Face à une crise cardiaque, à une hémorragie ou à un étouffement, la formation aux premiers secours nous apprend les gestes qui sauvent. Un programme apparu en Australie en l’an 2000 s’en inspire et applique ce principe aux souffrances de l’esprit. En un quart de siècle, plus de 6 millions de personnes dans le monde sont ainsi devenues secouristes en santé mentale. Il était temps, vu l’ampleur de la tâche… qui s’est encore aggravée avec le Covid-19. En Europe, un quart des adultes sont atteints d’un trouble psychique.Moyennant 250 euros, nous avons suivi les deux jours de stage aux premiers secours en santé mentale. Une douzaine de participants, majoritairement féminins, dont des cadres en ressources humaines, ou une commerciale en start-up. L’animateur franco-britannique Brian Smith joue la carte de l’interaction et place un peu de son humour anglais, appréciable vu les sujets traités. Ils se déclinent en quatre catégories : la dépression, l’anxiété, les addictions et les troubles psychotiques.Protéger, alerter et secourir sont les trois maîtres mots des premiers secours “physiques”. Pour leur pendant psychique, l’attitude à adopter se résume par l’acronyme Aerer qui énumère cinq actions : approcher la personne ; l’écouter activement et sans jugement ; la réconforter ; l’encourager à aller vers un professionnel ; et enfin, la renseigner sur les autres ressources disponibles (comme les groupes de soutien ou le numéro 3114).L’apport le plus évident de la formation concerne la prévention contre le suicide. Le formateur égrène des statistiques alarmantes. On dénombre 9 000 décès par suicide chaque année en France, un bilan trois fois plus lourd que les accidents de la route. Une personne tente de mettre fin à ses jours toutes les quatre minutes. La moitié a moins de 25 ans !Rendre la discussion plus facileNous nous portons volontaires pour une mise en situation. Il s’agit de jouer le rôle d’un habitant rendant visite à son voisin, qui s’isole depuis plusieurs semaines – lui-même interprété par un autre participant. Il nous faut, avec tact mais franchise, l’interroger sur son moral. Sans esquiver les questions sensibles. “As-tu des idées noires ?”, “Est-ce que ce sont des pensées suicidaires ?”, “Est-ce que tu sais comment tu comptes t’y prendre ?”. Echange inconfortable bien que fictif, qui nous confronte à la peur de froisser l’autre. Pourtant, “il vaut mieux ressentir cette gêne que perdre la personne”, souligne Brian Smith. Pour celui qui songe à mettre fin à ses jours, pouvoir s’en ouvrir à un tiers procure un véritable soulagement qui apaise, au moins temporairement, son anxiété. Il convient alors de l’orienter vers un médecin ou de l’accompagner aux urgences psychiatriques.La mise en situation remue, mais elle montre par l’exemple qu’il est possible de sortir du silence. C’est tout l’intérêt de dérouler une méthodologie qui a fait ses preuves : le cadre permet de dépasser ses craintes et le syndrome de l’imposteur pour oser aller vers l’autre malgré l’absence de bagage médical. “Le cadre Aerer rend la discussion plus facile et atténue la peur d’être illégitime”, confirme Brian Smith. Précisons que les premiers secours en santé mentale s’appliquent majoritairement auprès des proches : collègues, voisins ou amis. En aucun cas il ne s’agit de se substituer aux professionnels de santé, mais d’amener la personne à consulter.Lors des Assises de la santé mentale et de la psychiatrie, le ministère de la Santé avait avancé un objectif de 60 000 secouristes en 2023. Une cible largement dépassée : ils étaient 97 000 au 31 décembre. DRH, représentants du personnel, médecins du travail, mais aussi salariés sensibles à la question montrent un intérêt croissant pour le sujet. Une bonne nouvelle, alors que le mal-être continue d’empirer dans le monde du travail.
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Author : Thomas Lestavel
Publish date : 2024-01-24 04:30:00
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Santé mentale : ces formations “premiers secours” qui sauvent des vies
