience avec la Mairie de Paris en août dernier pour les 80 ans de la libération de la capitale – il a imaginé le spectacle La Libération en fanfare –, et inquiet du climat politique, il veut désormais explorer d’autres formats, d’autres lieux.Un de ses projets est en voie de concrétisation avec le château de Chambord, où Pierre Dubreuil, le directeur général nommé en 2023, voudrait contrebalancer le “roman national” fait de mythes raconté au Puy du Fou par un “récit national” rassembleur et accessible au plus grand nombre. A l’été 2027, Mohamed El Khatib devrait y créer, avec Patrick Boucheron, un son et lumière racontant l’histoire de France en une dizaine de tableaux. L’idée ? Associer une technique très populaire à un propos très rigoureux pour saisir des visiteurs qui ne fréquentent que rarement les salles de spectacle. Rapprocher, toujours, encore, alors que, selon la dernière enquête du ministère de la Culture sur les pratiques culturelles des Français, seuls 14 % d’entre eux sont allés au théâtre dans les douze derniers mois. Un des arguments mis en avant par ceux qui n’y vont pas ? Ils “ne s’y sentent pas à leur place”.



Source link : https://www.lexpress.fr/societe/mohamed-el-khatib-le-theatre-qui-repare-la-societe-NUMV2EI5OJB5HPKNSYIJIGRSBQ/

Author : Agnès Laurent

Publish date : 2025-01-04 08:15:00

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“Le journal est bien vivant” : dix ans après l’attentat, la relève de “Charlie Hebdo” est là

Une pancarte "Je suis Charlie" dans un rassemblement de soutien à Charlie Hebdo, le 7 janvier 2015 à Clermont-Ferrand




Il y a des matins que l’on n’oublie pas. Comme des milliers d’autres Français, Biche se souvient parfaitement d’où il se trouvait le 7 janvier 2015, aux alentours de midi. Entre deux cours à l’école des beaux-arts de Caen, à quelques minutes de la pause déjeuner, l’apprenti dessinateur apprend que l’impensable s’est produit. En plein Paris, un commando de terroristes islamistes vient de tirer sur les membres de la rédaction de Charlie Hebdo à la kalachnikov, tuant 12 personnes. Il faudra plusieurs heures à l’étudiant pour comprendre que “quelque chose d’énorme, qui nous dépasse”, vient de se dérouler. Et que rien ne sera plus tout à fait comme avant. Sur Twitter et sur les bandeaux des chaînes d’information en continu, Biche voit s’égrainer le nom des victimes, illustres caricaturistes qu’il admire depuis l’adolescence. Cabu, Charb, Tignous… Deux ans auparavant, lors des entretiens d’entrée aux écoles d’art, ce sont précisément ces noms qu’il citait comme ultime référence devant les professeurs, étonnant parfois certains d’entre eux. “Ce jour-là, j’ai même reçu des messages d’amis du lycée qui me demandaient comment j’allais, parce qu’ils connaissaient mon amour pour ce journal”, retrace le jeune homme.Son intérêt pour les caricatures de Charlie Hebdo est venu “assez tôt”, en feuilletant des recueils de dessins. “Ce qui m’a plu tout de suite, c’est le droit de se moquer de tout. Je découvrais les politiques que je voyais parader à la télé complètement ridiculisés dans Charlie, ça me faisait rire, au même titre que Les Guignols de l’info”, raconte Biche. L’attentat de 2015, qui vise les journalistes de la rédaction pour cause de publication d’une caricature du prophète Mahomet, ne parviendra pas à dissuader le futur dessinateur. “Je n’ai ressenti ni peur ni réticence. Au contraire, ça m’a encouragé à pratiquer. Je dessinais en dehors des cours, je participais à des ateliers un peu sauvages de dessin de presse à l’école, avec le rêve d’un jour travailler pour Charlie”, confie-t-il.C’est chose faite : collaborateur du journal depuis sept ans, Biche a été repéré et contacté par la direction de Charlie Hebdo après sa participation à un concours de caricatures organisé par l’association Dessinez, créez, liberté, en 2015. Depuis, il n’a cessé de défendre la ligne éditoriale du journal, et n’a jamais douté de son engagement. “On cherche à bousculer le lecteur, à le questionner, notamment sur les valeurs de laïcité, de liberté d’expression, de droit au blasphème. C’est aussi un projet de société que l’on défend”, estime-t-il. Un investissement loin d’être anodin, alors que les collaborateurs de Charlie Hebdo sont encore, en 2024, menacés de mort, harcelés sur les réseaux sociaux, et restreints par une série de mesures de sécurité dans leur vie professionnelle et personnelle.Le dessinateur Biche a rejoint la rédaction en 2018.”Un nœud de haine difficile à défaire””On ne travaille pas à Charlie comme on travaille ailleurs”, souffle Marika Bret, ex-directrice des ressources humaines du journal et compagne de Charb, chargée de la transmission de la mémoire du dessinateur. A commencer par les contraintes sécuritaires qui visent les salariés de l’hebdomadaire, toujours ciblés par “des kilomètres de propos insultants et diffamants”, notamment sur les réseaux sociaux. “Il existe un rejet viscéral de certains contre les membres du journal, que l’on pourrait comparer à un brouillard épais. Il y a des menaces de mort, des appels au viol, des insultes par paquets”, commente l’ancienne DRH, qui compte “en dizaines” le nombre de ses visites au commissariat pour déposer plainte pour menaces de mort ou de viol contre les membres de la rédaction.”Il y a la menace islamiste, évidemment, mais pas que. On a aussi eu des gens en master que l’on ne peut pas accuser de ne pas savoir réfléchir, des anonymes sur les réseaux, de parfaits inconnus. Charlie cristallise un nœud de haine difficile à défaire, avec des pics de violence dès lors qu’une Une déplaît pour telle ou telle raison”, déplore-t-elle. Dans un tel contexte, l’adresse du journal est toujours tenue secrète, et ses collaborateurs ont interdiction d’y organiser un rendez-vous au pied levé avec une source ou toute autre personne étrangère à la rédaction. Plusieurs membres du journal bénéficient encore d’une protection policière quotidienne, tandis que chaque reportage doit être préparé “largement en amont” pour des raisons de sécurité. “Pour tous les déplacements, les renseignements territoriaux sont prévenus, au cas où”, assure Marika Bret.Même prévention sur l’usage des réseaux sociaux, auquel est largement sensibilisée la rédaction de Charlie Hebdo. “Les stories Instagram d’une soirée au restaurant en mentionnant l’adresse du lieu sont par exemple fortement déconseillées”, précise Eric Delbecque, ancien responsable de la sécurité du journal, arrivé après les attentats de 2015. “Les mesures de sécurité sont conçues comme si vous aviez affaire à des personnes très rigoureuses, capables de tout épier, pour finalement atteindre le journal. Malgré le temps qui passe, une attaque peut survenir n’importe quand”, explique-t-il, rappelant les événements du 25 septembre 2020, lorsqu’un homme avait blessé grièvement deux personnes au hachoir devant les anciens locaux du journal, pensant viser des salariés de Charlie Hebdo. “Les règles sont permanentes : elles vous suivent pendant vos vacances, vos soirées dans un bar, vos discussions avec vos amis. C’est sans répit”, rappelle Eric Delbecque, qui vient de publier Les Irresponsables. Dix ans après Charlie Hebdo (Plon).”Si t’as des angoisses, ça n’aide pas !””Je ne m’attendais pas à ce degré de sécurité quand je suis arrivée, mais on prend vite le pli. On va dire que 90 % du temps, je n’y pense pas”, témoigne Coline Renault, rédactrice pour Charlie Hebdo depuis 2023. Depuis un an, la journaliste a pris de nouvelles habitudes, comme celle de ne plus donner son adresse précise lorsqu’elle commande un taxi, de ne pas mentionner où elle travaille lorsqu’elle prend un covoiturage, ou encore de faire enlever l’adresse de ses parents sur sa carte de presse floquée Charlie Hebdo. La journaliste porte aussi une attention particulière à ses messages sur les réseaux sociaux : lors d’une réunion avec la direction générale de la Sécurité intérieure (DGSI), les agents ont exposé à la rédaction ce qu’il était possible de retrouver au sujet de leur vie personnelle sur Internet. “Un de mes collègues avait laissé un commentaire sur la page Google d’un bar, en disant qu’il était génial et qu’il y allait tous les vendredis. Typiquement, ils lui ont dit que c’était à éviter, pour que personne ne puisse savoir ce qu’il fait de toutes ses fins de semaine”, résume la rédactrice. Pour Coline Renault, la question de travailler sous pseudo ne s’est néanmoins jamais posée. “On m’a laissé le choix, mais je ne me voyais pas travailler ici à moitié, avoir un pied dedans et un pied dehors. Je pense qu’il est important qu’une nouvelle génération accepte de travailler pour Charlie en son nom, sans en avoir honte”, estime-t-elle.”Si t’as des angoisses, ça n’aide pas de travailler pour Charlie Hebdo, c’est certain !” plaisante de son côté Jean-Loup Adénor, rédacteur en chef adjoint du journal depuis 2023. Parfois, le journaliste admet avoir des réflexes qu’il n’aurait jamais eus auparavant, comme ce jour où il a changé de rame de métro et fait un long détour avant de rentrer au journal après avoir eu la sensation d’être suivi par un homme, à la suite de l’interview d’un jeune militant iranien. Même sentiment d’oppression après s’être réuni avec ses collègues dans un bar parisien à la mort de Simon Fieschi, ex-webmaster du journal, en octobre dernier. “On a passé la soirée tous ensemble, et, le lendemain, notre community manager nous a expliqué qu’un internaute avait posté un message sur Reddit pour dire qu’il avait croisé des membres de la rédaction dans cet endroit. C’était assez stressant”, confie-t-il. Parfois, le rédacteur en chef adjoint est rattrapé par l’absurdité de ce quotidien. “Je regarde ces dessinateurs qui sont de vrais artistes, avec une âme de gamin, qui rigolent en dessinant des sexes et sont dans le même temps protégés par des policiers avec des armes longues. C’est à la fois très paradoxal et très violent.”Biche, de son côté, tente de gérer ces situations “sans se laisser submerger par les angoisses”, malgré “une certaine fatalité”. “Je sors et je rentre du journal plusieurs fois par jour, et je pense chaque fois qu’il est possible que quelqu’un me tombe dessus… Mais c’est un rappel devenu normal, un peu comme je penserais au fait de devoir aller acheter du pain”, résume-t-il. En 2020, entre le procès de l’attentat de 2015, l’attaque devant les anciens locaux du journal, puis l’assassinat de Samuel Paty, le jeune homme a décidé de supprimer certains de ses comptes sur les réseaux sociaux. “J’ai fait quelques dessins qui n’ont pas plu, et j’ai reçu des messages d’insultes en masse, des menaces de mort sur Twitter ou Instagram… C’était trop. Et, en même temps, je sais très bien pourquoi je suis là”, confie le dessinateur. En 2024, le relais du fameux “esprit Charlie” n’a, selon lui, jamais été si important : “C’est-à-dire choisir de rire de tout, critiquer les religions qui cherchent à prendre une place toujours plus grande, laisser plus de place à la réflexion et moins à la réaction.”Charlie “jusqu’à ce que”Pour la nouvelle génération Charlie, le quotidien n’est pas toujours aisé. “Il existe beaucoup de clichés sur la rédaction, avec un storytelling assez toxique sur le fait que certaines Unes seraient racistes ou islamophobes. Nous sommes précisément renvoyés à ce que nous combattons, avec un profond sentiment d’injustice qui peut en ressortir”, fait valoir le rédacteur en chef du journal, Gérard Biard. “Les discussions sur Charlie autour de moi, c’est constant. Je n’avais pas réalisé à quel point certains ne comprennent pas les caricatures, ne savent pas les lire, n’essaient pas d’y réfléchir ni de sortir de leur zone de confort”, regrette Coline Renault, qui continue d’expliquer et de réexpliquer la démarche du journal – malgré une certaine lassitude lorsqu’un énième débat sur les caricatures de Mahomet est lancé par des inconnus lors d’un dîner. “Mais je n’ai jamais considéré ça comme trop lourd à porter. La liberté que j’ai au sein du journal, son ton, la manière dont il m’oblige à penser en dehors des cadres et des dogmatismes l’emporte de loin dans la balance avantages-inconvénients”, plaide la journaliste.En tant que rédacteur en chef adjoint de Charlie Hebdo, Jean-Loup Adénor admet avoir “vite été étiqueté” par certains proches. Le journaliste ne compte plus les fois où il s’est subitement découvert le rôle “d’avocat du journal”, souvent pris à partie au sujet des caricatures religieuses, ou plus récemment sur les dessins réalisés pour couvrir le procès des viols de Mazan. “Il y a des gens qui se disent Charlie ‘jusqu’à ce que’… C’est-à-dire, jusqu’à ce que le journal parle de quelque chose qui les choque eux, d’un sujet qui leur déplaît, ou qui les vexe. A l’inverse, certains en veulent au journal de ne pas avoir défendu une cause qui leur est chère, et mettent beaucoup de choses sur le dos de Charlie”, décrit-il.Biche a également observé une “bascule dans le discours politique” sur les sujets régulièrement traités par la rédaction. “La laïcité, la lutte contre l’antisémitisme ou la défense des classes populaires sont, à l’origine, des fondamentaux de gauche, qui ont peu à peu été récupérés par l’extrême droite. On voit bien que certains utilisent ‘l’esprit Charlie’ comme une espèce de totem d’immunité pour faire passer des idées que nous ne défendons pas”, regrette le dessinateur. “D’ailleurs, il peut arriver qu’on intervienne, quand on considère que certains s’abritent derrière Charlie pour dire des choses qu’on se refuse à dire. Charlie n’est pas un paillasson”, précise Gérard Biard.”Casser certains mythes”Pour éduquer les plus jeunes à ce que représente réellement “l’esprit Charlie”, le journal travaille en collaboration avec l’association Génération Charlie, créée par Martin Lom, pigiste au sein de la rédaction. A 20 ans, cet étudiant de Sciences Po Lille est bien conscient de “la fracture entre une partie de la jeunesse et certaines valeurs portées par Charlie Hebdo”, et a décidé de réaliser un tour de France des universités avec une partie de l’équipe de l’hebdomadaire. “Beaucoup de jeunes vont avoir tendance à se braquer et rejeter toute forme de débat lorsqu’on parle de religion, par exemple. On essaie d’ouvrir cette discussion, et de casser certains mythes autour de Charlie, souvent uniquement connu pour les attentats ou les débats autour des caricatures de Mahomet”, explique le journaliste.Un peu plus d’un an après sa création, l’association revendique déjà “une cinquantaine d’adhérents” un peu partout en France. Avec ses 31 000 abonnés, sa cinquantaine de collaborateurs et sa moyenne de 20 000 exemplaires vendus chaque semaine – avec des pics pouvant atteindre les 96 000 ventes -, l’hebdomadaire résiste. “Le journal est bien vivant, et les jeunes journalistes qui l’ont rejoint sont là pour longtemps”, fait valoir Jean-Loup Adénor. Quelques jours avant l’anniversaire de l’attentat de 2015, le rédacteur en chef adjoint fait taire définitivement les terroristes qui pensaient, il y a dix ans, avoir “tué Charlie Hebdo”.



Source link : https://www.lexpress.fr/societe/le-journal-est-bien-vivant-dix-ans-apres-lattentat-la-releve-de-charlie-hebdo-est-la-MOPXT4B3TJF2TL4TRH7VBYHIDA/

Author : Céline Delbecque

Publish date : 2025-01-04 08:00:00

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Nouvelle-Orléans, Syrie, Sahel… Pourquoi il faut craindre la remontée en puissance de Daech

Un bouquet de roses a été déposé non loin des lieux de l'attaque à la voiture-bélier qui a fait 15 morts lors du Nouvel An à la Nouvelle-Orléans, en Louisiane, le 2 janvier 2025




La victoire est à mettre au crédit de la première administration Trump. Fin mars 2019, le dernier bastion syrien de l’État islamique (EI) tombe, à Baghouz, sur le bord de l’Euphrate. “Je suis heureux d’annoncer qu’avec nos partenaires de la coalition internationale […], parmi lesquels les forces de sécurité irakiennes et les Forces démocratiques syriennes (FDS), les Etats-Unis ont libéré tous les territoires contrôlés par l’EI en Syrie et en Irak, 100 % du califat”, se félicite alors le président républicain. Il se montre néanmoins prudent : “Nous resterons vigilants […] jusqu’à ce que l’organisation soit vaincue, où qu’elle soit”.Six ans plus tard, l’EI n’est toujours pas vaincu. Pire, le groupe terroriste refait parler de lui, sur le sol même des Etats-Unis. Et le tout à une vingtaine de jours du retour à la Maison-Blanche d’un Donald Trump ne s’attendant probablement pas à retrouver un tel dossier sur son bureau. En pleine nuit du Nouvel An, Shamsud-Din Jabbar, un ancien militaire de 42 ans, né au Texas, a foncé, en pick-up, dans la foule festive du centre historique de la Nouvelle-Orléans, faisant au moins 15 morts et plusieurs dizaines de blessés. Avant l’attaque, il a publié des vidéos où il précise être inspiré par l’Etat islamique, dont il avait le drapeau dans son véhicule.L’attentat confirme la réémergence, l’an dernier, de l’EI comme menace internationale. Le 3 janvier 2024, près d’une centaine de personnes ont été tuées à Kerman, en Iran, lors d’un hommage au général Qassem Soleimani (éliminé par un drone américain en 2020), par deux hommes équipés de ceintures explosives. L’attentat a été revendiqué par l’EI et attribué à sa branche d’Asie centrale (l’Etat islamique – Province de Khorasan), de même que celui, le 22 mars, de la salle de concert du Crocus City Hall, à Moscou. Ce jour-là, quatre personnes ont attaqué à l’arme automatique les spectateurs, avant de mettre le feu au bâtiment, faisant 145 morts et des centaines de blessés. Puis en juillet, l’EI a aussi revendiqué son premier attentat à Oman avec l’assassinat de six personnes dans une mosquée chiite.A cela s’ajoute une recrudescence des projets d’attentats djihadistes en Occident. Plusieurs ont été déjoués par les services de sécurité en France, au cours de l’année – deux personnes de 18 ans ont ainsi été interpellées, fin juillet, après la création d’un groupe sur les réseaux sociaux pour recruter des partisans de Daech (l’EI en arabe) prêts à perpétrer une attaque pendant les Jeux olympiques. Aux Pays-Bas, au Royaume-Uni, en Espagne, en Italie, en Allemagne, en Hongrie, en Suisse et ailleurs sur le continent, des dizaines de suspects ont été arrêtés pour la détention ou la diffusion de propagande de l’EI, leur appartenance ou leur soutien à l’organisation, voir pour des projets d’attentats, comme celui visant, en Autriche, un concert de la chanteuse américaine Taylor Swift.Cette recrudescence était également patente aux Etats-Unis avant même l’attentat de la Nouvelle-Orléans, comme le rappelle le chercheur Aaron Zelin, du Washington Institute. “Sur les 14 arrestations liées à l’EI aux Etats-Unis en 2024, cinq l’étaient pour des projets d’attentat, précise-t-il sur le site de référence qu’il a fondé, Jihadology. Ils visaient des églises dans l’Idaho, des établissements LGBTQ à Philadelphie, des synagogues et centres juifs à New York, des bureaux de vote le jour des élections à Oklahoma City et une gay pride à Phoenix.” Il note également, dans une tribune publiée en juillet, que “la Turquie est devenue un épicentre des projets d’attentats de l’EI, le pays ayant enregistré [en 2023] le plus grand nombre d’arrestations liées à l’EI au monde”.L’EI se consolide en AfriqueLa plupart de ces violences et de ces projets d’attentats semblent être le fait de personnes guidées, via Internet, par des membres de l’Etat islamique, ou par des individus “inspirés” par une propagande sur Internet traduite dans de nombreuses langues. “Les attaques relèvent de différentes branches de l’EI avec qui le lien se fait en ligne, via des modes d’emploi opérationnels, note Lucas Webber, analyste au sein de la plateforme Tech Against Terrorism. L’EI montre ainsi sa détermination à frapper l’Occident et en particulier les Etats-Unis, vus comme un acteur puissant et influent dans les régions où agit l’EI, avec pour message que malgré la fin de leur territoire en Irak et Syrie, ils ont la capacité de se venger.”Ces attaques téléguidées surviennent alors que plusieurs pays sont dans l’incapacité d’éradiquer les branches de l’EI prospérant sur leur sol. L’EI-Khorasan est la priorité sécuritaire des Talibans, victimes de leurs attentats en Afghanistan. La tendance est à un déplacement du centre de gravité de l’organisation vers le sud et en particulier vers l’Afrique, où l’EI consolide ses opérations. “Plusieurs fronts se sont développés : un front sahélien de 2 000 à 3 000 combattants, selon l’ONU, un front autour du lac Tchad de 4 000 à 7 000 personnes, un autre en Somalie comptant quelques centaines d’hommes en armes, dont des étrangers, souligne Marc Hecker, directeur adjoint de l’IFRI et coauteur de La Guerre de vingt ans : Djihadisme et Contre-terrorisme au XXIe (Robert Laffont, 2021) avec Elie Tenenbaum. Mais pour le moment cette menace paraît plutôt régionale, sans capacité de s’exporter vers l’Europe.”Depuis la chute récente du régime de Bachar el-Assad, l’inquiétude porte sur la résurgence possible d’un sanctuaire à partir du désert syrien. Le 31 décembre, la France a mené, pour la première fois depuis plus de deux ans, des frappes sur deux positions de l’EI dans cette région, dans la lignée des dizaines de bombardements effectués au début du mois par les Etats-Unis sur d’autres sites du groupe terroriste. Malgré la fin du califat, l’EI reste actif dans la région. A cela s’ajoute le risque que représentent les milliers de ses combattants détenus, avec leurs familles, dans les camps et les prisons sous la responsabilité des groupes kurdes en Syrie, dans le viseur du pouvoir turc.Cette remontée en puissance djihadiste intervient alors que cette menace n’est plus la priorité de la Maison-Blanche. Un cycle stratégique s’est refermé, commencé par les attentats du 11-Septembre et achevé, d’une certaine façon, avec le retrait d’Afghanistan au profit des Talibans. Pour Washington, la Chine est dorénavant la principale priorité stratégique, suivie par la Russie. “Il y a moins de ressources qu’auparavant consacrées au contre-terrorisme, constate Lucas Webber. Mais les acteurs comme l’EI ou Al-Qaida vont persévérer dans leur volonté d’attaquer, il faut donc maintenir une vigilance importante, en se focalisant notamment sur les activités en ligne et les empreintes qu’y laissent les djihadistes, pour les entraver.”Donald Trump pourrait décider que la lutte antiterroriste doit davantage se focaliser sur les islamistes et moins sur la menace de l’extrême droite (mise en lumière par l’invasion du Capitole le 6 janvier 2020 par des partisans du leader républicain). Il semble en tout cas peu probable que la nouvelle administration donne plus de moyens militaires à la lutte contre l’EI, alors que la tendance semble aller à une réduction des engagements militaires à l’étranger. “Il faudrait quelque chose de beaucoup plus gros que ce qui s’est passé à la Nouvelle-Orléans, avec des liens massifs et avéré au Moyen-Orient ou en Asie centrale, estime Marc Hecker. En gros, sans nouveau 11-Septembre, pas de second cycle de guerre contre le terrorisme.”



Source link : https://www.lexpress.fr/monde/nouvelle-orleans-syrie-sahel-pourquoi-il-faut-craindre-la-remontee-en-puissance-de-daech-MB6R4UBUDRCZXOH77LU4NQB7FE/

Author : Cyrille Pluyette

Publish date : 2025-01-04 07:00:00

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Les quatre erreurs d’Elon Musk qui pourraient lui coûter son alliance avec Donald Trump

Donald Trump et Elon Musk assistent à un combat de MMA au Madison Square Garden de New York, le 16 novembre 2024




Washington n’est pas X. Dans les couloirs feutrés du Capitole, les provocations d’Elon Musk ne suscitent guère l’enthousiasme. Après des mois d’entente parfaite avec Donald Trump, Musk ne perçoit pas qu’un orage se forme au-dessus de sa tête. Le patron de SpaceX et de Tesla s’adonne à un jeu dangereux depuis quelques semaines. Son premier faux pas ? N’avoir rien changé à son comportement sur les réseaux sociaux. Sur X, où il dispose d’une audience bien plus vaste que les chefs d’Etat, Elon Musk a multiplié les déclarations politiques chocs. Le 2 janvier encore, il a accusé le gouvernement britannique de Keir Starmer de diriger un “Etat policier tyrannique”, appelant à le sortir via “de nouvelles élections”.L’allié de Trump a également apporté un soutien bruyant au parti d’extrême droite allemand AfD, à deux mois des élections législatives, qualifiant le chancelier Olaf Scholz de “tyran antidémocratique”. Des déclarations sidérantes au vu de la stature politique que Donald Trump lui a conférée. “Qu’une figure proche du président mène une politique étrangère fantôme peut avoir de graves conséquences. Les dirigeants étrangers vont légitimement se demander qui parle réellement au nom des Etats-Unis”, confie à L’Express David Dayen, directeur exécutif de la revue de gauche The American Prospect.Elon Musk ne se pique pas que de politique internationale. Quelques jours avant Noël, les républicains ont découvert, effarés, l’étendue de son influence. Alors qu’ils avaient négocié un accord bipartisan prolongeant le financement de l’Etat fédéral jusqu’à mars, le milliardaire a torpillé leur texte sur X, publiant en une journée plus de 150 messages furibonds. Une soufflante qui a eu des retombées très concrètes, Elon Musk étant suivi par 200 millions d’abonnés. “Tous nos bureaux ont été inondés d’appels de nos administrés”, reconnaît le sénateur du Tennessee Bill Hagerty, au micro de CNN.Elon Musk ciblé par des partisans MagaContraints de faire machine arrière, les républicains ont réussi in extremis à trouver un nouvel accord avec les démocrates. Qui ne sont pas privés de gloser sur l’influence du “président Musk”. “Non, il ne sera pas président […]. Il ne peut pas l’être, il n’est pas né dans ce pays”, a répliqué Donald Trump, lors d’un meeting, affirmant “être serein”. Le fait qu’il réagisse à cette controverse montre néanmoins à quel point cette supposition l’irrite.Elon Musk ferait bien d’en tenir compte. D’autant que d’autres boulets le handicapent : ses préoccupations d’entrepreneur du numérique l’opposent fréquemment à la base Maga. Comme tous les patrons de la “Vallée”, Elon Musk est très favorable au permis H-1B pour les immigrés qualifiés. Ce qui déplaît fortement à certaines figures du camp Trump telles que Laura Loomer ou Matt Gaetz. Steve Bannon, l’ancien stratège du président élu, a même accusé le visa H-1B d’être une “escroquerie des oligarques de la Silicon Valley pour prendre les emplois des citoyens américains”.La question du découplage des Etats-Unis avec la Chine “pourrait également provoquer des frictions”, observe Giorgos Verdi, chargé de mission au Conseil européen des relations étrangères. L’adoption d’une ligne ferme à l’égard de la deuxième puissance mondiale fait désormais consensus à Washington. Donald Trump est celui qui a inscrit le géant Huawei sur liste noire. Joe Biden, quant à lui, a durci les sanctions vis-à-vis de la Chine, privant le pays des semi-conducteurs de pointe. “L’idée de ne pas encourager les capacités d’un adversaire potentiel a émergé dans les années 1980. Mais le sujet a vraiment pris de l’importance dans les années 2010”, précise Mathilde Velliet, chercheuse à l’Institut français des relations internationales.Comme de nombreux magnats de la tech, Elon Musk a des intérêts économiques majeurs en Chine. C’est le deuxième marché de Tesla, et l’usine de Shanghai constitue son plus gros site de production. Le fait que l’accord bipartisan auquel il s’est férocement opposé en décembre contienne une disposition qui aurait contrôlé plus strictement les investissements américains en Chine et que celle-ci ait disparu de la nouvelle version a fait tiquer les démocrates. La future administration Trump s’annonce, en outre, comme la plus anti-Chine de l’Histoire, avec des faucons tels que Marco Rubio ou Mike Waltz dans ses rangs. Si Donald Trump chante aujourd’hui les louanges d’Elon Musk, il ne lui donnera pas éternellement raison contre son propre camp.



Source link : https://www.lexpress.fr/economie/high-tech/les-quatre-erreurs-delon-musk-qui-pourraient-lui-couter-son-alliance-avec-donald-trump-EJUBYIRILFFPDBCIDSBGJWIR4A/

Author : Anne Cagan

Publish date : 2025-01-04 06:30:00

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L’allié de Donald Trump, Mike Johnson, réélu à la tête de la Chambre des représentants

Le président républicain de la Chambre des représentants, Mike Johnson, s'exprime devant la presse au Capitole de Washington, le 20 décembre 2024




Donald Trump évite le chaos au Congrès. La Chambre des représentants, à majorité conservatrice, a voté ce vendredi 3 janvier le maintien de son actuel président ou “speaker”, Mike Johnson.Cet élu de Louisiane, très religieux, a pu compter sur l’appui du président élu, malgré l’hostilité d’une poignée d’élus républicains. Il a réussi à être réélu dès le premier tour de vote.Au coeur des reproches faits à Mike Johnson par ces quelques élus républicains : l’accord budgétaire qu’il a négocié récemment avec les démocrates pour éviter une paralysie des services publics fédéraux juste avant les fêtes.



Source link : https://www.lexpress.fr/monde/amerique/etats-unis-lallie-de-donald-trump-mike-johnson-reelu-a-la-tete-de-la-chambre-des-representants-3LV3NGDS2FAG7PQ32OWGDQ6COY/

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Publish date : 2025-01-03 19:54:25

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En Corée du Sud, le tout-puissant service de sécurité du président déchu qui défie la justice

Les partisans du président déchu Yoon Suk Yeol massés dans la rue près de l'enceinte présidentielle, vendredi 3 janvier 2024.




Vendredi 3 janvier, 8h03. Les négociations sont en cours. Les gardes du corps du président déchu sud-coréen donnent finalement le feu vert. Une cinquantaine de fonctionnaires du Bureau d’enquête sur la corruption des hautes personnalités (CIO) et des policiers pénètrent dans l’enceinte de la résidence présidentielle. Mais la mission est encore loin d’être remplie.Des minibus et des voitures utilisés par le Service de sécurité présidentiel (PSS) bloquent les portes intérieures du bâtiment. Derrière les véhicules : des centaines d’agents du PSS se donnent la main et forment une chaîne humaine. Les enquêteurs devront passer cette nouvelle épreuve pour tenter d’exécuter le mandat d’arrêt contre le président sud-coréen Yoon Suk-yeol, accusé d’insurrection.Après six heures de confrontation, à 13h30 (heure locale), le CIO renonce finalement à l’arrestation du président déchu, invoquant des inquiétudes pour la sécurité de son personnel. Dans une déclaration, le Bureau d’enquête sur la corruption des hautes personnalités a exprimé de “profonds regrets” face à cette situation, accusant l’homme politique et son service de sécurité de ne pas avoir respecté les procédures légales. Mais quelques heures après les faits, une question demeure : qui sont ces gardes, prêts à défier la justice pour protéger un président déchu ?Park Jong-joon, l’homme derrière le blocusCréé en 1963, le PSS est l’équivalent sud-coréen du Secret Service américain, chargé d’assurer notamment la sécurité du chef de l’Etat et de la résidence présidentielle. Problème : la loi sur la sécurité présidentielle lui octroie des pouvoirs considérables, lui permettant, par exemple, de prendre toutes les mesures qu’il juge nécessaires pour sécuriser le lieu où se trouve le chef de l’Etat. Ses membres, triés sur le volet parmi les rangs de la police, de l’armée et des services de renseignement, sont commandés par des responsables directement choisis par le président. Son premier chef, Kim Yong-hyun, était d’ailleurs un ancien camarade d’école de Yoon Suk-yeol.A sa tête désormais : Park Jong-joon, le personnage à l’initiative de ce blocus. Né en 1964 à Gongju, dans la province du Chungcheong du Sud, l’actuel chef du PSS a commencé sa carrière en passant l’examen de la fonction publique supérieure en 1985, en tant que plus jeune candidat du concours. Le Sud-Coréen a ensuite passé 26 ans dans les rangs de la police, évoluant à divers postes, avant de prendre sa retraite fin 2011.De 2013 à 2015, il devient le chef adjoint du PSS, sous la présidence de Park Geun-hye, avant de marquer son grand retour au sein du service en septembre 2024, en tant que chef du PSS. Dès sa nomination le ton était donné : “La sécurité du président est une tâche importante directement liée à la sécurité nationale. Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour m’acquitter de ma tâche de manière irréprochable et veiller à ce qu’il n’y ait aucune faille dans la protection du président”, avait-il déclaré lors de sa prise de fonction.Un mandat d’arrêt valable jusqu’au 6 janvierD’autres personnes avaient également fait le déplacement ce 3 janvier. Pendant que Yoon Suk-yeol était retranché dans sa résidence, des centaines de ses partisans s’étaient rassemblées à l’extérieur du bâtiment, scandant des slogans promettant de protéger le président déchu. Certains brandissaient même des drapeaux sud-coréens et américains, estimant que l’enquête était motivée par des considérations politiques.Les évènements qui ont conduit à cette crise politique remontent au 3 décembre dernier, date à laquelle le président Yoon Suk-yeol a décrété la loi martiale pour tenter de contrer les “forces antiétatiques” et l’opposition politique. Cette décision, perçue comme un coup de force, a suscité une indignation générale et des retombées politiques immédiates. Quelques heures plus tard, l’Assemblée nationale sud-coréenne annulait la décision à la quasi-unanimité. Le 14 décembre, le Parlement votait la destitution du président. Si le mandat d’arrêt contre le chef de l’Etat est valable jusqu’au 6 janvier, le CIO a, pour le moment, décidé d’annuler son arrestation, jugeant que celle-ci était “pratiquement impossible”.



Source link : https://www.lexpress.fr/monde/asie/en-coree-du-sud-le-tout-puissant-service-de-securite-du-president-dechu-qui-defie-la-justice-LY4LH4JDPJHKTKE6WZYOKENLWI/

Author : Aurore Maubian

Publish date : 2025-01-03 16:38:11

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“Charb ne voudrait plus être son camarade” : Charlie Hebdo et Jean-Luc Mélenchon, chronique d’une rupture

Le candidat du Front de Gauche (FG) à l'élection présidentielle française de 2012 Jean-Luc Mélenchon tient le journal satirique français Charlie Hebdo lors d'un meeting de campagne, le 4 avril 2012 à Limoges, dans le centre de la France.




Chapitre 1 – La conférence de rédactionMercredi 12 juin 2024. Journalistes et dessinateurs prennent place autour des tables boisées, installées bout à bout. A Charlie Hebdo, la conférence de rédaction est consacrée au positionnement du journal dans la séquence, trois jours après la dissolution surprise de l’Assemblée nationale voulue par Emmanuel Macron. Le Rassemblement national est en bonne voie pour rafler Matignon. Le Nouveau Front populaire – l’alliance des gauches, socialistes et insoumis, en passant par les communistes, les écolos, Génération.s ou encore le NPA – vient, lui, de voir le jour. “Charlie” n’a pas pour habitude de donner de consignes de vote, mais le moment est jugé grave. A la veille de la réunion, quelques historiques de la maison et autres nouveaux venus prennent langue par téléphone. “On pourrait proposer que le journal soutienne le NFP…”, suggère-t-on dans le combiné. Parfois les interlocuteurs tombent d’accord, parfois ils font la moue… Tout en convenant de l’opportunité de débattre de la question.Alors ce mercredi, plusieurs journalistes avancent leurs arguments : un “soutien critique” de Charlie à l’alliance des gauches, avec “quelques réserves et mises en garde sur la laïcité”, chère à la rédaction athée. Le directeur de la publication, Riss, oppose une fin de non-recevoir. Les esprits s’échauffent. Les noms d’oiseaux fusent, une chaise vole. Une tablette graphique se brise sur le sol. Le directeur de la publication quitte prématurément la salle. Le 14 juin, la représentation du personnel s’inquiète de la “dimension démesurée” de l’événement. La ligne du journal est affichée moins de deux semaines plus tard. “L’enjeu de cette élection est double : s’opposer au Rassemblement national, mais aussi débarrasser la gauche de ceux qui la prennent en otage depuis des années”, écrira Riss dans l’éditorial du 26 juin (“Si Charlie Hebdo n’en parle pas, qui le fera ?”) Le débat vit tout de même : la veille sur le site, une carte-blanche signée par une journaliste dénonce “la stratégie dangereuse du ni-ni”.Entre la gauche et Charlie Hebdo, les relations sont pour le moins contrariées. Et pourtant, Gérard Biard, le rédacteur en chef, l’assure : “Charlie, c’est un journal de gauche, qui va du très rouge au presque rose pâle en passant par le vert. D’où les engueulades. Nous ne sommes pas d’accord sur tout, mais nous le sommes sur l’essentiel : la laïcité, l’universalisme, la raison plutôt que la croyance, le refus des dogmes, y compris les dogmes politiques, fussent-ils de gauche…” Mais un sentiment de trahison perdure à l’égard de leur camp : “On a constaté la dérive d’une partie de la gauche. Pas toute, mais une partie non négligeable.”Aujourd’hui, Mélenchon défend des choses qu’il combattait hier violemmentIl y a bien sûr cette gauche dont ils n’attendent rien. Celle de certains intellectuels et militants indigénistes et décoloniaux qui, au lendemain de l’incendie des locaux du journal en 2011, appelaient à “ne pas s’apitoyer sur les journalistes de Charlie Hebdo”. Celle d’Edwy Plenel qui, quelques jours après le massacre de la rédaction par les frères Kouachi en janvier 2015, s’en allait à Brétigny-sur-Orge organiser avec le prédicateur Tariq Ramadan (pas encore rattrapé par les accusations de viol) un meeting commun contre “l’islamophobie”. Cette gauche dite “de gouvernement” qui, elle aussi, parfois, a déçu, comme Jean-Marc Ayrault, Premier ministre sous Hollande en 2012, exprimant sa “désapprobation face à tout excès” lors de la republication des caricatures du prophète – “Il n’avait rien compris à ce qu’il se passait !”, fustige aujourd’hui l’ancien Premier ministre Manuel Valls. Car le canard satirique, indifférent aux tabous à bâbord, agit comme un catalyseur de son propre camp. 2011, 2012, ni 2015 ne sont des commencements. SOS Racisme et le droit à la différence, en 1980 ; Creil et l’affaire du foulard islamique dans les écoles en 1989… Déjà, la gauche se fracture. Perd sa boussole.Et puis, il y a ces reniements que l’on n’avait pas vu venir. “Aujourd’hui, Mélenchon défend des choses qu’il combattait hier violemment”, souffle Gérard Biard. Charlie Hebdo a donc durci le coup de crayon contre cet ancien ami et sa famille politique, offrant aux insoumis un prétexte tout trouvé pour accentuer la rupture. “Le journal a changé de ligne éditoriale, ils sont désormais très anti-LFI. Je défends la liberté de nous critiquer, mais je ne vais pas non plus soutenir un journal qui est maintenant contre nous”, affirme le député LFI Antoine Léaument. “Une rédaction a été décimée, s’insurge François Hollande. Riss n’est pas Charb. Les personnalités ne sont pas les mêmes. Riss, courageusement avec de nouveaux journalistes a pris la suite de Charb. Lorsque vous avez été attaqués par des islamistes, vous ne pouvez pas être dans une forme de béatitude et de légèreté. Et le combat pour la liberté d’expression n’est pas sans risques. LFI a pris ses distances avec les principes de laïcité et a montré une tolérance injustifiable avec le port de vêtements et de signes religieux. Il est évident que ce parti est bien peu Charlie. La gauche dans son ensemble doit se départir de cette position sinon elle risque d’être mise dans le même sac”, tacle l’ancien président de la République. Jean-Luc Mélenchon constituait pourtant une figure à part.Chapitre 2 – Les deux camarades”Charb, on m’a demandé de dire quelques mots.” Ces derniers sonnent si juste, le 16 janvier 2015 à Pontoise, aux obsèques du rédacteur en chef assassiné. Voix grave, résonnante, parfois tremblante, la salle sanglote quand Jean-Luc Mélenchon, perché au pupitre, perce le silence : “Tu as été assassiné, comme tu le pressentais, par nos plus anciens, nos plus cruels, nos plus constants, nos plus bornés ennemis : les fanatiques religieux.” Au gré d’une oraison profondément politique, il revendique l’abrogation du délit de blasphème dans la France concordataire puis, s’adressant aux survivants de l’attentat, poursuit : “La laïcité brocardée et les laïcards moqués ont la preuve par Charb de leur sens complet.” Dans l’auditoire, Najat Vallaud-Belkacem et Christiane Taubira, ministres de l’Education nationale et de la Justice, sont assises au premier rang. A la fin de son bref discours, Jean-Luc Mélenchon regagne sa place, en première file, évidemment. “Sa présence nous paraissait évidente”, dit Marika Bret, l’ancienne DRH de Charlie ; l’entourage proche de Stéphane Charbonnier avait, quelques jours après le drame, suggéré au leader de gauche de prononcer l’éloge funèbre. “Combien ne savent pas qui tu es pour nous, Charb !” La phrase entête.Jean-Luc Mélenchon et Danielle Simonnet lors de la cérémonie d’enterrement du caricaturiste de Charlie Hebdo Stéphane “Charb” Charbonnier, le 16 janvier 2015 à PontoiseJean-Luc Mélenchon et Charb : unis par cette amitié si singulière qu’offre parfois la vie politique. Entre le fer de lance d’une nouvelle gauche radicale et laïque, et le dessinateur aux convictions cocos et athées, la convergence d’esprit est puissante. “Ils avaient en commun la bataille pour une égale dignité, le droit au logement, les droits des sans-papiers”, se remémore Marika Bret. Combien de fois a-t-on aperçu Charb aux côtés de dirigeants du Parti et du Front de Gauche, lui qui suivait avec enthousiasme la fondation de ces nouvelles offres, trop libre pour ne jamais s’encarter nulle part ? Entre Mélenchon et Charb, il y avait le rire aussi, et cet intérêt partagé pour la caricature, plus lointain pour l’homme politique qui, lui-même, avait croqué l’actualité pour La Croix du Jura. “Charb ne se considérait pas comme un militant, mais il offrait son trait de feutre”, poursuit Marika Bret. Il avait offert quelques dessins pour les campagnes électorales de son ami. Pour son ancien bras droit, Alexis Corbière, aussi. “Nous avions des liens avec lui, Bernard Maris, Wolinski…”, se remémore l’ancien insoumis. Après les attentats, les liens s’amenuisent avec la nouvelle rédaction.Chapitre 3 – “Le problème, c’est que l’agenda d’Obono est devenu le sien”Juin 2017. Jean-Luc Mélenchon fait son entrée au Palais-Bourbon parmi les 17 députés LFI élus après l’élection présidentielle. A ses côtés, se tiennent les fidèles. Mais également ces auto-entrepreneurs présumés, dont il se méfiera toujours. François Ruffin est un peu nouveau dans la famille. Clémentine Autain a des allures d’électron libre. Alors, conserver son petit groupe parlementaire vaut bien quelques concessions, même si cette dernière s’appelle Danièle Obono. Jean-Luc Mélenchon n’est pas dupe de l’agenda de cette dernière. L’ancienne du NPA avait provoqué sa colère deux ans plus tôt. “Il faut qu’elle se taise, qu’elle arrête de dire des conneries”, confiait-il à quelques-uns de ses plus proches. Une histoire de larmes. “Je n’ai pas pleuré Charlie”, enfin “un peu en pensant aux 12 personnes mortes”, avait déclaré Obono. Qui pleure, en revanche, “en pensant aux ami-e-s et aux camarades qui sont devenu-e-s Charlie”, et “à toutes les fois où des camarades ont défendu, mordicus, les caricatures racistes de Charlie Hebdo”. Elle continuera de provoquer l’agacement du chef, au sujet, entre autres, des stages en “non-mixité raciale” organisés par un syndicat. Bientôt, ce seront les amis de Mélenchon qui le supplieront : “S’il te plaît recadre les choses, Jean-Luc”. Il n’en sera rien. En septembre 2017, il la défendra face à Philippe Val, l’ancien rédacteur en chef de Charlie Hebdo. “C’est une amie, je la respecte, elle sait sur quoi nous sommes d’accord et pas d’accord. Mais je ne ferai pas de police de la pensée […]. Danièle Obono n’a tué personne !” A présent, un ancien compagnon de route soupire : “Le problème, c’est que l’agenda d’Obono est devenu le sien. Il pensait que ce serait l’inverse.”Le leader insoumis s’éprend aussi de Taha Bouhafs. Jean-Luc Mélenchon n’aime rien d’autre que défricher de nouveaux espaces. Ce journaliste militant a plusieurs atouts : il est hyperactif sur les réseaux sociaux, fort d’une communauté solide… Qu’importe si l’intéressé multiplie les saillies contre l’hebdomadaire satirique : “Ces pouilleux de Charlie Hebdo n’existent qu’à travers notre indignation. Cessons de commenter leurs ‘unes’ dégueulasses et ils cesseront d’exister”, tweete-t-il, le 30 octobre 2019. Il a la bénédiction du patron, et d’Eric Coquerel. Le même qui, en 2015, au Parti de gauche, estimait que les marches du 11 janvier 2015 [NDLR : post-attentat de Charlie] étaient “un ciment solide pour construire l’unité du peuple”. Aux législatives de 2022, Bouhafs est investi sous la bannière LFI dans le Rhône, avant de jeter l’éponge, sur fond d’accusation de violences sexistes et sexuelles. Un ancien camarade : “On savait que Jean-Luc Mélenchon l’utilisait, mais on ne pensait pas qu’il y avait là une forme d’alignement politique.”10 novembre 2019. Entre Charlie Hebdo et l’insoumis, une marche de plus vers la discorde. Dans les rues de Paris, voici le leader insoumis manifestant désormais contre “l’islamophobie” – terme qu’il récusait jusqu’alors et qu’il assurait ne pas aimer le jour même – à l’initiative entre autres du Collectif contre l’islamophobie en France, accusé de liens avec les Frères musulmans. Le reste de la gauche est gêné aux entournures par les mots d’ordre du rassemblement. Y compris chez LFI, où Adrien Quatennens et François Ruffin ont séché le rendez-vous. “lls défilaient à leur propre enterrement. Celui d’une gauche en perdition”, écrira Riss le lendemain. A la rédaction, on considère que Mélenchon défile à présent aux côtés de ceux que dénonçait Charb dans sa “Lettre aux escrocs de l’islamophobie qui font le jeu des racistes”, publiée à titre posthume. En est-il devenu un ? “Au moment de cette marche, nous, les tenants d’une ligne républicaine, sommes purgés, évincés ou en phase de l’être”, explique François Coq. En août 2020, Mélenchon cible ceux qui “tout d’un coup, se sont repeints en laïques pour pouvoir détester avec des mots honorables la deuxième religion et tous les musulmans de ce pays”.Jean-Luc Mélenchon participe à une marche près de la gare du Nord, à Paris, le 10 novembre 2019, pour protester contre “l’islamophobie””Ce Charlie-là ce n’est plus celui de mes amis Charb ou Cabu. […] Je déplore que Marianne et Charlie soient devenus les bagagistes de Valeurs actuelles.” Septembre 2020, la rupture est consommée. Dans La Provence, Jean-Luc Mélenchon répond à la dernière Une de l’hebdomadaire, où il est caricaturé aux côtés d’Edwy Plenel et de Tariq Ramadan, test antigénique dans le nez, flanqué du titre “Plutôt Charlie ou Kouachi ?” Au même moment, les survivants de l’attentat du 7 janvier 2015 revivent le drame à travers le procès. Troublante concomitance, c’est à ce moment que Marika Bret est exfiltrée de son domicile en raison de menaces sérieuses. Adrien Quatennens, alors premier lieutenant de Mélenchon, “élevé à la culture Charb”, comme il le dit lui-même, lui textote un message de soutien. Elle l’éconduit. “Je vois déjà arriver les messages du 7 janvier 2025, dont certains vont me faire dresser les cheveux sur la tête”, dit-elle aujourd’hui.EpilogueLa rédaction s’apprête à commémorer la première décennie des attentats, au gré de cérémonies et de rencontres organisées aux quatre coins de la France. Jean-Luc Mélenchon, lui, a achevé sa mue stratégique. L’interdiction de l’abaya dans les établissements scolaires, annoncée à la rentrée scolaire 2023, représente à ses yeux “une nouvelle absurde guerre de religion entièrement artificielle” ; la représentation artistique de la Cène à la cérémonie d’ouverture des JO 2024 risque “de blesser les croyants”. Ses combats laïcards appartiennent au passé. Gérard Biard n’a pas de mots assez durs : “Je suis persuadé que désormais, Charb ne voudrait pas être son camarade.” Entre Charlie et Mélenchon, plus rien n’est pardonné.



Source link : https://www.lexpress.fr/politique/charlie-hebdo-jean-luc-melenchon-et-la-gauche-chronique-dune-rupture-HHEFEWLE4RCB5HUCRMARR3HG4U/

Author : Mattias Corrasco

Publish date : 2025-01-03 15:26:28

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Les doutes des économistes face à Bercy : “Une prévision sans budget, c’est comme la météo sans modèle”

Eric Lombard, directeur général de la Caisse des dépôts (CDC), arrive à l'Elysée, le 11 décembre 2018 à Paris




Les gouvernements changent, mais les mauvaises habitudes perdurent. Le 18 février 2024, Bruno Le Maire, alors ministre de l’Economie, se présentait au 20 heures de TF1 pour annoncer une forte révision à la baisse des prévisions de croissance de la France pour l’année en cours, passant de 1,4 % à 1 %. Près d’un an plus tard, le nouveau patron de Bercy, Eric Lombard, s’apprête à faire de même, selon des informations de L’Opinion. Les services du Trésor tableraient désormais sur 0,8 % en 2025, contre 1,1 % précédemment.A vrai dire, cette projection est désormais plus en accord avec celles des différents instituts, qu’ils soient privés ou publics. La Banque de France anticipe une hausse du PIB de 0,9 %, tandis que l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) misait sur 0,8 % juste avant l’examen du projet de loi de finances Barnier, en octobre. C’est plutôt le moment choisi pour une telle révision qui interroge. “Je ne sais pas très bien comment ils arrivent à faire une prévision aussi précise sans savoir s’il y aura un budget et ce qu’il y aura dedans”, s’étonne l’économiste Adrien Auclert, coauteur, en juillet dernier, avec Xavier Ragot et Thomas Philippon, d’une note pour la Conseil d’analyse économique sur le redressement des finances publiques françaises. “Faire une prévision sans budget, c’est presque comme prévoir la météo sans modèle”, abonde Mathieu Plane, directeur adjoint du département analyse et prévision de l’OFCE.L’objectif de 5 % de déficit hors d’atteinteReste qu’une croissance plus faible signifie que les recettes fiscales seront moins importantes pour l’Etat. Une bien mauvaise nouvelle, alors que le déficit public devrait dépasser les 6 % de PIB au terme de l’année écoulée, loin, très loin des 4,4 % visés dans le projet de loi de finances pour 2024. Sans oublier qu’au printemps dernier, Bruno Le Maire avait déjà réévalué cet objectif à 5,1 %. “Les calculs typiques habituellement faits sont les suivants : un point de croissance en moins, cela correspond à 0,6 point de déficit public en plus. Si la prévision de croissance passe de 1,1 % à 0,8 %, cela entraînerait ainsi 0,2 point en plus sur le déficit public”, détaille Adrien Auclert. Un nouvel écart que nos finances publiques ne peuvent pas se permettre.L’objectif de 5 % qui avait été fixé par Michel Barnier apparaît clairement hors de portée. “C’est irréaliste. Même 0,8 % de croissance semble assez optimiste à moins d’une espèce de miracle économique”, poursuit ce professeur à Stanford. Pour Mathieu Plane, la question est surtout de savoir si l’on parviendra à repasser sous la barre des 6 %. “Si on arrive à se rapprocher de 5,5 %, ce serait déjà très bien”, estime-t-il. D’après le journal Le Monde, l’objectif serait plutôt de 5,4 %.La France n’a plus les cartes en mainD’autant que la France n’est pas seule maîtresse de son destin. “L’Allemagne, notre principal partenaire commercial, est en pleine crise industrielle et traverse également une période d’incertitude politique. Du côté des Etats-Unis plane cette interrogation quant à l’application du programme de Donald Trump. Au vu de ses dernières déclarations, le président élu semble vouloir maintenir son objectif d’augmenter les tarifs douaniers pour les produits en provenance de l’étranger”, liste Eric Dor, directeur des études économiques à l’IESEG School of management.Sans compter un calendrier très serré. François Bayrou a promis un budget à la mi-février. Une nouvelle mouture qui risque d’être dénaturée par rapport à la précédente. Les 60 milliards d’efforts budgétaires qu’avait mis sur la table Michel Barnier devraient voler en éclats. “On voit mal le nouveau Premier ministre arriver à faire voter un budget qui aurait l’ambition du projet Barnier. Il va falloir donner des gages à tout le monde, à gauche comme à droite. Et les choses risquent de s’aggraver si l’on doit concéder un certain retour sur la réforme des retraites”, prévient Eric Dor.L’économie française ne peut plus attendrePlus le temps passe, plus l’économie française pâtit de cette indécision budgétaire. “Tout le monde navigue un peu à vue. Nous n’avons aucune idée précise de ce que va être la politique fiscale”, souligne Adrien Auclert. Avec des conséquences concrètes. “Les entreprises ne savent pas à quelle sauce elles vont être mangées, ce qui les pousse à l’attentisme en termes d’investissement. De plus, les ménages français ont en mémoire ce qu’ont vécu les pays européens au moment de la crise de la dette souveraine. Ces inquiétudes se transforment en épargne”, assure Eric Dor. En attendant, c’est la loi spéciale qui s’applique. “Si on devait s’en contenter toute l’année, le déficit budgétaire dépasserait les 6 %. Cela nous mettrait complètement en porte à faux vis-à-vis de la Commission européenne”, rappelle Eric Dor, alors même que la France a déjà été placée en procédure de déficit excessif.Même si François Bayrou parvenait à arracher un vote du budget à l’Assemblée nationale sans être censuré, le risque d’une nouvelle dissolution à partir du 8 juillet ne peut être écarté. “Rien ne garantit que la situation serait plus facilement gérable à la suite de nouvelles élections, estime toutefois Eric Dor. La composition du Parlement ne fait que refléter la fragmentation de l’opinion publique. Tous les pays européens y sont confrontés. La grande différence entre la France et ses voisins est qu’elle n’a pas l’habitude de ces situations. Le personnel politique n’est donc pas entraîné à négocier des coalitions.” Et à la rentrée prochaine, rebelote… le casse-tête du vote du budget se reposera.



Source link : https://www.lexpress.fr/economie/les-doutes-des-economistes-face-a-bercy-une-prevision-sans-budget-cest-comme-la-meteo-sans-modele-3SJFEQQGYFEVHLO5SLT7L43F4I/

Author : Thibault Marotte

Publish date : 2025-01-03 16:14:27

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Quels sont les livres qui se sont le plus vendus à Noël ? Découvrez le classement

L'écrivain Kamel Daoud, lauréat du prix Goncourt pour son roman "Houris", au restaurant Drouant à Paris, le 4 novembre 2024




Sans surprise, aucune surprise ou presque, dans nos palmarès de la dernière semaine de décembre, celle des cadeaux de dernière minute. L’on y retrouve certains des primés de l’année, et surtout, tous ceux dont on vous parle depuis ce quatrième trimestre 2024. A croire que l’heure n’était pas aux découvertes.Il est donc grand temps de vous donner quelques chiffres significatifs. Ainsi du prix Goncourt 2024, Kamel Daoud, dont le roman Houris (Gallimard) s’est envolé (au 29 décembre, selon Edistat) à quelque 388 000 exemplaires, un très bon score somme toute. Le Renaudot Gaël Faye, pour Jacaranda (Grasset), n’a pas à rougir non plus avec 342 000 exemplaires vendus.Auréolée par le prix Goncourt des lycéens et le prix Goncourt des détenus, la romancière Sandrine Collette, 4e de notre classement avec Madelaine avant l’aube (Lattès) peut, elle, s’enorgueillir de 150 000 ventes. Quant à Miguel Bonnefoy, le double lauréat du Grand prix de l’Académie française et du prix Femina avec Le Rêve du jaguar (Rivages), il fait jeu égal avec dame Collette. On n’oubliera pas Olivier Norek, lauréat du prix Jean Giono et du Renaudot des lycéens, 7e du palmarès, dont Les Guerriers de l’hiver est en passe de franchir la barre des 200 0000. Et Olivier Tournut, prix du Quai des Orfèvres 2025 avec Post Mortem (Fayard), qui dépasse les 90 000 exemplaires vendus. Voilà pour les lauréats.3836 PALMARESA cette liste d’heureux élus, il faut encore ajouter quelques habitués des best-sellers : Valérie Perrin qui avec 262 000 exemplaires écoulés de Tata (Albin Michel) fait plus que confirmer le succès de ses précédents romans, Changer l’eau des fleurs (2018), Trois (2021) … De même, Mélissa Da Costa, auteure du même éditeur, ne démérite pas avec quelque 187 000 exemplaires au compteur pour Tenir debout.Restons dans la chanceuse maison de la rue Huygens : Maxime Chattam (Prime Time), Philippe Collin (Le Barman du Ritz), Thomas Schlesser (Les Yeux de Mona) emmagasinent sec avec, respectivement, 118 000, 266 000 et 325 000 exemplaires ! Bien sûr, comme tous les ans les “polardeux” sont présents dans notre Top 20 : Marc Levy (La Librairie des livres interdits, Robert Laffont/Versilio, 135 000 exemplaires depuis le 18 novembre), Guillaume Musso (Quelqu’un d’autre, Calmann-Lévy, 432 000 exemplaires depuis le 5 mars), Michel Bussi (Les Assassins de l’aube, Les Presses de la Cité, 100 000 exemplaires depuis le 10 octobre) ou encore Harlan Coben (Méfie-toi, Belfond, 95 000 depuis le 3 octobre).On citera enfin le phénomène de cette fin d’année, l’Américaine Freida McFadden et La Femme de ménage voit tout (City) qui dépasse les 100 000 exemplaires (tandis que le premier tome de sa série, La Femme de ménage, comptabilise chez J’ai lu plus de 700 000 exemplaires grâce à un bouche-à-oreille formidable !) Last but not least, on vous avait promis une petite surprise (voir la première ligne), il s’agit de l’entrée, plus que méritée, du dernier roman de Fabrice Caro, Fort Alamo (Gallimard). Pas de doute, les lecteurs ont bon goût. Et les essais, me direz-vous ? Gardons un peu d’encre pour la semaine prochaine…



Source link : https://www.lexpress.fr/culture/livre/quels-sont-les-livres-qui-se-sont-le-plus-vendus-a-noel-decouvrez-le-classement-I2FRGJYDQ5A7DE7BCCYAOTBQQY/

Author : Marianne Payot

Publish date : 2025-01-03 15:48:48

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